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La bonne
parole en parabole |
« Je suis accroc de la drogue, j'ai suivi
votre programme. Remettez-vous à Dieu et je veux savoir s'il
peut m'aider à devenir un bon croyant ». « Est-ce
que les chrétiens risquent de subir les souffrances du tombeau
après la mort, comme en islam, où seront les morts en
attendant le dernier jugement ? ». « Je
suis un adolescent et je ne peux m'empêcher de pratiquer la
masturbation, est-ce haram
(illicite) ? ». Ceci n'est qu'un
échantillon des questions posées et envoyées par courrier par
les téléspectateurs de la chaîne satellite chrétienne
Sat7, dont le siège se trouve à Chypre. Ayant comme
conseil d'administration 32 partenaires de différentes
confessions, le personnel de cette chaîne satellite tient à ne
pas dépendre d'une Eglise spécifique, l'objectif étant
d'atteindre le plus large auditoire. Etant la seule chaîne
satellite chrétienne à diffuser en Egypte en langue arabe,
elle jouit d'une grande audition. Cette chaîne diffuse
quotidiennement ses programmes pendant deux heures et a pour
objectif de transmettre le message du Christ. « Il
existe des milliers de chrétiens uniquement de nom, des
personnes qui non seulement ne connaissent rien sur leur
religion mais qui ne profitent d'aucun service spirituel des
églises. Notre rôle consiste à atteindre ces égarés et à faire
d'eux de vrais chrétiens », résume Fouad Youssef, le
directeur du bureau de Sat7 en Egypte. Cette chaîne
profite des bureaux régionaux comme celui du Caire ou de
Beyrouth pour atteindre sa cible. Ses bureaux se chargent de
la production de différents programmes de la chaîne ainsi que
du suivi de son public. Sat7 est diffusée à partir de
deux satellites et est destinée aux chrétiens d'Afrique du
Nord, d'Europe, du Moyen-Orient et du Golfe. étant émise en
langue arabe. C'est en mai 1996 que Sat7 lance ses
premières émissions et un an plus tard le bureau du Caire est
inauguré. De 19h30 à 21h30, les programmes de cette chaîne
répondent aux préoccupations des téléspectateurs. Des
talk-shows, aux programmes de distraction en passant par les
chants religieux et les jeux pour enfants, sans oublier une
bonne dose d'enseignement de la bible. Ainsi, Mawdoue
yahammouk (Un sujet qui t'intéresse) a pour but de
simplifier l'enseignement de la Bible tient à sélectionner des
hommes de religion de toutes les tendances :
« Nous invitons délibérément des coptes, des
protestants et des catholiques et ce, pour attirer l'attention
des chrétiens, toutes confessions confondues »,
explique Amal, scénariste. En effet, du choix des thèmes à
aborder jusqu'à la forme, l'équipe de Sat7 vise à
dépasser les barrières des divergences confessionnelles.
« Silence, on tourne », lance Réda, le
directeur du programme Jésus peut changer des vies à la
dizaine de techniciens présents sur le plateau. C'est au sein
de l'église protestante Qasr Al-Doubara, au centre-ville du
Caire, que son équipe est en train de filmer une chorale
donnée à l'occasion. A la fin de la prière, des témoignages
des fidèles seront aussi enregistrés. Atteindre ceux qui
n'ont jamais entendu la parole du Christ, tel est le but de ce
personnel ambitieux. « Nous ne nous intéressons pas à
ceux qui fréquentent les églises, nous savons que quelqu'un va
s'occuper d'eux, mais à ceux qui, grâce à Sat7, font la
connaissance de leur créateur pour la première
fois », dit Lucy, la responsable des correspondances
et du suivi des téléspectateurs. Sentir leurs
préoccupations, discuter de leurs problèmes, même les plus
intimes, tel est le but. Une série d'émissions est consacrée à
des sujets comme les relations sexuelles hors mariage, les
problèmes des drogués, le gagne-pain ou les conditions de vie
des malfaiteurs : des sujets qui touchent de près la vie
quotidienne du citoyen. « Nous voulons à tout prix
sortir du silence passif dans lequel aime se confiner la
majorité des prêtres dans les églises. Notre rôle est de
combler ce vide. Nous voulons aussi briser les tabous en
choisissant des sujets délicats qui préoccupent les fidèles et
qu'ils ne peuvent aborder facilement », explique
Albert, responsable de la production. Les nombreuses
lettres reçues témoignent à quel point les programmes ont un
effet magique et une excellente audience. « Que Dieu
vous bénisse, personne n'a pensé à nous
auparavant », leur écrit un téléspectateur
égyptien qui habite un village au Yémen. Celui-ci fait un
trajet quotidien de 2 heures pour s'installer avant 19h30 dans
le seul café de la ville équipé d'une antenne parabolique.
C'est grâce au programme Ilqi homoumek (Débarrasse-toi
de tes soucis) que ce maçon a commencé à lire la Bible et à
prier. « Il faut fasciner pour que le public ne
change pas de chaîne », explique Amal. Pour elle,
comme pour le reste de l'équipe, l'essentiel est de sortir des
méthodes traditionnelles et des sermons. « Pour nous,
le Christ signifie un message de vie et non pas des lois
religieuses à apprendre par cœur »,
dit-elle. Albert, responsable de la production, vient de
réaliser une chanson religieuse sur le bord du Nil à Assouan,
en se servant de la troupe de danse folklorique de cette
région. Des cantiques qui ressemblent aux vidéo-clips ;
le but est de profiter des nouvelles techniques et du
potentiel du petit écran. « Je voulais toucher toutes
les catégories d'âge et toutes les couches sociales. Par des
couleurs aussi diversifiées, une ambiance typique et un rythme
aussi fort, je peux garantir au moins que la curiosité des
téléspectateurs les poussera à écouter les paroles de la
chanson », dit-il. Pourtant, trouver des
professionnels en médias et en même temps des personnes
versées en religion n'est pas une chose facile. « Ce
manque de personnel qualifié est dû à l'image négative
qu'accordaient nos églises aux médias pendant longtemps.
Toutes les stars et le personnel du milieu étaient mal
vus », explique Nader. Résultat : peu de
chrétiens se sont spécialisés dans ce domaine. Aujourd'hui,
le personnel de Sat7 vise à changer cette image.
« Pourquoi ne pas profiter de la technologie pour
transmettre le message de Dieu ? Nous nous sommes
toujours plaints de notre marginalisation dans les médias,
aujourd'hui, nous avons cette chance de pouvoir diffuser nos
propres informations, profitons-en », dit Fibi,
membre de l'équipe de Sat7. Aujourd'hui et après trois
ans d'émission en Egypte, l'équipe de Sat7 juge qu'il
reste beaucoup à faire. Dans une société où l'antenne
parabolique est encore un luxe, seuls ceux qui ont les moyens
peuvent capter cette chaîne. Aujourd'hui, une initiative vise
à installer gratuitement une antenne dans toutes les églises
d'Egypte. |
Amira
Doss | |
Religions
. A l’occasion du Noël
copte, le chef de l’Eglise copte, le pape Chénouda III, évoque le soutien de l'Eglise à
l'Intifada et les questions du divorce et de la
tolérance. |
Il faut créer un lobby
arabe opposé à Israël |
Al-Ahram Hebdo :
Cette année, les célébrations du Noël catholique ont été
réduites au strict minimum à Bethléem, en raison de
l'Intifada. Quel est votre sentiment ? Le pape
Chénouda III : Les festivités peuvent être annulées, mais
pas les prières. La célébration religieuse s'est faite, mais
de manière restreinte et c'est normal à cause des événements
et du nombre important de victimes tombées sous les balles
sionistes. Cette année, Noël n'est pas une occasion joyeuse
en Palestine. Bien sûr nous sommes de tout cœur avec les
Palestiniens et nous soutenons leur guerre sainte en vue de
l'indépendance de leur pays et de la conservation de leur
identité. — Y a-t-il une coopération entre l'Eglise
copte et les autres Eglises comme le Vatican pour faire
pression sur Israël et l’obliger à modifier sa position envers
les Palestiniens ? — Israël ne se soucie pas
des pressions exercées par les Eglises. Ce qu'il faut, c'est
une pression de la part des forces politiques au
Proche-Orient, en Europe et en Amérique. Même cette pression
n'est pas suffisante, car Israël compte sur l'appui
américain. — Que préconisez-vous alors
? — J'appelle à la mise en place d'un lobby arabe élargi
qui puisse influer la prise de décision dans les pays
occidentaux. Il faut négocier
avec les autres et expliquer notre cause aux pays occidentaux.
A côté de ce lobby, il faut que les médias soient davantage
présents et que leur rôle soit accru, car les programmes qui
existent actuellement sont insuffisants. Il faut également
intensifier les efforts diplomatiques, pour que les ambassades
occidentales transmettent à leurs capitales les demandes
arabes. Nous devons êtres convaincants. — Où en est
l'affaire de Deir Al-Sultan à
Jérusalem ? — Rien n'a changé. Ce monastère
appartient aux coptes. En fait, le problème a commencé à la
suite de la défaite de 1967. A l'époque, les relations
égypto-israéliennes étaient bien sûr très mauvaises. Et les
Israéliens ont confié ce monastère aux Ethiopiens au lieu de
le rendre aux coptes. Depuis 1970, la situation est la même et
Israël refuse toute solution vu notre position à l'égard des
Palestiniens. — Revenons en Egypte. La
participation des coptes aux récentes élections législatives a
été très faible. Comment expliquez-vous
cela ? — Il ne s'agit pas d'une action
négative de la part des coptes. Lors des dernières élections
parlementaires, ils n'ont simplement pas réussi. Peut-être
auront-ils plus la chance au cours des prochaines élections et
que leur nombre augmentera. — On dit que votre
époque est la plus dure des époques papales, étant donné que
plusieurs prêtres ont été condamnés et jugés par des
tribunaux … Qu'en pensez-vous ? — Je
crois qu'il faut être ferme lorsqu'il y a un laisser-aller, et
le durcissement devient nécessaire en cas de déficience. Tout
ce qui est dit à ce sujet est une intervention dans la
politique de l'Eglise et dans ses affaires internes. Ces
questions doivent être traitées dans le plus grand secret et
tous ceux qui s'opposent aux jugements des prêtres ignorent la
réalité des choses. Bien sûr, le prêtre est un être humain qui
peut commettre des fautes. Mais il ne faut pas fermer les yeux
sur leurs erreurs. Un tel laisser-aller pourrait encourager
d'autres à commettre les même fautes. Ceux qui s'opposent à
nous ne peuvent rien contre la justice civile, au contraire
ils la respectent, pourquoi donc s'en prendre aux décisions de
l'Eglise ? Quant aux prêtres qui se plaignaient des
jugements contre eux, ce sont ceux-là mêmes qui ont rendu
publics ces jugements et qui les ont
acceptés. — Certains estiment que le divorce est
devenu la seule solution pour sauver la vie de certaines
familles chrétiennes. Pourtant, vous insistez à le refuser.
Pourquoi ? — Qui vous a dit cela ? Je ne
le refuse pas absolument et ne l'interdis pas. Mais j'applique
simplement les principes de l'Evangile que je dois suivre.
Selon l'Evangile, le divorce ne peut être proclamé qu'en cas
d'adultère ou bien de différence de religion. Est-ce que nous
autres, hommes de religion, avons le droit de contrevenir aux
recommandations religieuses ? Nous devons connaître d'abord les causes
qui menacent la stabilité de la famille et les éviter au lieu
de contredire la religion.
D'autant plus que les divorcés n'ont pas le droit de se
remarier. Si l'Eglise copte orthodoxe est critiquée pour son
rejet du divorce sauf dans les deux cas précédents, que dire
de l'Eglise catholique qui le rejette totalement, quelles
qu'en soient les causes. Ces accusations ne sont que des
tentatives de nuire à ma personne. — Vous êtes
accusés d'adopter une politique très ferme à l'égard des
autres confessions chrétiennes et de refuser de discuter avec
leurs chefs … — Comment ? J'étais l'un
des chefs du conseil œcumémique pendant 7 ans, de 1991 à 1998.
Ce conseil renferme toutes les confessions sauf les
catholiques. A l'époque, j'étais l'un des chefs des Eglises du
Proche-Orient qui regroupent les catholiques, les orthodoxes
ainsi que les protestants. L'Eglise copte est membre du
conseil des Eglises régionales que ce soit en Afrique, au
Canada, en Amérique ou dans plusieurs pays européens. Nous ne
refusons jamais la discussion religieuse avec les différentes
confessions. Le devoir du chef religieux est de maintenir les
principes religieux. L'Eglise copte est celle qui préserve le
plus les préceptes religieux. Elle suit strictement ces
principes et refuse toute erreur commise sous l'intitulé de la
« liberté » ou des « droits des
autres ». Il y a des Eglises qui réclament
l'ordination de la femme, ce que nous refusons complètement.
Pire encore,
avec des idées « féministes », certaines vont
jusqu'à remettre en cause le fait d'appeler Dieu comme le père
et pas comme la mère. Face à
de telles choses, le devoir de l'Eglise est de s'attacher aux
bons principes et à la bonne croyance. — Quelle est
la position de l'Eglise copte vis-à-vis du dialogue
inter-religieux ? Et ce dialogue est-il un moyen de
rapprochement entre les peuples ? — Le
dialogue entre musulmans et chrétiens n'est pas un dialogue
sectaire et ne concerne ni les croyances religieuses ni la
théologie. En revanche, c'est un dialogue qui concerne les
moyens de coopération dans tout ce qui a trait aux questions
d'intérêt commun entre les deux communautés. Et ces
questions-là, c'est-à-dire entre autres les problèmes sociaux,
de santé ou qui ont trait à la nation, ne divisent aucunement.
Même s'il n'existe pas en Egypte un comité de dialogue
permanent regroupant chrétiens et musulmans, j'assiste souvent
à des réunions ou à des conférences avec le cheikh d'Al-Azhar,
et il nous est fréquemment arrivé de discuter de questions
politiques comme celle de Palestine, ou de certains problèmes
sociaux ou sanitaires comme la lutte contre la toxicomanie et
le tabagisme ou la transplantation des organes, le clonage,
etc. — Quelle est votre réaction après avoir reçu
le prix de la tolérance, et que représente ce prix à
l'Egypte ? — Honnêtement, ce prix n'a rien
changé pour moi. Sa véritable valeur réside plutôt dans le
fait que c'est un Egyptien qui a réussi à obtenir un prix
international accordé par l'Unesco. Pour moi, c'est plus une
affaire égyptienne qu'une affaire personnelle. En réalité, je
ne m'attendais pas à ce qu'il me soit décerné, car j'ai été
choisi parmi 38 personnes. Le vrai mérite de ce prix est pour
l'Egypte, car c'est un Egyptien qui a été choisi pour
symboliser la tolérance. Je suis donc plus un symbole en ce
qui concerne ce prix. Celui
qui a créé ce prix est un Indien féru de Ghandi, de sa vie, et
de la noblesse de ses idéaux, notamment contre la violence.
J'ai donc été apprécié, entre autres, pour mes différentes
activités et surtout pour mes livres dans lesquels j'appelle à
la tolérance, à l'humanité et à la bienveillance envers
autrui. Lorsque j'ai été interrogé à propos de la tolérance
et de l'indulgence, j'ai dit que lorsqu'il s'agit d'une
affaire personnelle, on peut facilement pardonner, mais on ne
peut pas être indulgent lorsqu'il s'agit des droits d'autrui,
de la nation, ou encore des commandements divins. Etre
indulgent ne signifie pas abandonner ses droits.
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Propos recueillis
par Magda Barsoum |
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