Essai de cartographie de l’information
sur Internet
au Liban
Pour tenter de mettre à l’épreuve des faits les
différentes théories avancées à propos des nouveaux médias et de leur impact
sur les sociétés arabes contemporaines, nous proposons, dans ce travail, de
dresser une sorte de cartographie sociale, forcément provisoire comme on le
verra, de l’information présente sur Internet au Liban. S’agissant d’un secteur
d’activité très récent, puisque les premières créations remontent à l’année
1996, il nous avait semblé envisageable, au départ, d’étudier en profondeur la
trentaine de sites que les différents répertoires et moteurs de recherche
spécialisés signalaient. En effet, il nous paraissait naturel de chercher à
préciser qui, parmi les acteurs médiatiques reconnus, avait tenté de tirer
parti des potentialités de ce nouvel outil de communication, et comment. Une
fois ce premier travail effectué, on pouvait imaginer passer à un autre type
d’analyse, vis-à-vis de l’interprétation des stratégies et de leurs modalités
d’application, des contenus informationnels véhiculés, des publics visés et
effectivement concernés par cette nouvelle offre…
Ce qui ne devait être qu’un simple repérage s’est
avéré à l’expérience faire intégralement partie de la démarche analytique car,
pour prétendre capter une image fidèle des acteurs présents dans le domaine de
l’information en ligne au Liban, il a fallu au préalable être en mesure de
répondre à nombre d’interrogations. Celles-ci ont porté sur les modes de
régulation des sites présents sur la toile (avec notamment la question relative
à la protection de la propriété industrielle et celle de la censure), sur leur
localisation en raison du problème posé par l’enregistrement des noms de
domaine au sein d’un réseau transfrontalier, et enfin sur leur véritable
« qualification » par rapport au support éventuellement utilisé par
le média d’origine et aux transformations de la notion d’information
introduites avec Internet.
À l’issue de cet examen, on proposera une première
série d’observation sur les données relatives aux fournisseurs d’information en
ligne au Liban (données présentées à la suite de ce texte). Globalement, force
est de reconnaître que les sites libanais fournisseurs demeurent encore en
nombre limité, et très inégalement répartis. Ensuite, on s’aperçoit également
que ce type de publication informatique reste, pour les acteurs venus des
médias traditionnels comme pour les nouveaux venus, une activité à la
rentabilité très aléatoire. Dès lors, il n’est pas étonnant de constater que
les contenus demeurent assez décevants. Toutefois, il apparaît que la langue
utilisée par les créateurs de site met en évidence des options très différentes
vis-à-vis de l’offre d’information sur Internet. Au point que l’on peut même
imaginer que l’avenir de cette technique repose en grande partie sur les choix
qui seront faits par rapport à ces différentes options.
Ce panorama des sites producteurs d’information est
prolongé par une étude des acteurs : quotidiens, périodiques, presse
audiovisuelle, mais aussi les sites relevant de ce que l’on peut appeler la
« cyberpresse » où l’on retrouve, à côté d’initiatives que nous
qualifions d’« occasionnelles », ces produits inédits que sont les
magazines (exclusivement) électroniques ou encore les portails.
1.
Trois questions préalables
1.1. Quelle régulation ?
La base de données que nous avons établie sur les
fournisseurs d’information en ligne au Liban a pris, au terme de notre enquête,
une ampleur imprévue. À l’issue de nos recherches, ce sont plus de cent
soixante adresses différentes qu’il nous a été possible de repérer. Mais
l’image qui se dessine ainsi – au printemps de l’année 2001 – n’en demeure pas
moins en partie floue car le nombre des adresses ne correspond pas exactement à
celui des organes d’information présents sur le réseau. Outre le problème des
constantes créations et disparitions, une autre difficulté tient au fait que
certaines adresses, comme on le verra, peuvent réunir différentes publications.
Certes, il peut s’agir seulement de « vitrines » dénuées de tout
contenu mais on trouve aussi de vraies publications, par exemple, sur le site
Druzenet [47] 1, un mensuel bilingue ayant pignon sur rue, El-Doha, ainsi qu’un magazine
électronique, Adam, même s’il est encore
en projet.
Cette différence entre la trentaine de sites
généralement identifiés comme médias en ligne et les quelque cent soixante
adresses que nous avons nous-même reconnues s’explique en partie par la
rapidité des changements à l’œuvre dans l’univers des NTIC (nouvelles
technologies de l’information et de la communication). Ainsi, de très nombreux
projets ont été abandonnés sitôt lancés, en dépit de l’ampleur des moyens
parfois investis 2 ; d’autres demeurent à l’écart des
évolutions, figés sur des solutions techniques et des choix économiques sans
rapport avec les possibilités actuelles. Plus d’une revue se contente aussi
d’utiliser le réseau comme une simple « vitrine », sans qu’il y ait
accès, même partiel, au contenu. Pareils sites ne sont alors guère plus que des
brochures publicitaires électroniques, sans aucun rapport ou presque avec les
initiatives visant à exploiter, en fonction de telle ou telle stratégie, ce
nouveau support de diffusion qu’est Internet 3. À l’inverse, on
note, même sur un laps de temps assez court (l’année 2000, durant laquelle nous
avons effectué un suivi régulier), différentes améliorations : nombre de
sites procèdent à un rajeunissement de leur maquette, ou encore étoffent leur
offre d’information 4, par exemple en doublant, comme au Nahar, le site originel par un véritable
portail trilingue baptisé Naharnet, ou encore en ajoutant le son au support
écrit initial (cas du quotidien Al-Safir,
au terme d’un accord avec la BBC, par exemple).
En travaillant, non pas sur l’état actuel de l’offre
d’information, mais sur les projets et réalisations menées depuis l’ouverture
d’Internet au public libanais, en 1996, on s’aperçoit que, sur quelque 161
sites, 18 – presque 11 % du total – peuvent être considérés comme
« morts » car leur adresse URL ne fonctionne plus. Si l’on ajoute que
38 autres sont « inactifs » dans la mesure où l’on ne constate plus
la moindre mise à jour, ce sont 35 % de la totalité des sites fournisseurs
d’information ouverts depuis l’introduction d’Internet, il y a cinq années
environ, qui ne sont plus productifs aujourd’hui (février 2001).
Graphique 1 : Activité
des sites d’information (1997-2000).
La fréquence de ces disparitions ou de ces mises en
sommeil est certainement liée au fait que la net-économie demeure, au Liban au moins autant qu’ailleurs, très
récente, et même très embryonnaire et fragile. On peut ajouter à cela un
indéniable effet de mode, beaucoup d’entreprises souhaitant se doter – en
définitive à bon compte tant les investissements peuvent être minimes dans
certains cas – d’une image de marque moderne en créant leur propre site. S’y
ajoute aussi, bien souvent, la volonté probable de se ménager l’avenir en
ouvrant une page au nom de l’entreprise, ce qui permet de s’approprier un nom
de domaine (DNS) qui ne sera plus forcément disponible par la suite, et de
garder ouverte la possibilité de certains développements ultérieurs 5.
Néanmoins, les véritables difficultés rencontrées lors
de l’élaboration de notre corpus ont tenu moins au caractère extrêmement
fluctuant d’un champ encore en gestation qu’à l’absence de délimitations
franches, de frontières nettes, ou encore de critères véritablement pertinents,
susceptibles de permettre la reconnaissance d’une nouvelle catégorie, celle des
acteurs de l’information en ligne. Avant même de poursuivre par l’exposé des
problèmes rencontrés lors de notre tentative de dresser un bilan d’ensemble de
la situation dans ce qui est devenu, comme on le verra, un secteur à part
entière de l’information, il nous semble nécessaire de souligner ce qu’implique
un tel constat. En effet, ce flou, et même ce vide juridique, n’est pas sans
attirer l’attention, dans la mesure où personne n’ignore l’importance des
enjeux économiques, mais plus encore politiques, liés au contrôle de
l’information, notamment dans les sociétés du monde arabe largement dominées
par une gestion autoritaire de ces problèmes (y compris au Liban qui affiche
toutefois un relatif libéralisme par rapport à nombre de pays voisins).
1.1.1. La
protection de la propriété industrielle
Certes, la création d’un secteur médiatique sur
Internet est encore très récente et on peut imaginer que la puissance publique,
incarnée par le ministère de l’Économie et du Commerce, ne va pas tarder à imposer
certaines règles. Elle a d’ailleurs commencé à le faire, au prix d’un débat
assez vif sur la place publique, en imposant récemment, à l’instigation des
grandes firmes internationales telles que Microsoft, une nouvelle législation
visant à faire respecter les lois protégeant la propriété industrielle. En
avril 1998, un colloque régional tenu à Beyrouth, à l’initiative de
l’Organisation internationale pour la propriété intellectuelle (WIPO),
organisme dépendant des Nations unies, avait ainsi clairement posé les enjeux,
notamment à travers l’intervention de l’ambassadeur des États-Unis au Liban.
Alors que les prévisionnistes estimaient que le marché des produits et des
services assurés par les nouvelles technologies de l’information et de la
communication devait atteindre, pour l’Afrique et le monde arabe,
34,9 milliards de dollars, il apparaissait clairement que les pertes
subies du fait des pratiques de piratage, notamment de logiciels, chiffrées à
511 millions de dollars en 1996, n’étaient plus supportables 6.
Un an après très précisément, le vice-président de Microsoft de passage dans la
région pouvait remercier le président de la République libanaise, Émile Lahoud,
et le Premier ministre de l’époque, Salim al-Hoss, pour avoir fait adopter
par le Parlement une nouvelle législation sur le copyright 7.
Celle-ci a connu une application effective au début de l’année 2000, en dépit
des protestations de certains milieux arguant de l’« injustice » de
pareilles mesures juridiques qui rendent plus difficile l’accès des classes
défavorisées, et globalement des nations les moins développées, aux techniques
modernes créées par les pays industrialisés 8.
Comme on le rappelait encore récemment à Dubaï à
l’occasion de l’inauguration officielle de la « Cité Internet »,
l’existence d’une législation appropriée et son respect scrupuleux par la
totalité des acteurs représentent un défi de taille (a key challenge) pour l’ensemble de la région, dans la mesure où
l’application de la loi demeure « absolument vitale pour l’introduction
des nouvelles technologies 9 ». En effet, de par la nature
même de ces technologies, et compte tenu du contexte de globalisation
économique dans lequel elles sont introduites, il est absolument nécessaire que
les mêmes règles soient suivies, sans exception aucune, par l’ensemble des pays
de la région arabe, quelles que soient les différences dans les options, les
besoins et même les possibilités de développement des uns et des autres. Les
pays (au nombre desquels on doit compter la Syrie et même l’Iran) qui, comme le
Liban, ont pu faire preuve d’un certain laxisme dans ce domaine, sont ainsi
progressivement rentrés dans le rang ou appelés à le faire à court terme. La
« révolution de l’information », dont la nécessité ou
l’inéluctabilité est désormais acquise pour tous les dirigeants la région 10,
impose, à défaut d’unité politique, ou même d’une réelle intégration
économique, une plus grande concertation, révélatrice des nouvelles contraintes
de l’économie globale.
1.1.2. La
censure des contenus
Dans le domaine des contenus, les tentatives de
contrôle ont été plus tardives, en même temps que menées sur un terrain
juridiquement moins sûr. En effet, l’extension du réseau soulève partout nombre
d’interrogations, comme on a pu s’en rendre compte de ce côté-ci de la
Méditerranée à propos des problèmes suscités par la diffusion, à partir d’un
site américain (Yahoo), d’informations de type révisionniste, expressément
prohibées par la loi française, ou encore lors d’autres affaires, relevant
davantage de l’outrage aux bonnes mœurs. En pareilles occasions, des
fournisseurs de services ont été considérés légalement responsables du contenu
des sites qu’ils hébergeaient, contenu qu’ils étaient pourtant à l’évidence
bien incapables de contrôler en totalité.
Au Liban, c’est également sur le terrain de la morale
que les autorités ont tenté de sévir, dans une affaire qui, pour certains,
n’est pas dénuée d’implications politiques. En effet, à la suite de différentes
perquisitions menées par la police des mœurs, en avril 2000, le procureur
militaire de la région de Beyrouth a lancé, le 5 août, une procédure à
l’encontre de deux personnes, Kamal el-Batal d’une part, responsable d’une
organisation pour la défense des droits de l’homme (MIRSAD : Multi-Initiative
on Rights Search, Assist and Defend), et Muhamad Mugraby, en sa qualité de
responsable du fournisseur de services Destination (une des plus anciennes
compagnies de ce type, qui héberge notamment le site du Hezbollah et qui a dû
subir à ce titre plusieurs attaques informatiques). Si la légalité des
procédures judiciaires n’est pas clairement établie, au moins aux yeux des
multiples organisations telles que Amnesty International ou Human Rights Watch
qui ont pris fait et cause pour les deux prévenus, le délit à l’origine des
poursuites n’en est pas moins clairement identifié puisqu’il s’agit de la
création d’un nom de domaine intitulé <gaylebanon.com> (pour un site
apparemment destiné à la communauté homosexuelle d’origine libanaise installée
aux État-Unis). Aux yeux de quelques observateurs 11, cette
atteinte manifeste à la liberté d’expression a surtout pour but de préparer le
terrain à d’autres actions visant à imposer sur Internet une censure qui ne
sera plus seulement morale, surtout à une période où les réseaux libanais et
syriens sont appelés de plus en plus à être interconnectés 12.
En attendant, cette affaire, dont tous les attendus sont loin d’être connus,
demeure très exceptionnelle pour le Liban où les contraintes sur le contenu des
sites restent, pour l’heure au moins, pratiquement inexistantes 13.
Cela d’autant plus que les acteurs d’Internet ne semblent guère pressés de
tester les limites morales, politiques ou religieuses de ce qu’il est permis
d’afficher sur le réseau, les échanges les plus libres restant en définitive
dans la sphère la plus privée, celle des salons de discussions et autres
forums.
1.2. Quelle localisation ?
Par rapport à la question de la localisation, il nous
a semblé naturel, dès l’origine, de considérer que nous devions retenir dans le
cadre de cette étude les producteurs d’information en ligne installés, de fait,
sur le territoire libanais. À côté de nombreux sites répondant à l’évidence à
ce critère – un quotidien comme Al-Nahar,
un magazine comme Al-Usbu‘ al-‘arabi,
une radio comme Izaat al-Nour ou encore une télévision comme Future TV, pour
prendre un exemple dans chaque grande catégorie des médias
traditionnels –, il nous a été facile de constater, une fois cette règle
posée, l’existence de nombreux sites, dont certains importants, pour lesquels
la question de la localisation s’avérait beaucoup plus complexe.
1.2.1. L’enregistrement
des noms de domaine
Malgré l’absence, parfois, de toute mention quant à la
localisation, il nous a été possible en général de situer l’origine des sites
par le biais de contacts avec les gérants ou encore à partir de l’adresse du
fournisseur de services (ISP). Mais on ne saurait, dans le cas du Liban, se
fier uniquement à ce que l’on appelle l’« adresse URL », laquelle
comporte, en principe, un suffixe de deux lettres propre à chaque pays
(« lb » pour le Liban), en plus de termes spécifiques pour quelques
grandes catégories (« org » pour organisation, « net » pour
les professionnels du réseau, « com » pour les sociétés commerciales,
etc.). Au Liban, en dépit de certaines protestations dont la presse spécialisée
se fait parfois l’écho, l’Université américaine de Beyrouth – sans doute
parce qu’elle fut à l’origine de l’introduction d’Internet dans le pays –
continue à gérer gratuitement ces adresses, mais au prix de démarches
administratives par ailleurs relativement coûteuses et compliquées (avec,
notamment, un certificat d’inscription auprès du Registre du commerce). Comme
la même demande ne requiert presque aucune formalité et s’avère également moins
onéreuse quand il s’agit d’inscrire une création de site aux États-Unis
– la démarche peut d’ailleurs être entièrement prise en charge par des
sociétés spécialisées présentes sur le réseau –, une grande partie des acteurs
d’Internet ont opté pour cette solution, laquelle contribue de manière
importante à fausser les statistiques sur le nombre de sites ouverts au
Liban 14. À l’échelle de notre corpus, on relève ainsi
seulement 70 adresses où figure le suffixe « lb », soit moins de
la moitié du total.
Les véritables questions, toutefois, ont surgi
lorsqu’il s’est agi d’assigner une identité géographique à des médias
transnationaux, producteurs de sites insérés dans un réseau de communication
qui tend justement à modifier considérablement le rapport à l’espace et aux
frontières. Le quotidien Al-Hayat
constitue un véritable cas d’école à cet égard, ne serait-ce que par son
importance dans le paysage médiatique arabe, y compris sur la toile puisqu’il
fait partie des tout premiers quotidiens à y figurer, dès le milieu des années
1990, aux côté d’Asharq al-Awsat ou
du Nahar…
1.2.2. Un
réseau transfrontalier
Du point de vue de son « identité »,
l’histoire d’Al-Hayat s’avère
redoutablement complexe. Il s’agit d’une publication incontestablement
libanaise à sa naissance, puisqu’elle fut créée (en 1950) et dirigée par une
des grandes figures de la presse dans ce pays, le journaliste Kamel Mroueh
(lequel devait être assassiné, en 1966, probablement à l’instigation de
l’Égypte). En dépit des conceptions visionnaires de son fondateur, le quotidien
beyrouthin, tout comme sa publication jumelle, en anglais, le Daily Star, devait péricliter jusqu’à sa
reprise, en 1988, à Londres, grâce à un apport de fonds saoudiens. Par la
suite, Al-Hayat allait devenir la
propriété exclusive du prince Khaled ben Sultan, fils du ministre de la Défense
et commandant en chef des forces saoudiennes durant l’opération Tempête du
désert 15. Son caractère fortement libanais n’en est pas moins
resté assez marqué, notamment à travers le traitement de l’information, lequel
accorde une large place aux nouvelles concernant le pays du cèdre (en
particulier dans des rubriques « périphériques » telles que la
culture). Cet aspect est plus perceptible encore lorsqu’on s’intéresse à
l’origine nationale d’une bonne partie de l’équipe rédactionnelle. D’ailleurs,
la tendance au rapatriement à Beyrouth de la plupart des activités
rédactionnelles s’est accentuée au cours de l’année 2000, lorsque le journal a
pris possession de ses nouveaux locaux, dans un immeuble prestigieux de
l’ancien centre ville (à quelques pas de l’édifice que le groupe Al-Nahar s’apprête également à investir
dans quelques mois). Ce retour au Liban, justifié par des raisons d’économie
compte tenu des frais engendrés par le maintien d’une structure éditoriale à
Londres, n’est toutefois pas total. Par prudence dit-on, au regard de
l’imprévisibilité de la situation moyen-orientale, certaines activités, dont la
publication sur le site Internet, demeurent dans la capitale anglaise. Où
classer par conséquent un site produit à Londres, à partir d’une équipe
journalistique majoritairement libanaise (si l’on s’en tient à la nationalité
du personnel employé par le journal et surtout à son principal lieu de
résidence), mais grâce à des capitaux saoudiens ? La plupart des moteurs
de recherche optent pour la « libanisation » du site. Nous avons
préféré, comme expliqué précédemment, retenir le critère technique, celui de la
fabrication et de la diffusion, tout en sachant pertinemment les limites d’un tel
choix, ne serait-ce que par l’interaction manifeste du site d’Al-Hayat avec ses confrères libanais,
quotidiens ou non, présents sur Internet depuis le Liban.
Loin d’être un cas à part, l’exemple du grand
quotidien arabe ne fait qu’illustrer une situation dont on trouve plusieurs
exemples dans l’ensemble des principaux secteurs des médias de masse. Pour la
presse magazine, l’hebdomadaire Al-Watan
al-‘arabi, installé à Paris où il assure également sa diffusion sur
Internet, ne fait ainsi aucun mystère d’une « libanité » que n’efface
pas une implantation, en 1977, pour des raisons politiques, sur les rives de la
Seine 16. Pour les mêmes raisons, nous ne l’avons pas retenu
dans notre corpus. À l’inverse, le magazine Al-Defaiya
[La Défense], fabriqué à Paris mais associé à la revue libanaise Al-Iktisad wal-aamal, est mis en ligne
depuis Beyrouth [29]. Du côté des médias audiovisuels, l’exemple qui vient le
premier à l’esprit est celui d’une chaîne d’origine américaine, Middle East
Television (METV), implantée au sud du Liban, en 1982, « à l’invitation du
major Haddad », lorsqu’il régnait sur la bande frontalière.
« Anticipant la décision israélienne de se retirer du sud-Liban 17 »,
les responsables de la station, pourtant dotée d’une adresse postale au nord
d’Israël, à Kiryat Shmona, ont choisi de s’installer à Limassol, le
15 avril 2000.
S’il est vrai que cette chaîne de télévision est
rarement intégrée aux répertoires de sites libanais (conformément d’ailleurs à
son message : « Bringing the Best of America to Middle-East » !),
il n’en va pas de même d’autres producteurs d’information, notamment dans la
presse écrite. Des journaux comme Asbarez
ou Beirut Times 18,
diffusant sur Internet depuis la Californie, le premier en arménien et le
second en arabe, bénéficient ainsi d’un traitement très différent. En effet,
ils sont souvent associés aux sites d’information libanais en ligne, sans
véritable justification technique. Si ce n’est qu’à la différence de la chaîne
METV naguère présente au sud du Liban, ils relèvent clairement de la diaspora
libanaise dont on voit à travers ces exemples combien le statut et les
relations avec le pays d’origine peuvent être modifiés par l’essor des
nouvelles techniques de communication.
Dès lors que l’on se penche sur certaines modalités
techniques, telles que l’existence de « sites miroirs » (par exemple
celui qu’utilise, aux États-Unis, l’hebdomadaire, pourtant francophone, La Revue du Liban [54]), la question de
la véritable localisation sur le « réseau des réseaux » devient plus
complexe encore. Mais surtout, et les conséquences sont sans doute plus
importantes, on peut s’interroger sur la véritable origine géographique des
informations véhiculées sur Internet par des sites qui s’affichent comme
libanais. En effet, à l’image des médias modernes qui, bien souvent, puisent
l’essentiel de leurs informations directement auprès des grandes agences
internationales, nombre de pages Web reproduisent des contenus achetés (ou
« piratés ») au préalable auprès de sociétés internationales spécialisées
dans cette production (les compagnies américaines 7am.com et Tucows NewsHub
fournissent ainsi plusieurs portails libanais). Mais alors que l’origine des
informations est normalement explicitement indiquée par les médias
traditionnels qui les reprennent, à travers la mention des sources, il n’en va
pas de même sur les nouveaux supports. En effet, en plus de l’absence de
règlementation sur un support où les professionnels de l’information sont loin
d’être les seuls à intervenir, la spécificité de la navigation sur Internet,
réduite le plus souvent à une icône ou un lien hypertexte, tend à effacer toute
barrière entre ce qui a été créé localement et ce qui a été emprunté à un
producteur étranger.
Enfin, c’est tout simplement le caractère local, ou
encore national, des producteurs d’information qui est, plus encore que dans un
passé récent, remis en cause. Dans la mesure où l’un des principaux enjeux de
la diffusion d’Internet dans la zone arabe est bien celui de l’accès, via une langue unique, à toute une vaste
zone géographique, par ailleurs souvent abordée dans une perspective
globalisante (le Moyen-Orient, le Maghreb, le monde arabe…), les sites
« fédérateurs » sont légion. Sous des noms aussi révélateurs que
Arabia.com, Arab.Net, Arabia Online ou encore Fannoos ou Ajeeb (respectivement
La Lampe [magique] et « Extraordinaire », du nom d’un des génies qui
hantent les Mille et Une Nuits 19),
ces portails d’accès proposent une information qui concerne l’ensemble de la
région, accompagnée d’une spécialisation locale par pays, à laquelle permet
d’accéder un bouton sur l’interface 20. Même s’il s’agit
d’entreprises presque toujours créées à partir de capitaux originaires de la
région du Golfe 21, et plutôt présentes dans cette zone ou en
Jordanie et en Égypte, leur existence est bien connue des internautes libanais
qui peuvent choisir de consulter tel ou tel site, sans même soupçonner (ni même
s’intéresser à) leur origine « étrangère » ou plutôt non libanaise.
Pour brouiller un peu plus encore les pistes qui permettraient une
« traçabilité » de l’information, ajoutons que nombre de ces sites
fonctionnent comme une sorte de réseau de franchises, un portail, par exemple,
pouvant être décliné, comme une marque, en de multiples variantes nationales.
1.3. Quelle qualification ?
En plus de toutes les difficultés qui se présentent
dès qu’il s’agit de justifier le caractère libanais des producteurs
d’information en ligne, on s’aperçoit rapidement que la situation n’est guère
plus favorable lorsque l’on recherche des critères permettant une typologie,
même grossière, de ces mêmes acteurs, notamment à partir des distinctions
communément reprises lorsqu’il s’agit de présenter l’éventail des médias de
masse modernes (médias imprimés, audiovisuels, télévisuels, etc.). Sur cette
base, on aurait pu imaginer de classer les sites libanais repérés sur Internet
à partir des productions dont ils constituaient en quelque sorte le
prolongement électronique : quotidiens, hebdomadaires, mensuels et autres
périodiques d’un côté ; radios et télévisions, de l’autre. Mais une
observation plus approfondie de la réalité des phénomènes met très vite en
lumière l’inutilité d’une catégorisation, en apparence aussi simple
qu’efficace.
1.3.1. Le
rapport au support d’origine
En effet, par rapport à leurs supports d’origine, les
sites sur Internet présentent une large gamme de possibilités. Dans nombre de
cas, l’internaute ne trouve à sa disposition aucune information véritablement
actualisée, les gestionnaires du site se contentant en quelque sorte de « placarder »
sur l’écran la couverture du dernier magazine paru, ou encore le logo d’une
station de radio, accompagné d’informations diverses sans guère de rapport, le
plus souvent, avec ce qu’il est convenu d’appeler information. Ailleurs, on
note une savante gradation dans la mise à disposition plus ou moins totale du
contenu originellement produit, ou encore la reproduction intégrale de l’organe
d’information, qu’il soit imprimé ou radiodiffusé (dans ce dernier cas, il
s’agit de la possibilité d’une écoute en direct, quelle que soit la
localisation de l’internaute).
Pour les médias qui ont une diffusion ailleurs que sur
la toile, le choix de ce que l’on peut considérer comme une sorte de format
éditorial sur Internet répond donc à toutes sortes de stratégies médiatiques et
commerciales dont l’analyse doit naturellement tenir compte. Mais avant cela il
faut probablement établir une première distinction, plus importante encore
certainement, entre deux conceptions de la diffusion sur Internet, quel que
soit le support d’origine : celle qui conserve à la publication originelle
toute son importance, et même sa primauté, et celle qui utilise les nouvelles
données techniques pour enrichir l’offre originelle de fonctionnalités
supplémentaires. Les différents médias qui se contentent de reprendre, même
intégralement, une offre existant indépendamment du réseau appartiennent à la
première catégorie, dont on peut estimer qu’elle n’a plus grand-chose en commun
avec la seconde, celle de fournisseurs d’information en ligne pour lesquels ce
choix de diffusion ne se réduit pas à une forme de publicité, à la possibilité
(dont l’importance n’est pas négligeable, bien entendu) de se faire davantage
connaître auprès du public potentiel.
Cette nouvelle catégorie d’acteurs est donc étroitement
liée aux multiples manières d’utiliser les potentialités de l’outil Internet
pour accroître l’offre d’information existant à l’origine. Toutes, d’une
manière ou d’une autre, font appel aux formes d’interactivité offertes par la
création d’un site : depuis le simple courrier électronique adressé à la
rédaction ou à tel ou tel journaliste, jusqu’à la création de forums de
discussion, thématiques ou non, en passant par toute une gamme de pratiques
telles que les livres d’or, les concours, les lettres hebdomadaires, la
personnalisation des contenus, etc. Un pas supplémentaire dans cette direction
consiste à utiliser les possibilités d’Internet pour enrichir, non pas
seulement l’exploitation, mais le contenu même de l’information. Quels que
soient les supports d’origine, imprimés ou diffusés sur les ondes, on peut
distinguer de ce point de vue trois solutions : la mise à disposition
d’archives, internes ou non, consultables à partir d’un moteur de
recherche ; la mise en relation avec d’autres sites, par des liens qui
peuvent être d’origine publicitaire ou non ; l’ajout d’informations
disponibles seulement en ligne, sur le site, notamment en tirant partie de
procédures d’actualisation plus fréquentes que la périodicité normale du
support d’origine. En fait, peu de producteurs utilisent véritablement ce
dernier type d’exploitation en ligne, qu’il s’agisse du contenu (à l’image du Daily Star [66]) ou de la maquette et de
la titraille (comme pour Al-Safir
[38]). Un constat qui confirme combien il est nécessaire de prendre en compte
cet aspect de la qualification des acteurs, pour une appréciation aussi juste
que possible du paysage médiatique actuel.
1.3.2. Les
transformations de la notion d’information
Les sites réalisés au Liban dans le domaine de
l’information révèlent par conséquent des pratiques et des stratégies
extrêmement diverses et l’une des questions qui se posent, inévitablement, par
rapport à un sujet comme le nôtre, consiste à se demander à quel point tel ou
tel secteur des médias « traditionnels » (presse quotidienne, presse
d’actualité ou presse spécialisée, médias audiovisuels, etc.) se trouve en
mesure, globalement, de répondre plus positivement aux nouvelles exigences de
l’exploitation en ligne. Mais à cette première interrogation, qui porte sur
l’évolution interne d’un groupe déjà constitué, celui des entreprises
médiatiques, il convient d’en ajouter une autre, qui concerne cette fois
l’arrivée d’un groupe d’acteurs auxquels Internet a permis de se manifester
comme producteurs et diffuseurs d’information.
En effet, la moindre navigation parmi les sites
libanais met immédiatement en lumière le fait que les entreprises d’information
traditionnelles, qualifiées légalement à exercer cette profession (même compte
tenu du caractère encore largement factice de ce critère au Liban), sont très
loin d’être les seules présentes. Au-delà du redéploiement plus ou moins
efficace de certains acteurs classiques, et de la modification des équilibres
entre les différents supports de diffusion, l’un des principaux enjeux de
l’introduction d’Internet consiste justement à permettre l’apparition de
nouveaux acteurs. On voit ainsi faire irruption dans le domaine de
l’information des initiatives qui peuvent être, tantôt une sorte de reflet
– mais qui n’existe que sur format électronique – des anciens médias
(publications imprimées ou radiodiffusées), tantôt une authentique création
médiatique, née des besoins et des possibilités des échanges électroniques,
sans véritable équivalent dans les médias classiques.
De par la facilité qu’il y a à diffuser de
l’information sur Internet, la scène médiatique voit ainsi apparaître de
nouveaux acteurs, ne serait-ce que parce que le statut de l’information est
lui-même en train de changer : des gisements d’information dormante sont
ainsi réveillés, en fonction de logiques qui peuvent être diverses. On voit
même se développer des initiatives qui prennent le relais des centres de
documentation et tendent à valoriser de plus en plus, non pas la fourniture
d’information, mais son traitement, dans certains cas littéralement à la
demande. Avec Internet, l’importance des archives se voit confirmée, à tel
point que c’est souvent le seul secteur qui a souvent été mentionné, durant nos
entretiens avec les responsables concernés, comme étant susceptible de générer
des ressources substantielles 22.
On peut se demander encore si la faiblesse des coûts
nécessaires à la mise en circulation de l’information sur Internet n’est pas
également en train de modifier l’offre dans ce domaine. En plus des données
économiques et principalement boursières qui furent parmi les premières à être
mises en ligne, souvent comme produit d’appel, par les banques et les
institutions financières, on relève la présence de documents relevant de la
« littérature grise » : rapports de centres de recherche,
littérature professionnelle 23, etc. À côté des acteurs
traditionnels du champ médiatique, on voit apparaître, sur Internet, de
nouveaux intervenants : banques et entreprises, associations
professionnelles ou encore bureaux d’études, organisations non gouvernementales
(ONG) et même individus isolés, passionnés par telle ou telle question ou même
seulement par le seul fait de pouvoir communiquer sur le réseau. Un bon exemple
de ce dernier type d’initiative est fourni par le site Al-Moukhtar For Radio
& TV Production & Broadcasting [73], un nom quelque peu ronflant (mais
à ce titre présent sur bien des répertoires) pour un site qui n’avait d’autre
ambition que de stimuler la discussion et l’échange de points de vue.
Il serait vain de prétendre traiter de manière
exhaustive pareilles tentatives mais il est permis de constater toutefois
qu’elles sont presque aussi rares que fragiles. Les publications en ligne qui
naissent sur ce type de support 24 périclitent rapidement et
finissent par disparaître de la toile. Celle-ci offre donc, en théorie, de
nouvelles possibilités d’expression mais l’observation de la pratique montre
qu’elles ne sont pas si faciles à saisir. Quant aux internautes désireux
d’échanges informels, d’informations répondant à leurs préoccupations
personnelles, ils ne semblent pas plébisciter ce type de sites et se tournent
sans doute davantage vers les « forums » et autres
« salons », présents en grand nombre sur le réseau.
Naturellement, de telles initiatives obligent à
s’interroger sur la notion même d’information, et par ricochet sur celle
d’acteur médiatique. Dès lors que l’on ne peut plus guère s’adosser au statut
juridique ou professionnel des animateurs du site, puisque le théâtre de
l’information en ligne n’est pas véritablement concerné par cette contrainte,
comme on l’a vu précédemment, il reste à se tourner vers les contenus. Cette
question sera abordée lors de la présentation par catégories, mais on peut
d’ores et déjà avancer qu’il n’est guère facile de dégager des critères
incontestables. En effet, comment statuer a
priori sur cet aspect lorsque l’on observe que les radios, présentes en
grand nombre sur le réseau, se contentent, dans leur grande majorité, de
satisfaire la demande de consommation de leur « communauté »
d’internautes en diffusant de la musique et quelques « informations »
sur la vie des stars, américaines ou locales ! Doit-on néanmoins les
favoriser, au bénéfice de leur statut clairement identifié, au détriment de
sites qui n’ont pas cette qualité mais qui offrent un véritable accès à de
l’information, soit sous forme d’actualité immédiate (les portails, par
exemple), soit sous forme de documents internes offerts à la curiosité des
internautes ?
Conjointement à la périodicité
et à l’actualisation, la question de la publication, radicalement transformée
par l’arrivée d’Internet, est à l’évidence la pierre d’achoppement d’une telle
interrogation. Que penser, en effet, d’un site – pourtant régulièrement
mentionné à la rubrique « médias » des différents
répertoires – tel que la « publication » intitulée Bayynat [95], uniquement consacrée à la
personne de cheikh Fadlallah, dont elle diffuse, au sens strict du terme, les
interventions publiques et privées (communiqués, sermons, avis juridiques…), en
arabe mais aussi en anglais, français et espagnol ? Au moment de dresser
un bilan de l’impact de l’introduction d’Internet sur le monde de
l’information, il nous est apparu que l’on ne saurait passer cet aspect sous
silence, ne serait-ce qu’en raison de la concurrence, même indirecte, que
l’arrivée de ces nouveaux acteurs crée vis-à-vis des médias plus
« traditionnels ».
Par ailleurs, au sein de ces
nouveaux acteurs, il convient d’accorder une attention toute particulière à
certains d’entre eux, à commencer par ces sites d’information que constitue la
gamme aussi importante que variée des différents « portails »
d’accès. Lieux de passage quasiment obligés dès lors qu’il s’agit d’entamer une
navigation sur le réseau, ces portails, non seulement distribuent de
l’information, mais peuvent aussi la créer, dans certains cas en allant jusqu’à
recruter de véritables équipes de « cyberjournalistes » (journalistes
travaillant exclusivement ou presque sur le réseau pour la recherche, la
sélection et la mise en forme d’informations). Ils bénéficient d’un trafic
important (autour de 10 000 visiteurs par jour pour les plus fréquentés
d’entre eux, tels Naharnet.com [96] ou Yalla.com.lb [19] 25, ce
qui, au Liban, constitue un lectorat supérieur à celui de bien des quotidiens
et ils peuvent même drainer bien davantage encore d’internautes quand ils sont
liés directement à un fournisseur de services. Ils sont également au cœur des
enjeux de la nouvelle économie car c’est autour d’eux que se nouent les
alliances et que se livrent les combats, pour la maîtrise d’un secteur
prometteur, entre fournisseurs de service (ISP), sociétés de télécommunication
et de matériel électronique, et certains acteurs médiatiques (essentiellement
quotidiens et télévisions) qui ont choisi de se lancer dans cette compétition.
C’est à l’évidence sur ce
terrain que se joue l’avenir de l’information, non seulement peut-être sur
Internet, mais par rapport à l’ensemble des supports de diffusion. En effet, on
a déjà eu l’occasion de souligner combien l’évolution des nouvelles techniques
de l’information et de la communication, notamment depuis la numérisation,
contribue à effacer les barrières techniques entre les différents supports de
diffusion, autant que les frontières étatiques du marché régional et même
mondial. Lorsqu’un téléphone portable, par exemple, devient un véritable outil
de réception de données en temps réel, par le biais du système WAP, les grandes
entreprises d’information ne peuvent que se tourner vers des stratégies de
« syndication » visant à exploiter, sous différents formats, la même
matière informationnelle, dans un contexte de véritable
« globalisation », c’est-à-dire élargi à l’ensemble de la planète,
tout en s’assurant le contrôle de l’ensemble des opérations de production et de
diffusion : recherche de l’information, traitement rédactionnel et
numérisation, diffusion et commercialisation via différents protocoles techniques.
2. L’offre
d’information sur Internet au Liban
Pour toutes les raisons qui viennent d’être évoquées,
cet essai de cartographie des sites libanais diffusant des informations sur
Internet ne peut être que provisoire. Néanmoins, une première esquisse
d’ensemble du nouveau paysage médiatique se dessine si l’on fait porter
l’observation sur certains aspects tels que le nombre et la répartition des
sites concernés ; l’origine de leurs propriétaires, venus ou non des
anciens médias, et les profits qu’ils espèrent tirer de cette nouvelle
activité ; la nature de l’information délivrée ; et enfin, la langue
utilisée pour l’interface et/ou le contenu.
2.1. Des sites en nombre encore limité,
et très inégalement répartis
Outre le problème des sites « morts » ou
encore « inactifs » précédemment évoqué, l’établissement d’une liste
des acteurs libanais sur le marché de l’information en ligne nécessite de
résoudre quelques autres difficultés. En effet, il peut arriver qu’un même site
(celui de la télévision Al-Nour par exemple) soit doté de deux adresses
différentes (notamment pour faciliter l’accès des internautes 26).
À l’inverse, on peut trouver sur un même site, celui qu’a créé la municipalité
de Tripoli notamment 27, la présentation partielle d’un
quotidien et de deux hebdomadaires en langue arabe (respectivement Al-Insha, Al-Tamaddun et Al-Adib).
Le même cas se présente avec le site de la maison d’édition Chatila Publishing
House qui contient trois revues (Arab
Construction World [42], Arab Water
World [43], Middle East Food [58]),
et également avec celui d’importants groupes de presse tels que Dar Al-Sayyad,
éditeur du quotidien Al-Anwar [24],
accompagné par plusieurs revues très diffusées, mentionnées dans le cadre de la
présentation du groupe mais encore absentes sur le site Internet en dépit des
projets en ce sens 28. Il peut même arriver qu’une revue
économique, Al-Mourakeb al-ektisadi [34],
renvoie, par l’intermédiaire des textes d’un journaliste, Najib Safi, à une
autre publication, le quotidien Al-Bayraq
[143], ainsi représenté sur Internet par le biais de la chronique d’un de
ses contributeurs sans posséder elle-même son propre site ! D’ailleurs,
plusieurs autres publications (le Weekly
Bulletin de la Lebanon Invest Group [156]) sont ainsi hébergées sur
Internet, même quand elles ont connu, à l’image de L’Agenda culturel [20], leur propre diffusion sur Internet. Les cas
de ce type demeurent toutefois relativement peu fréquents, disparitions et
créations multiples finissant par s’équilibrer pour maintenir un effectif de
160 sites (actifs ou inactifs), regroupant un même nombre d’acteurs médiatiques
écrits, audiovisuels ou spécifiquement électroniques. Par rapport à la carte
médiatique libanaise, il s’agit d’un chiffre encore très faible vis-à-vis du
nombre global d’entreprises au sein du secteur des médias (largement au-delà du
millier, surtout si l’on tient compte des productions illégales).
À l’observation, des nuances importantes doivent
pourtant être apportées. En effet, la presse périodique est relativement peu
représentée, en données brutes, même si plusieurs publications de grande
diffusion possèdent leur site. Au contraire, d’autres secteurs se signalent par
une présence massive des entreprises véritablement actives. Il s’agit en
particulier des médias qui offrent une information au quotidien, presque en
temps réel : presse écrite, chaînes de télévision et, peut-être dans une
moindre mesure, radios. L’intérêt manifesté par certains secteurs des médias à
l’égard Internet trouve une confirmation très tôt dans le temps 29.
En effet, si l’on observe un catalogue des sites libanais établis au tout début
de l’introduction d’Internet dans ce pays, on observe, à côté de plusieurs
banques et de quelques services officiels, une forte proportion d’entreprises
associées de près ou de loin aux médias. Ainsi, sur 77 sites commerciaux
ouverts au Liban dès la fin de l’année 1996, 17 relèvent dès cette date du
monde des médias, et sur le total des 96 sites enregistrés, le quart (24)
figurent dans notre corpus final 30. Sachant qu’un moteur de
recherche particulièrement complet tel que Lebhost recense aujourd’hui environ
2 600 adresses, on s’aperçoit, même avec une certaine marge
d’appréciation, que la part des sites d’information (150) est devenue beaucoup
moins importante.
À défaut d’enquêtes similaires dans les pays voisins,
de façon à pouvoir compléter, dans ce cas également, les listes fournies par
les moteurs de recherche sur Internet, on se doit de tirer des conclusions
prudentes de tels résultats. Il apparaît néanmoins que la spécificité du Liban
sur la carte médiatique du monde arabe trouve vraisemblablement un reflet assez
fidèle sur la toile. En effet, alors que le Liban est à chaque fois classé, par
l’intermédiaire des systèmes de recherche classiques, en tête des pays arabes,
avec pour unique compétiteur l’Égypte, on peut légitimement penser qu’une étude
en profondeur des ressources produites dans ce dernier pays n’y ferait pas
surgir autant de publications ignorées des systèmes de catalogage. Au Liban,
l’aspect « désordonné » de l’information sur Internet est
probablement le reflet des spécificités de la situation, avec ses aspects
positifs – la multiplicité des initiatives, la liberté
d’entreprendre… – et négatifs : l’absence de règles, le manque de
suivi de projets mal mis en valeur… Au demeurant, on remarquera que les deux
principaux pays d’édition imprimée, l’Égypte et le Liban, qui sont également
deux places fortes de la production audiovisuelle (même si la concurrence est
plus rude dans ce secteur), sont encore ceux qui restent les mieux représentés
dans le monde arabe, du point de vue du volume, en ce qui concerne les sites
d’information sur Internet.
Quant à la répartition, sur le
territoire libanais, des publications également disponibles sur Internet, les
données sont trop incomplètes pour en proposer un traitement statistique
détaillé. Néanmoins, celles que nous avons pu réunir (pour environ la moitié
des sites répertoriés) suffisent à mettre en lumière quelques grandes
tendances. À commencer par la concentration des activités dans la région du
Grand Beyrouth, en dépit d’un maillage beaucoup plus vaste du réseau Internet à
travers les cafés et autres centres Internet par exemple, présents partout dans
le pays. On ne relève guère qu’un site important dans le Nord, deux dans la
plaine de la Béqaa, un seul au Sud (à l’exception, très particulière, de la
télévision METV précédemment mentionnée et aujourd’hui disparue).
Manifestement, il n’existe pas aujourd’hui une localisation spécifique des
créateurs d’information en ligne, les sites se répartissant le plus souvent
selon la localisation du support d’origine (les quartiers de Hamra et
d’Achrafiyeh ; la banlieue sud pour les publications proches de la
communauté chiite). Malgré tout, la fréquence de certaines localisations
nouvelles par rapport à l’histoire des médias met en évidence le surgissement,
encore très embryonnaire, de zones où se concentrent certaines entreprises
associées aux nouvelles technologies : le quartier de Verdun au sud de
Hamra, les zones urbanisées au nord de Beyrouth (Adonis, Zouk Mkayel…) jusqu’à
Jounié.
2.2. Anciens et nouveaux acteurs de
l’information sur Internet : une rentabilité aléatoire
En dépit des difficultés précédemment évoquées, il
reste possible, à quelques exceptions près, de classer les différents acteurs
libanais présents sur le réseau des réseaux en deux grandes catégories :
d’un côté, les acteurs « légitimes », ou encore
« naturels », en ce sens qu’ils viennent des médias
traditionnels ; de l’autre, les nouveaux venus, ceux qui ne sont apparus
qu’à la faveur des NTIC. À partir de ce critère, on observe qu’environ deux
tiers des sites relèvent de la première catégorie, que l’on prenne pour base de
calcul l’ensemble des sites (100 contre 65), ou seulement ceux d’entre eux qui
sont encore vivants (87 contre 65).
On devine, à partir de cette première grille de
lecture, l’importance de l’ouverture à de nouveaux acteurs qui s’effectue à
travers l’adoption de ce nouveau format de diffusion qu’est Internet. Une
tendance que confirme l’utilisation d’un second critère, celui du support
d’origine (papier, radio, télévision). Dans la première catégorie, celle des
acteurs venus des médias, on peut reconnaître 18 stations de radio, 9 chaînes
de télévision et 73 acteurs venus du monde de l’imprimé (entre quotidiens et
périodiques). Dans la seconde, il convient de distinguer 19 acteurs « occasionnels »
de la publication sur le Net, en ce sens qu’il s’agit pour eux d’une activité
périphérique (banques et organismes divers diffusant périodiquement de
l’information, produite ou non en propre par eux). Parmi les acteurs restants,
on constate que les portails (26 sites assimilables à cette catégorie) viennent
en première place, suivis par les publications en ligne (18), et enfin les
radios (3 stations diffusant uniquement sur ce support).
Un regard rétrospectif met en lumière la fragilité de
ce dernier type d’entreprises. À l’évidence, il n’y a pas assez de place au
Liban, et pas davantage dans un système de concurrence régionale, pour plus
d’une vingtaine de sites relevant de la catégorie « portail » (même
si l’on y trouve des réalisations très différentes quant aux moyens investis et
aux objectifs visés). Inévitablement, le temps ne peut que produire une sorte
de sélection naturelle à l’issue de laquelle ne survivront que les meilleurs,
ou les plus forts 31. Il est vraisemblable qu’il se passera la
même chose vis-à-vis de la seconde catégorie des « nouveaux venus »,
celle des publications en ligne. Parmi la bonne vingtaine de sites dans ce
domaine, nombre d’entre eux ont déjà disparu, quand d’autres restent inactifs
ou en travaux. On peut en déduire que la situation n’est pas encore tout à fait
mûre pour de pareilles initiatives, faute d’un marché suffisant, notamment en
termes de recettes publicitaires. D’ailleurs, après avoir misé dès les débuts
d’Internet au Liban sur cette nouvelle technologie (elle figure ainsi dans la
liste des tout premiers sites créés en 1997), une importante revue économique, Al-Iktisad wal-aamal, faisait part très
récemment de sa décision de ne pas suivre un projet de magazine électronique,
au regard des résultats décevants de l’étude de rentabilité qu’elle avait
commandée 32.
L’absence d’un véritable marché,
dans ce que nous avons appelé un « univers encore mouvant », se note
également aux difficultés rencontrées par les acteurs d’Internet lorsqu’ils
s’efforcent d’exploiter financièrement leurs sites. Sur ce point, le monde
arabe, et le Liban en particulier, rencontrent naturellement les mêmes
difficultés que les entreprises de presse partout dans le monde, amenées dans
de nombreux cas à changer brutalement de cap au gré des conjonctures et des
résultats. Des journaux pionniers de l’édition électronique ferment leur
site 33, même si d’autres, moins nombreux, choisissent au
contraire de supprimer l’édition papier. La crise, que certains analysent comme
l’« éclatement de la bulle financière » générée par le développement
de la net-économie, provoque nombre de licenciements, notamment dans les
entreprises médiatiques installées sur Internet. Au début de l’année 2001, la
tendance s’accélère lorsque de célèbres webzines
comme Salon Magazine ou encore
d’importantes divisions électroniques créées par des géants de l’information
imprimée ou audiovisuelle tels que le New
York Times ou CBS, licencient, parfois jusqu’à la moitié de leur personnel
comme sur le site NBCI du groupe Robert Murdoch International.
Dans l’ensemble, le Liban n’a pas connu
(encore ?) de tels échecs retentissants. Toutefois, cette sérénité globale
résulte moins de la bonne santé de ce secteur que de l’absence de
développements suffisants, susceptibles d’imposer une redéfinition, à la
baisse, des stratégies d’investissement. En effet, les investissements
matériels et plus encore humains restent le plus souvent modestes, sans doute
parce que les premières tentatives d’exploitation de l’information en ligne ont
mis en évidence les limites de ce modèle, au moins pour le Liban. On doit
néanmoins sans doute interpréter comme un sérieux signal d’alarme la mise à
l’écart, au début du mois de février 2001, de Abboud Omari, le créateur de
Cyberia, une des sociétés les plus importantes au Liban pour la fourniture de
services informatiques.
Sans entrer dans le détail d’analyses qui seront
développées plus loin, l’expérience a rapidement montré aux pionniers libanais
des médias Internet qu’ils ne pouvaient s’appuyer sur une clientèle payante
suffisante pour rentabiliser la fourniture d’une publication électronique, que
cela soit sous la forme d’un quotidien ou d’une lettre d’information. Les
expériences tentées en ce sens par le Nahar,
ou encore par un centre de traitement de l’information tel que MERS, sous forme
d’accès réservé aux seuls abonnés, ont tourné court, en dépit de certains
succès 34. En effet, de par la forte concurrence d’offres
gratuites sur le réseau, de telles entreprises peuvent au mieux espérer
réaliser des économies d’échelle, en supprimant notamment les éditions
étrangères à destination de la diaspora, particulièrement coûteuses, en termes
de diffusion. Rentabiliser les investissements d’une diffusion sur Internet
n’est pas nécessairement impossible, comme on le verra, et quelques-uns
continuent même à placer de réels espoirs dans les développements futurs de ce
type de médias. Mais pour l’heure, dans l’attente d’un accroissement du public
des internautes, mais aussi du commerce électronique, condition de l’obtention
de la manne publicitaire, les autres possibilités de générer des revenus à
partir d’une diffusion sur le réseau, soit par la vente de services ajoutés
(traitement des archives, veille informatisée…), soit par l’introduction de
publicités, demeurent très insuffisantes.
La publication en ligne reste néanmoins un secteur
appelé à connaître des développements importants, comme en témoignent certaines
initiatives que l’on peut observer ailleurs sur la toile arabe. Outre les
différents portails panarabes qui reprennent le modèle « inventé »
par l’américain Yahoo, un exemple significatif est fourni par le site Mafhoum-a
Concept, lancé par un ressortissant d’origine syrienne installé en Europe qui
offre une synthèse de l’actualité économique, politique et culturelle arabe
(site classé par Arabian Business.com en quatrième position dans la catégorie
« Specialist News and Information Sites », avec plus de 11 000
visiteurs 35). Un autre projet du même type, celui d’un
quotidien électronique politico-culturel, en anglais et en arabe, Elaph, pour lequel on a recruté,
notamment au Liban, de jeunes cyberjournalistes multilingues, retient également
l’attention car il est l’œuvre d’une des personnalités les plus brillantes de
la presse arabe internationale, Othman al-Omeir, le rédacteur en chef du
prestigieux Asharq al-Awsat 36.
Importance de l’actualité quotidienne, voire immédiate
(puisque Elaph, par exemple, annonce
une mise à jour du site heure après heure), tel est en définitive le point
commun qui réunit les acteurs les plus en vue de l’information libanaise sur
Internet, qu’ils viennent ou non des médias traditionnels. En effet, si le
grand nombre de stations radio présentes sur ce format tient pour une bonne
part à des raisons techniques particulièrement avantageuses sur ce support, les
autres initiatives d’envergure se trouvent pour l’essentiel au sein de deux
catégories : d’une part, celle des quotidiens, présents pour douze d’entre
eux – même si l’on doit surtout retenir les projets de cinq grandes publications
en arabe, et de deux autres en anglais et en français ; de l’autre, celle
des portails qui mettent clairement l’accent, pour les plus fréquentés d’entre
eux, sur l’importance du rôle pris par les fournisseurs de services
informatiques. En effet, Cyberia et Terranet sont aujourd’hui les leaders dans
ce domaine, comme en témoigne la guerre des prix à laquelle ils se sont
récemment livrés (été 2000) auprès des internautes libanais. Un autre portail
important, Yalla!, est associé à Data Management, la première société ISP sur
le marché libanais. Naharnet, le portail récemment ouvert par le Nahar, constitue en revanche une
exception d’autant plus intéressante qu’elle s’intègre dans une stratégie
adoptée de façon précoce par ce groupe de presse (où l’on trouve également L’Orient-Le Jour) vis-à-vis des supports
électroniques et notamment d’Internet.
Toutefois, justement sur la
question de la périodicité, l’observation des sites libanais offre des
résultats assez décevants, qui confirment que l’univers de l’information en
ligne demeure largement en gestation. La régularité des mises à jour, un
véritable atout du réseau au regard d’autres systèmes d’information, est loin
d’être assurée. Faute d’investissements suffisants sans doute (mais c’est
probablement un indice concordant par rapport à nos hypothèses) le caractère
instantané, à tout le moins extrêmement rapide, de l’information sur Internet
reste une vaine promesse. À titre d’exemple, sur 24 sites susceptibles, au
titre de la périodicité annoncée de leur mise à jour, de faire état du résultat
des élections législatives libanaises au lendemain du vote (le
4 septembre), seuls 16 l’avaient effectivement fait. Sept quotidiens
présentaient l’édition du jour avec les résultats, alors que deux n’avaient pas
encore procédé au renouvellement de leur site. Parmi les portails et autres
publications électroniques, on relevait neuf mises à jour seulement sur les
quinze normalement attendues 37. Néanmoins, pour tempérer ce
jugement, il convient de reconnaître que la couverture assurée par le portail
Cyberia est apparue, aux yeux de nombreux observateurs, comme étant de loin la
meilleure 38.
2.3. Nature de l’information disponible
sur Internet : des contenus décevants
La nature très diverse des sites a déjà été abordée du
point de vue de ce que nous avons appelé la « qualification » des
acteurs. Naturellement, pour apprécier plus justement l’offre d’information
disponible en ligne, on ne peut faire autrement que de tenir compte des sites
véritablement actifs, ou encore de ceux qui offrent dans les faits un accès
plus ou moins total à un contenu, que celui-ci existe ou non sous une forme
préalable. Une fois ces précisions apportées, il devient possible de prolonger
l’observation en examinant, parmi les différents types d’information disponibles,
ceux qui sont particulièrement représentés sur les sites Internet. À cette fin,
nous avons étudié la hiérarchie de l’information suggérée par la présentation
des pages d’accueil qui, à l’image des « unes » de la presse,
favorisent graphiquement tel ou tel type d’information. Pour chaque site 39,
les grandes rubriques d’information ont été repérées, et dotées de l’indice 1
lorsqu’elles figuraient en position privilégiée (et seulement de l’indice 0,5
lorsqu’elles occupaient une place moins en évidence). Les résultats ont été
visualisés sous forme de graphiques, pour les sites correspondant à des médias
dits « traditionnels » et pour ceux qui sont apparus avec Internet,
de l’autre (cf. graphique 2, ci-dessous).
Graphique 2 :
Répartition des sujets entre « anciens » et « nouveaux »
médias.
Commentaire :
les données relatives aux nouveaux acteurs des médias sont régulièrement
supérieures dans la mesure où la mise en page propre à Internet offre davantage
de possibilités.
Pris dans leur totalité, on s’aperçoit que les sites
libanais accordent une place prépondérante à l’actualité politique (locale,
régionale et internationale), une rubrique de très loin supérieure à toutes les
autres. Les nouvelles financières et économiques arrivent ensuite,
immédiatement suivies par des informations beaucoup moins
« sérieuses » : bulletins météorologiques, nouvelles diverses
souvent classées sous la rubrique entertainment
(distraction dans notre tableau) et enfin informations sportives d’intérêt
local ou international. Assez loin derrière figurent des rubriques
spécialisées, en définitive assez marginales, telles que les nouvelles
technologies, les informations religieuses, les questions d’environnement…
Cette hiérarchie de l’information, assez proche de
celle que l’on trouve dans les journaux écrits ou diffusés sur les ondes, fait
apparaître moins d’uniformité lorsque l’on établit une comparaison entre
anciens et nouveaux acteurs de l’information sur la toile. Alors que l’ensemble
des sites élaborés par des acteurs venus du monde des anciens médias de masse
se conforme à la présentation classique des différentes rubriques, on constate
que les nouveaux venus privilégient un traitement un peu différent. En effet,
l’actualité politique conserve la première place, mais la perspective
internationale y est davantage présente. Les informations économiques et
financières sont également plus importantes. Si les rubriques plus légères
(météo, informations de société…) bénéficient d’un traitement au moins aussi
favorable que dans la première catégorie de sites, des rubriques spécifiques
affirment davantage leur présence, telles que les questions d’environnement et
plus encore les nouvelles technologies.
À l’issue d’une telle analyse,
ce qui ressort, en définitive, c’est une image assez conventionnelle de l’offre
d’information. Les acteurs dotés d’une expérience préalable dans le domaine de
l’information se contentent en grande partie de reproduire sur la toile ce
qu’ils diffusent à travers leurs médias d’origine. Quant aux autres, venus à
l’information grâce à Internet, il apparaît clairement qu’ils offrent la
version, à peine adaptée au goût local, d’un produit international destiné à
une clientèle plutôt favorisée socialement (les interfaces graphiques, la
langue utilisée, l’anglais dans la plupart des cas, ou encore les bandeaux
publicitaires, contribuent d’ailleurs à renforcer cette impression).
Significativement, on constate l’absence presque totale d’informations
spécifiques au réseau Internet, à l’exclusion d’un seul site qui propose une
rubrique de rumeurs, dont on trouverait cependant de nombreux équivalents dans
la presse politique arabe, assez friande de ce type d’articles. Parallèlement,
on constate combien l’éventail des informations est restreint. En dépit des
facilités techniques offertes par ce nouveau support, on remarque qu’il n’y a
que très peu d’informations scientifiques par exemple, pour lesquelles un
marché important n’existe pas facilement. Les nouvelles culturelles, quand
elles sont présentes, sont systématiquement reléguées dans une position
marginale, loin de l’écran initial par lequel l’internaute entame sa
consultation. Pour l’heure, on ne peut donc que constater qu’Internet est loin
d’avoir véritablement élargi et diversifié l’offre d’information produite au
Liban.
2.4. Une frontière : la question de
la langue
Parmi les contraintes introduites par l’outil
informatique figure en bonne place la question de la langue, dont le choix
s’avère être particulièrement révélateur des stratégies adoptées par les
fournisseurs d’information. Sur le plan technique, le multilinguisme, y compris
avec l’utilisation de caractères arabes, n’est plus un problème insurmontable.
On peut tout au plus considérer que la réalisation et la diffusion de sites
exclusivement en langue latine est plus aisée, mais il existe des solutions
relativement faciles pour afficher des contenus, sans parler de construire une
interface en arabe. Le choix d’une option linguistique est donc très loin
d’être uniquement déterminé par des motifs techniques et répond au contraire,
dans bien des cas, à une sorte de mise en scène de l’information.
En effet, l’observation de notre corpus met en
évidence des choix très explicites. Pour tenir compte des évolutions techniques
les plus récentes, les données que nous avons mis en rapport ne concernent que
les sites aujourd’hui actifs et régulièrement renouvelés (de façon à comparer
la langue utilisée dans l’interface ou dans le contenu). À cette fin, nous
avons écarté les radios et les télévisions dont la diffusion (grâce à des
programmes gratuits de type Real-audio
ou Real-video), ne pose pas les mêmes
enjeux. Sur les quelque 137 sites concernés, les choix linguistiques sont
particulièrement éloquents (voir la série de graphiques ci-dessous). On
constate sans surprise l’omniprésence de l’anglais, tant au niveau de
l’interface que du contenu. Il est suivi non pas du français mais bien de
l’arabe (preuve que les contraintes techniques ne jouent plus, et que la
francophonie au Liban n’a guère à espérer du réseau des réseaux 40).
Graphique 3 :
Répartition des langues dans l’ensemble des sites.
Graphique 3 bis :
Répartition des langues parmi les anciens acteurs.
Graphique 3 ter : Répartition
des langues parmi les nouveaux acteurs.
Note :
les graphiques tiennent compte de l’existence de nombreux sites bilingues ou
même trilingues.
Mais c’est surtout entre les acteurs
« naturels » issus des anciens médias et ceux qui sont arrivés avec
les NTIC que le contraste est important. En effet, ces derniers utilisent
presque uniquement l’anglais, à l’exclusion ou presque de toute autre langue
(35 sites avec une interface en anglais, 6 où l’anglais figure avec une autre langue,
1 seul site avec non seulement un contenu mais également une interface
entièrement en arabe !). À l’inverse, les sites venus du monde de la
presse utilisent assez largement l’anglais quand il s’agit de l’interface (42
uniquement en anglais, 9 en anglais et en arabe, 17 malgré tout en arabe).
Néanmoins, dès lors qu’on s’intéresse au contenu, l’arabe redevient assez
largement majoritaire (23 sites offrant un contenu en arabe, 10 en français, 6
en anglais, sans oublier 15 sites dénués de tout contenu).
Confirmée par les enquêtes menées au près de la
population 41, cette nette opposition entre les options
linguistiques des deux catégories prend toute sa dimension sociopolitique quand
on observe les sites concernés. Parmi ceux qui ont opté pour l’arabe, et qui
trouvent donc, dans leur totalité ou presque, leur origine dans une publication
imprimée, on relève un premier groupe d’acteurs venus de la presse
quotidienne : Al-Kifah al-‘arabi,
quotidien de faible diffusion défendant les idéaux nationalistes arabes ; Al-Liwaa, proche des milieux sunnites
traditionnels ; Al-Mustaqbal,
récemment relancé par le groupe de presse constitué autour du Premier ministre
Rafic Hariri ; Al-Nahar, Al-Safir et Al-Anwar, les quotidiens de langue arabe les plus vendus au
Liban ; Nida al-Watan et Al-Bayraq, l’un et l’autre (faiblement)
lus dans les milieux chrétiens conservateurs. À ces premiers titres, inscrits
dans le patrimoine médiatique libanais, il faut ajouter celui des périodiques.
On y retrouve une revue professionnelle, Al-Muqawil
al-lubnani (Lebanese Contractor) ; une publication de petites
annonces, Al-Houloul ; un
hebdomadaire d’actualité de la région de Zahlé, Al-Kalima ; un autre, plus engagé politiquement, Al-Mawqif ; et surtout quatre
revues d’obédience chiite, produites dans la banlieue sud (et par ailleurs les
seules à l’être, dans notre corpus) : les hebdomadaires Al-Ahed et Al-Bilad, le mensuel Annabaa et
le trimestriel scientifique Shu’un
al-awsat.
À travers les options
linguistiques retenues, on constate clairement l’idéologie sous-jacente des
acteurs de l’information sur Internet : d’un côté, un secteur qui importe
d’outre-Atlantique les techniques de la communication moderne pour les utiliser
sans même les traduire (au sens strict du terme) et donc au prix d’un minimum
d’adaptation au marché local ; de l’autre, des acteurs qui utilisent bien
davantage le canal de la langue arabe, en fonction de leur public et de leur
positionnement sur le marché des médias. À l’évidence, les enjeux de
l’information se jouent, au moins en partie, sur ce terrain. En effet, quoi que
l’on puisse penser des effets réels d’une plus grande diffusion de
l’information, de la possibilité d’accéder à des sources multiples et
contradictoires, des modifications que peut entraîner une attitude plus active,
voire même plus « citoyenne » des internautes – toutes questions
encore largement à débattre –, il reste indiscutable que les nouvelles
technologies auront un impact d’autant plus fort qu’elles seront davantage
répandues. Pour l’heure, parmi les causes mises en avant pour expliquer les
taux relativement faibles de pénétration de ces NTIC dans les sociétés arabes,
et en particulier Internet, figure souvent l’obstacle de la langue, dans la
mesure où Internet demeure très largement anglophone 42.
Utilisés pour la première fois par la société égypto-koweïtienne Sakhr sur le
portail Ajeeb, à la fin de l’année 2000 43, les programmes de
traduction automatique entre l’anglais et l’arabe soulignent en définitive
davantage l’importance des problèmes qu’ils n’apportent de véritable solution,
dans l’état actuel des développements techniques.
Même si les acteurs d’Internet au Liban sont très
divisés sur cette question, ceux que nous avons pu rencontrer au cours de notre
enquête estiment, surtout lorsqu’ils sont engagés sur des projets d’envergure,
que l’essor de la communication en ligne passe, dans une large mesure, par un
accroissement du nombre des utilisateurs. L’accès aux nouvelles techniques est
naturellement lié à des aspects économiques, notamment le coût et la qualité
des communications. Mais l’arabisation d’Internet reste la clé d’un progrès
réel dans ce domaine. À condition, toutefois, d’aborder cette arabisation sous
un angle suffisamment vaste, c’est-à-dire sans se limiter à un traitement purement
linguistique. En effet, même si on peut juger ses craintes exagérées, Awatif
Abdel-Rahman, spécialiste égyptienne des médias, ne manque pas d’arguments pour
dénoncer les risques que fait peser sur la culture arabe l’intrusion en force
d’images et de représentations exogènes 44. Ces craintes, qui
sont à coup sûr partagées par de larges secteurs de l’opinion arabe, toutes
opinions confondues, ne peuvent être levées qu’au prix d’une véritable
assimilation des nouvelles possibilités techniques. En pareil cas, il ne s’agit
pas seulement de traduire des contenus, ou même des interfaces, mais bien de
développer une approche locale spécifique de cet outil, notamment au niveau de
l’interface, de la hiérarchie des contenus ou encore de l’architecture
intérieure des sites. De ce point de vue également, la comparaison des
solutions graphiques imaginées par les acteurs libanais est particulièrement
parlante : face aux copies conformes des sites occidentaux majoritairement
présentes sur le réseau, les sites des revues d’obédience chiite se distinguent
par leur volonté manifeste d’« authenticité 45 »
esthétique.
3. Les
grandes catégories d’acteurs
Après avoir abordé les sites libanais producteurs
d’information, à partir de différentes observations et interrogations communes
à l’ensemble des acteurs, cette partie a pour objet, au contraire, d’examiner à
part chacune des catégories traditionnellement reconnues dans l’analyse des
médias 46 : quotidiens, presse périodique et presse
audiovisuelle. Naturellement, compte tenu de la spécificité de notre objet, il
a fallu introduire une nouvelle population, celle de la
« cyberpresse », au sein de laquelle on retrouvera, en plus des
« acteurs occasionnels », deux formats inédits, sans doute appelés à
durer : les magazines électroniques et les portails.
3.1. Les quotidiens
À plusieurs reprises, nous avons été amenés à évoquer
les sites produits par différents quotidiens libanais. Parmi les plus arabisés
de notre corpus, ils font également partie, pour nombre d’entre eux, des véritables
pionniers de ce secteur. Autant de raisons qui expliquent peut-être qu’ils
soient aussi parmi les plus fréquentés. On peut ainsi présager qu’ils
continueront à jouer un rôle décisif vis-à-vis de la possible évolution de
l’information sur Internet, mais aussi, plus largement, par rapport au nouveau
paysage médiatique que les NTIC ont contribué à transformer de fond en comble.
Parmi les quotidiens figurant dans notre corpus, nous
n’avons retenu que ceux (9) qui avaient développé un site digne de ce nom, et
notre analyse portera, pour l’essentiel, sur six d’entre eux, véritablement
actifs 47. Même limité de la sorte, le groupe retenu demeure
significatif par rapport à la presse quotidienne du pays, dans la mesure où
tous les organes de diffusion importante y figurent, à l’exception peut-être
d’un quotidien populaire, Al-Diyar,
ainsi que de Al-Hayat, pour des
raisons déjà exposées.
Loin d’être simultanée, leur
apparition sur le réseau des réseaux peut être considérée comme un révélateur
assez fidèle des hiérarchies locales dans ce domaine. Trois journaux
inaugurèrent la nouvelle technologie dès 1995, Al-Anwar dès septembre 1995, mais avec une version très
réduite intitulée Al-Anwar fax, puis
le Nahar, au premier jour de l’année
1996, suivi, quelques mois plus tard, par le Safir. Après cette première vague des grands organes de langue
arabe, vint le tour du Daily Star (en
octobre 1997) et de L’Orient-Le Jour.
Leur succédèrent Al-Liwaa, durant
l’été 1998, puis Al-Mustaqbal, en
août 1999, deux mois seulement après la création de sa version imprimée,
et enfin Lissan al-hal et Nida al-Watan, respectivement en mars et
avril 2000, deux sites rapidement devenus inactifs.
Les résultats, en termes de fréquentation, sont loin
d’être ceux qui sont toujours escomptés, même si l’on observe d’étonnantes
réussites. En langues occidentales, L’Orient-Le
Jour et plus encore The Daily Star
ont rapidement gagné un public égal et même supérieur à celui des éditions
écrites. La version électronique du quotidien anglais obtient ainsi entre
8 000 et 10 000 visiteurs par jour, soit près du double de la
vente de l’équivalent imprimé. Même si l’on doit se contenter d’estimations
dans ce domaine, il apparaît que les grands quotidiens de langue arabe
obtiennent des résultats semblables (pour une diffusion à la vente au numéro
plus importante, naturellement), ce qui constitue un résultat très honorable. Al-Mustaqbal, plus récent, doit se
contenter d’une fréquentation moins forte, en dépit de la qualité de sa page
économique, tout comme Al-Liwaa ou
encore le Kifah al-‘arabi.
En revanche, l’origine des internautes ne fait pas
apparaître de grandes différences d’un organe à un autre. Il s’agit, bien
évidemment, d’un lectorat plutôt jeune (en dessous des 40 ans), et massivement
situé à l’étranger (moins d’un pour cent des lecteurs en provenance du
Liban !). À la seule exception de L’Orient-Le
Jour, qui gagne, grâce au français, un important public en Europe et en
Afrique, les consommateurs de la presse libanaise en ligne se situent en
Amérique du Nord (USA et Canada) pour 80 % d’entre eux. Le second groupe
(10 % environ) est constitué par les pays de la région (Israël compris),
notamment ceux de la péninsule Arabique. Le reste se répartit dans les
multiples régions du monde (Amérique latine notamment) où s’est établie la
diaspora libanaise, celle-ci constituant à l’évidence le premier public
concerné par ces sites. Quant au lectorat local, il est, dans la pratique,
insignifiant.
Les déclarations d’intention que l’on trouve – en
anglais, même lorsque le contenu du site est totalement en arabe – confirment,
sans ambiguïté aucune, cette orientation. Au « Welcome to An-Nahar Online.
A free information service for our worldwide readers », Al-Anwar répond comme en écho :
« Our Internet edition is a free service for the large and successfull
Lebanese community living all over the world ». Même ton dans les
quotidiens Al-Mustaqbal et Al-Liwaa qui mettent en avant la
modernité et l’internationalisation de la diffusion par le Net. En fin de
compte, il n’y a guère que le Safir
pour se distinguer un peu en soulignant les mérites particuliers, du point de
vue de la circulation de l’information, de la nouvelle technologie :
« Today, and thanks to technology, As-Safir overcame all the hardships
(Censorship and Hight cost of printing abroad), and we can now reach our
readers in the five continents throught the Internet. »
Ces éditions électroniques sont donc offertes
gratuitement à la consultation mais la plupart des quotidiens, et la totalité
de ceux qui bénéficient d’une réelle fréquentation, tirent des revenus de
bannières publicitaires, ou encore de la revente d’informations à des
« grossistes » tels que les agences internationales, les portails…
Par ailleurs, nombre d’entre eux espèrent, avec le développement d’Internet,
commercialiser certains de leurs services, à commencer par les archives. Pour
autant, les capitaux immobilisés ne sont que relativement importants. En dehors
de certains investissements lourds, surtout pour le développement de logiciels
spécifiques (à l’image de l’accord qu’Al-Nahar
a passé, naguère, avec la société Adobe, éditrice du célèbre logiciel Acrobat
Reader), les structures propres aux éditions électroniques demeurent en général
très légères. Difficilement quantifiable, car le même personnel peut être
affecté à des tâches de maintenance électronique, d’archivage, et même parfois
de fabrication ou de formation, il ne dépasse pas, dans la plupart des cas,
quelques personnes (l’équivalent de deux à cinq employés à temps plein).
En effet, les quotidiens se contentent la plupart du
temps de reprendre l’information publiée dans les journaux, au prix seulement
d’une mise en forme technique, mais aussi, tout de même, de plus en plus
éditoriale. Al-Safir a ouvert la voie
dans ce domaine en introduisant une nouvelle maquette électronique, différente
de la présentation du quotidien, dès 1998. Il existe désormais de véritables
éditions électroniques, par la forme à défaut du contenu. Et même dans ce
domaine, on note une tendance manifeste à la spécificité de l’édition Internet,
laquelle peut se distinguer par l’adjonction du son et, plus important encore,
celle d’un contenu propre. Certes, il ne s’agit encore le plus souvent que de
compléments que l’on peut considérer comme de peu d’importance (forums, salons
de discussion, petites annonces spécifiques, sondages, guides, etc.). Mais,
outre l’utilité que représentent d’autres fonctions propres à Internet telles
que les moteurs de recherche ou les liens vers d’autres sites, on observe
également un peu plus d’informations originales par rapport à la version
imprimée. Même s’il en existe d’autres exemples, Al-Anwar présente le cas d’une utilisation particulièrement aboutie
de ces procédés, avec une rubrique pour les nouvelles urgentes (breaking news), dont l’internaute peut
prendre connaissance sans être lié à la périodicité du quotidien, mais aussi un
service (très prisé) spécifiquement destiné aux Libanais de l’étranger :
sous l’égide d’une caricature populaire, le célèbre Abu-Khalil, prototype du Beyrouthin
jovial, les internautes peuvent obtenir toutes sortes d’informations et de
renseignements qui les intéressent par rapport à leur patrie d’origine.
D’ailleurs, il apparaît à l’usage que le public
d’Internet n’a pas nécessairement les mêmes demandes que les consommateurs de
la version imprimée. En effet, l’introduction sur la toile des quotidiens
permet de mesurer, différemment et plus précisément peut-être que dans les
enquêtes de consommation, les choix des lecteurs car, à chaque consultation, à
chaque navigation, l’utilisateur laisse une trace informatique dont se servent
les publicitaires mais à laquelle commencent également à s’intéresser les
acteurs de la presse. Au sein des entreprises, une autre hiérarchie des
journalistes et de l’information est plébiscitée par ces lecteurs internautes,
ce qui ne va pas toujours sans combattre certaines habitudes. Dans les milieux
professionnels les plus actifs en ce qui concerne ces premiers développements
de la presse libanaise sur la toile, il apparaît aujourd’hui qu’on n’est plus
aussi sensible qu’avant au poids des grands éditorialistes politiques, et l’on
sait au contraire que le lecteur (en tout cas celui de l’édition Internet)
accorde plus d’attention à d’autres rubriques, bien plus locales et souvent bien
plus pratiques et immédiates.
À terme, c’est une autre manière de pratiquer le
métier de journaliste qui peut se développer, avec un lien beaucoup plus direct
entre les lecteurs et les producteurs d’information. Pour le meilleur et pour
le pire peut-être, quand un journaliste mesure sa popularité et l’écho d’un
article au nombre de courriers électroniques reçus, ou quand l’interactivité du
réseau permet à la « communauté » des lecteurs de se rencontrer sans
le moindre contrôle de la qualité de l’information… Quoi qu’il en soit, il est
d’ores et déjà manifeste que l’introduction des NTIC a contribué à faire
évoluer certaines grandes entreprises de presse. L’aventure que constitue la
création d’une édition sur Internet a ainsi mis en évidence toute une nouvelle
génération d’acteurs, formés presque toujours à l’étranger, et précisément en
Amérique du Nord, c’est-à-dire dans le berceau du journalisme électronique. Au
moment où les contraintes techniques font que certains postes de responsabilité
au sein des entreprises de presse sont déjà confiés à des spécialistes venus
d’autres filières professionnelles, notamment celles des NTIC, l’aventure de la
toile et des éditions électroniques s’affirme comme le lieu par excellence où
se forme, selon les règles de fonctionnement qui caractérisent des entreprises
encore largement familiales, la génération de la relève : entre autres
exemples, les Gibran, Naji et Bassam Tuéni pour le Nahar, Ahmad Salman pour le Safir, Saïd Freiha pour Al-Anwar…
Aux yeux de cette génération en particulier, il est
clair que l’importance d’une édition électronique sur Internet ne se limite
pas, pour un quotidien ambitieux, à une opération de prestige, comme cela fut
parfois le cas au début, ni même à la possibilité de réaliser des économies sur
les coûts de diffusion des éditions étrangères. Après quelques années de
tâtonnements, et depuis l’accroissement des ressources publicitaires et autres,
la presse en ligne a le sentiment d’aborder une nouvelle étape, essentielle
pour l’avenir non seulement des rédactions en ligne mais de l’entreprise tout
entière. Pour nombre de jeunes responsables, c’est sur le terrain de la
diffusion sur Internet que la presse quotidienne libanaise pourra assumer sa
mission, en (re)devenant une référence internationale pour l’ensemble de
l’information régionale et en exploitant cette position par le biais de la
« syndication » (la publication d’une même information sous de
multiples supports). Une stratégie que le Nahar,
notamment, s’efforce de mettre en place depuis l’ouverture de son propre
portail, Naharnet, en septembre 2000, avec d’autant plus de hâte que les
échéances sont proches. Car le paysage médiatique ne pourra pas contenir
indéfiniment tous les acteurs qui, attirés par les attraits du nouveau support,
se sont lancés dans l’aventure de la publication sur Internet.
3.2. La presse périodique
Au contraire de la presse quotidienne, la situation
des périodiques libanais présents sur Internet met en évidence une activité
beaucoup moins importante, tant en nombre de sites que de visiteurs. Avec cette
catégorie d’acteurs, les limites du nouveau support, en tout cas dans la
conjoncture actuelle, apparaissent assez clairement. Tel est bien le constat
qui se dégage à l’issue de l’examen des quarante périodiques libanais offrant
un accès à un contenu renouvelé. Du point de vue de la langue, ils se
répartissent en deux grandes catégories à peu près égales : 18
publications en arabe et une vingtaine dans d’autres langues, essentiellement
en anglais (six seulement en français). En revanche, les mensuels sont plus
fortement représentés (20 titres) que les autres publications. Toutefois, c’est
surtout par rapport aux intentions qui président à l’établissement de leur site
que la répartition de ces publications révèle des stratégies très différentes,
que l’on peut répartir en deux grandes catégories.
En effet, à partir de différents critères, à commencer
par la présence d’un contenu donné sous une forme plus ou moins complète, avec
la volonté plus ou moins manifeste d’« appâter » l’internaute de
passage, mais également en observant l’importance des publicités, les
propositions d’abonnement, de numéros anciens, etc., il est globalement
possible de classer les sites originaires de la presse périodique en fonction
de deux grandes orientations : l’une, plus « publicitaire »,
quand l’autre est davantage « désintéressée ». Dans le cas de la
première, il s’agit essentiellement, pour le producteur d’information, de
toucher, grâce au réseau des réseaux, de nouveaux lecteurs qui demeurent, fondamentalement,
une clientèle de la version papier. En pareil cas, on peut ne trouver sur
Internet qu’une simple présentation de la publication (l’équivalent d’une
brochure publicitaire), ou une partie, soigneusement dosée, du contenu. Les
solutions imaginées incluent la simple reproduction de la table des matières,
la présentation, sous forme de résumé, des articles, la sélection de certaines
rubriques (éditorial, dossier d’actualité, articles spécifiques…).
Pour la seconde catégorie de
sites, Internet relève davantage d’un service offert à titre totalement
gracieux (même s’il peut y avoir d’autres avantages indirects, notamment en
termes de notoriété). En effet, encore moins qu’avec les quotidiens, on ne
saurait imaginer, à l’heure actuelle, faire payer la consultation par les
internautes. Sur l’ensemble des sites représentés dans notre corpus, seul celui
de la revue El-Doha [47], destiné à
la diaspora druze, est passé à une facturation électronique, proposée sous deux
formes : par consultation unique ou par abonnement annuel.
Graphique 4 :
Répartition des périodiques selon l’accès au contenu.
Selon ce critère, on observe qu’un peu plus de la
moitié des sites seulement proposent un accès sans restriction à leur contenu
et même à leurs archives. Mais surtout, on observe que les sites qui emploient
l’arabe y sont particulièrement bien représentés. Il y a donc une sorte de
« prosélytisme » de la presse périodique sur Internet, quand elle
offre véritablement un contenu, ce que confirment les choix linguistiques
évoqués précédemmeot‑et la nature engagée de certaines publications telles que Al-Ahed [22], Al-Bilad [27], Annabaa [120]
ou encore Baqiatolah [152], toutes
d’obédience chiite.
Il est vrai qu’au regard des
données que l’on possède sur les fréquentations, il ne saurait en être
autrement et les sites de périodiques n’ont d’autre choix que d’offrir
généreusement leur contenu si elles ne veulent pas se contenter d’aiguillonner
la curiosité des lecteurs potentiels. Dans le meilleur des cas, on dénombre
quelques milliers de visiteurs mensuels, mais le plus souvent ils ne sont que
quelques centaines, en provenance massive de l’étranger 48. Les
publicitaires le savent bien d’ailleurs, puisque le nombre d’annonces, quand il
en existe, est très nettement inférieur à celui que l’on peut observer avec les
sites des journaux.
Cependant, plus encore que dans la presse quotidienne
peut-être, ne serait-ce qu’en raison d’une périodicité moins contraignante, la
mise en service de tels sites peut représenter un investissement extrêmement
réduit. La matière rédactionnelle est déjà saisie sous forme numérisée, et
c’est le plus souvent un personnel déjà existant qui va se charger de la mettre
en ligne. En pareil cas ne demeurent que les frais, éventuels, d’une maquette
spécifique, ainsi que le coût de l’hébergement chez un fournisseur de services,
dont les entreprises de presse ont de toute façon besoin pour des tâches
professionnelles ordinaires. En outre, il leur est souvent possible d’obtenir
des conditions particulièrement favorables dans un contexte où l’offre sur
Internet est encore réduite et où la présence d’organes de presse constitue,
pour une société de services, un atout susceptible de générer un certain
trafic 49. Figurer sur le réseau des réseaux demeure donc, pour
les responsables de périodiques, une publicité prestigieuse et peu onéreuse,
qui permet de toucher certains lecteurs supplémentaires.
En dépit de ces facteurs extrêmement favorables, on
constate néanmoins que l’offre d’information sur le réseau reste très limitée,
surtout si l’on ne considère que les publications offrant un réel
service : la consultation d’une quantité raisonnable d’informations, même
si cela ne va pas jusqu’à l’utilisation des archives, grâce à un moteur de recherche
efficace… De plus, on observe également que cette information est très peu
spécialisée : un seul site par exemple sur les questions juridiques [67],
environnementales [26] et technologiques [51]. Nombre d’initiatives ont été
abandonnées [42, 63, 68], et les retards sont fréquents par rapport aux
créations annoncées [29]. En définitive, seul, le monde de l’économie se
distingue par une offre plus fournie [25, 33, 41, 146, 148], à partir d’une
logique qui transparaît clairement dans la présentation que donne la revue Al-Bayan de son site, abusivement (pour
l’instant au moins) décrit comme un « portail économique » (Economical Portal Site), spécialisé sur
le monde arabe, naturellement.
Mais comme on l’a vu précédemment avec la revue Al-Iktisad wal-aamal, le réseau des
réseaux ne génère pas un trafic suffisant pour assurer la rentabilité
d’initiatives médiatiques de ce type. Estimant qu’il n’en sera pas toujours
ainsi, nombre d’acteurs choisissent, pour l’heure, d’occuper un terrain en
conservant, à coût réduit, une fenêtre sur le réseau. D’autant plus que
diverses solutions permettent de limiter encore les frais engagés, notamment en
multipliant des systèmes d’échanges (proche de la « syndication »).
Profitant de sa spécialisation, rare dans la région, sur ce type de question,
la revue Environment and Development
a ainsi développé divers partenariats auprès de sites très importants tels que
le portail Cyberia, ou les quotidiens Daily
Star et Al-Nahar. Elle en retire
une importante visibilité, sans les frais d’une importante campagne
publicitaire. Si la presse périodique bénéficie de certains atouts, ne
serait-ce que par le fait qu’elle produit déjà de l’information dont il lui
suffit de développer de nouvelles formes d’exploitation, il apparaît toutefois assez
clairement qu’elle se trouve en concurrence, sur le réseau, avec nombre de
rivaux : les autres médias de masse, mais également les nouveaux venus,
appartenant à l’univers de la cyberpresse. En l’absence d’une demande massive
du public et donc d’un trafic fourni, tant que l’information sur la toile
demeure plus internationale que locale, il est clair que les possibilités
d’extension de la presse périodique, même spécialisée, resteront limitées.
3.3. La presse audiovisuelle
Avec 27 sites au total, les médias diffusés à
l’origine sur les ondes libanaises (radios et télévisions) représentent un
ensemble en définitive assez riche, à l’intérieur duquel des situations très
disparates font réapparaître deux modèles très contrastés, que l’on a déjà eu
l’occasion d’évoquer : d’un côté, des sites qui « libanisent »
superficiellement des modèles d’origine internationale ; de l’autre, des
tentatives pour utiliser les potentialités du réseau selon d’autres logiques,
plus « locales ». Mais en fin de compte, littéralement parlant comme
on le verra, il s’agit peut-être d’une seule et même conception de la
communication, en vertu de laquelle il s’agit avant tout de s’adresser à
« sa » communauté.
Dans cette famille de sites on
trouve 9 chaînes de télévision et 18 stations de radio 50. On
peut globalement les répartir en trois catégories, en partie déterminées par la
spécificité de la législation libanaise qui distribue aux médias des licences
incluant, ou non, la possibilité de diffuser des informations : premièrement,
des médias généralistes diffusant des programmes de distraction ainsi que
quelques émissions plus « sérieuses », notamment des nouvelles (12
sites, dont 7 télévisions) ; deuxièmement, des médias exclusivement de
distraction, en fait presque entièrement consacrés à la musique (9 stations de
radio, plus la toute nouvelle chaîne pour la jeunesse arabe,
Zen-TV [90] 51) ; troisièmement, un ensemble composé
d’une télévision et de quatre radios religieuses (toutes chrétiennes, sauf une
radio sunnite, Dar al-fatwa [132] dont le site est encore en préparation). Il
est vrai qu’il aurait été possible d’intégrer à ce dernier groupe, une radio
(Izaat Al-Nour [74]) et une télévision (Al-Manar [86]), toutes deux d’obédience
chiite et revendiquant à ce titre une orientation religieuse, tout en
conservant une programmation généraliste (par ailleurs souvent de qualité),
comportant également des bulletins d’information (voir graphique 5
ci-dessous.)
Graphique 5 :
Répartition des médias audiovisuels par catégories.
C’est au sein de cette catégorie qu’il nous a été le
plus difficile d’obtenir suffisamment d’informations fiables sur la
fréquentation. Parmi les adresses les plus visitées figure très certainement
celle de la télévision Al-Manar. Techniquement sophistiqué, avec un accès et un
contenu bilingue, des extraits vidéo et audio, des archives, ce site obtient
vraisemblablement environ 40 000 visiteurs par mois. Un résultat
insignifiant par rapport aux téléspectateurs de la chaîne, mais exceptionnel pour
les données relatives à Internet au Liban.
Nombre de médias audiovisuels se présentent à partir
d’interfaces extrêmement sophistiquées qui associent le son et la vidéo à
toutes sortes d’animations spectaculaires. S’il existe encore des initiatives
relativement artisanales, la qualité des techniques utilisées révèle la
présence de moyens importants, ainsi que l’existence de liens assez denses
entre acteurs du même univers (radio et télévisions comme MTV [91], Nostalgie
[78] et Radio Mont-Liban [81]), mais également entre anciens et nouveaux
médias (Radio One [82] avec le portail Terranet [17] par exemple). De telles
alliances montrent peut-être ce que sera Internet demain ; elles révèlent
en tout cas à coup sûr que la toile ne reste pas à l’écart des grandes
manœuvres médiatiques provoquées par la mondialisation croissante de
l’information.
De façon très manifeste avec les sites des radios, en
particulier musicales, mais également avec ceux de certaines télévisions, on
note que l’interactivité rendue possible par les techniques Internet est
largement développée, surtout par comparaison avec les sites de la presse
périodique par exemple. On multiplie les adresses directes à l’internaute, on
le sollicite pour qu’il élise son disque préféré, réponde à un sondage, prenne
contact avec les animateurs, dialogue avec les autres auditeurs présents sur le
réseau, participe à des concours, décharge morceaux musicaux et programmes de
jeux, achète différents produits, etc. À leur manière, parfois caricaturale (« Our
message is simple : to spread good music and good mood to all »,
proclame ainsi Fame FM [133]), radios et télés musicales présentes sur le
réseau des réseaux mettent en évidence des stratégies diamétralement opposées.
À côté de ceux qui rappellent, sur un mode qui peut sembler défensif, la
spécificité de leur message et de leur mission (« diffuser la culture et
les valeurs introduites par les messages divins ; protéger les origines de
notre culture » figurent ainsi en tête des sept objectifs que s’est fixés
radio Al-Nour), des radios musicales et autres chaînes satellitaires se font,
sans complexe, les propagandistes d’une culture jeune, moderne, internationale
et insouciante. À l’évidence, nombre de ces sites reprennent à leur compte la
fonction identificatrice, la valeur de « totem », que jouent,
notamment auprès de la jeunesse, certains médias audiovisuels. D’ailleurs,
parmi les rares rubriques qu’offre (à ce jour) le site récemment ouvert par la
chaîne musicale Zen-TV, on trouve (en anglais) le mot « Communauté »,
qui donne la possibilité à l’internaute d’entrer sur le salon de la chaîne (chat) ou d’envoyer des courriers
électroniques. Faut-il y voir une nouvelle sorte de « communauté »,
fédératrice, au-delà des origines confessionnelles, ou un sous-groupe social de
plus, dans un pays qui en compte déjà beaucoup et dont l’offre médiatique est
précisément, dans une grande mesure, commandée par la répartition communautaire
des différents publics ?
3.4. La cyberpresse
Sous le terme de cyberpresse nous regroupons
l’ensemble des sites libanais qui distribuent de l’information, spécialisée ou
non, sans être liés, à l’origine, à des entreprises médiatiques. Il s’agit d’un
ensemble assez important puisqu’il représente un peu plus du tiers de notre
corpus (une soixantaine d’adresses sur 165), à l’intérieur duquel on peut
reconnaître trois grandes catégories. La première (14 sites) est constituée par
les sites de ceux que nous avons précédemment appelés les producteurs
« occasionnels » : centres de documentation, banques, mouvements
politiques, organismes, qui utilisent Internet comme un complément à leur
système de diffusion habituel. Viennent ensuite deux grandes familles, où se
retrouvent des acteurs venus à l’information grâce à la toile : d’une
part, celle des portails (25), de l’autre, celle des publications électroniques
(17).
Très différentes dans leurs options, leurs publics,
les moyens mis en œuvre, ces trois catégories, outre le fait qu’elles utilisent
le Web comme support de diffusion, n’ont en définitive comme seul point commun
que de laisser une place extrêmement réduite à l’arabe. Sur la cinquantaine de
sites créés grâce à la possibilité de publier sur le Net, il n’y en a qu’une
dizaine à utiliser cette langue, toujours (à une exception près) associée à l’anglais
(et éventuellement au français, parfois même à d’autes langues). En revanche,
la « mortalité » des entreprises qui ne sont venues à la publication
que grâce à Internet est visiblement très importante : seize sites
inactifs au total (dont cinq dont l’adresse ne fonctionne même plus). Du point
de vue de la fréquentation, les résultats sont extrêmement divers. Mais il est
vrai aussi que les investissements, et les recettes, publicitaires ou autres,
sont également peu comparables, sans parler du contenu de l’information
proposée. Il est donc préférable de passer en revue une par une ces différentes
catégories.
3.4.1. Les
sites « occasionnels »
Les principales banques libanaises ayant ouvert très
tôt (souvent par effet de mode ou pour des raisons de prestige) des sites,
leurs clients peuvent y consulter leur compte ainsi que diverses informations
boursières et financières. Ces dernières sont toutefois reprises en tellement
d’autres points du réseau qu’il est légitime de penser que le trafic créé de la
sorte est extrêmement réduit. Il en va de même fort probablement des quelques
compagnies et organismes qui diffusent sur le Net certains documents internes.
En vérité, parmi ceux qui profitent réellement de cette nouvelle possibilité de
diffusion figurent peut-être surtout des mouvements politiques. Le
« Mouvement patriotique » des fidèles de l’ancien président Aoun met
ainsi en circulation sur le réseau des réseaux – dans quelle mesure depuis
le Liban ? – un bulletin d’information [130] dont il est dit qu’il
intéresse un grand nombre d’internautes. En revanche, cet intérêt est
parfaitement avéré, notamment lorsque l’actualité y concourt, pour ce qui
concerne les sites ouverts par le Hezbollah [147] ou la Résistance libanaise
[139]. Ainsi, lors de la « libération » du Sud-Liban en
mai 2000, les visiteurs du site se seraient comptés par centaines de
milliers 52 !
Du point de vue informationnel, le site le plus
intéressant dans cette catégorie reste celui d’un centre de documentation
privé, Idrel (Institut de documentation et de recherche sur le Liban), un des
pionniers de l’information sur Internet à Beyrouth puisqu’il élargissait ses
publications imprimées au support électronique dès janvier 1997, avec la
création d’une lettre d’information distribuée aujourd’hui à près de
10 000 abonnés de par le monde 53. Venant en complément
d’une activité de documentation classique (publications imprimées destinées aux
organismes publics, institutions de recherche, bureaux de consultants, etc.),
cette exploitation, sur un format supplémentaire, des informations réunies par
le centre est donc loin d’être très coûteuse, avec un bénéfice, en termes de
notoriété, évident, sans parler de certaines recettes publicitaires. Très
proche de cette initiative, on note également que les archives du quotidien Al-Safir, The Arab Documentation Center,
possèdent un site qui ne peut manquer d’être activé un jour ou l’autre 54.
En revanche, l’avenir est moins assuré pour un autre centre de documentation,
Mers (Middle-East Research Service), également à la tête d’une publication en
ligne bilingue (arabe-anglais). Après des débuts prometteurs, le site traverse
désormais une période difficile, en raison de l’échec des tentatives visant à
rendre payant l’accès à l’information au début de l’année 1999, mais plus
encore depuis le départ de son fondateur, Sam Menassa, et le rachat de
l’entreprise par le groupe Makhzoumi. Quant au bulletin publié en anglais et en
arabe par la Lebanese Company for Press and Publications (Annachra [71]), il a
disparu rapidement.
3.4.2. Magazines
électroniques et portails
De nombreuses publications, exclusivement sur format
électronique, ont aussi vu le jour, pour disparaître très rapidement. En dépit
des échecs, ces différentes tentatives montrent bien les orientations que
pourraient être amenés à prendre, d’ici peu, les fournisseurs d’information
libanais, même si le marché reste encore trop étroit pour permettre la survie
de tous les projets. Grâce à la modicité des investissements nécessaires au
lancement d’un e-zine, toutes sortes
de domaines peuvent être ouverts, de l’information sportive spécialisée
(Lebsports [121]) à l’information juridique, en passant par différentes
initiatives, souvent éphémères, destinées essentiellement à fournir un lieu de
rencontres et d’échanges pour des individus possédant les mêmes goûts, à
commencer par celui de la navigation sur Internet (voir par exemple les sites
Beirut Bytes [2] ou Eye on People [111]). Parmi toutes ces publications
électroniques, on distingue néanmoins assez facilement une sous-catégorie de
sites plus ambitieux, qui proposent sur le Net différentes lettres
d’information, en général hebdomadaires. L’information réunie y est souvent
plus abondante, les rubriques plus nombreuses et plus complètes, les services
offerts plus développés. Dans la plupart des cas, ces cybermagazines sont
adossées à des compagnies privées (Lebanon.com [9]) associées, d’une manière ou
d’une autre, à la recherche et à la vente d’informations : bureaux de
consultants et de marketing (Lebanon Wire [7], Navigate Lebanon [101]),
sociétés publicitaires (LibanClick [13]), etc.
Cependant, la catégorie la plus importante des acteurs
de la cyberpresse est indéniablement constituée par les portails ; par le
nombre, déjà, puisque l’on note seulement 19 sites de ce type, dont trois ne
sont plus actifs, mais plus encore par l’importance de leur public. De ce fait,
ils sont clairement au centre des enjeux du marché de l’information sur
Internet, et peut-être de l’information tout court. Les fréquentations des internautes
y atteignent des chiffres réellement importants, largement au-dessus de la
plupart des médias imprimés. Les plus célèbres d’entre eux drainent
quotidiennement plusieurs dizaines de milliers de visiteurs. Un résultat qui
s’explique, pour une large part, par le fait que ces sites sont développés par
les fournisseurs de service auxquels s’abonnent les internautes (Terranet,
Cyberia, Data Management, etc.). D’ailleurs, à la différence des acteurs
précédemment évoqués, notamment les quotidiens, la grande majorité des
visiteurs proviennent non plus de l’étranger mais du Liban (environ 75 %
du total des connexions). Pour satisfaire les besoins de cette clientèle, les
fournisseurs de services ont repris une formule développée notamment en
Amérique du Nord, avec une page d’entrée sur laquelle l’internaute trouve de
nombreuses informations, classées par rubriques, en même temps qu’un certain
nombre de services gratuits (forum de discussion, petites annonces, courrier
électronique, guides et répertoires, etc.).
On observe cependant une tendance manifeste pour
donner à ces portails (ainsi nommés parce qu’ils constituent en quelque sorte
la porte d’entrée de l’internaute sur le réseau) un aspect aussi local que
possible, tout en conservant un look international et moderne, indispensable à
leur prestige. Les nouvelles libanaises et régionales sont développées, très
souvent par le biais d’accords avec les fournisseurs d’information présents sur
place, à savoir les médias traditionnels, imprimés ou audiovisuels. Les
principales chaînes de télévision, les stations de radios et naturellement les
grandes publications, en général quotidiennes, sont ainsi associées à ces
portails qui leur assurent une visibilité importante. Sur le portail de Data
Management, la chaîne LBCI voisine avec le Nahar,
l’une et l’autre se retrouvant également sur le portail Yalla!, la filiale de
celui qui fut, historiquement, le premier ISP au Liban. Pareilles alliances
sont importantes pour comprendre l’évolution probable des médias dans cette région
du monde. En effet, derrière ces portails où se combinent différents
intervenants locaux et internationaux (à travers des agences de presse, des
grandes publications internationales), on retrouve, certes, des prestataires de
services informatiques, mais ils sont eux-mêmes étroitement associés, via leurs représentants locaux bien
introduits dans les hautes sphères du pouvoir local, à des groupes
internationaux de télécommunication (British Telecom pour Data Management par
exemple, LibanCell pour Terranet)…
Parallèlement à ces accords,
nombre de portails cherchent à développer leur spécificité en offrant une mise
à jour régulière, et surtout en constituant leurs propres équipes de
journalistes. Cyberia, Terranet ont ainsi recruté, en offrant des salaires
généralement au-dessus de ce que la presse écrite peut proposer, plusieurs
dizaines de jeunes cyberjournalistes chargés de rechercher et de mettre sur le
réseau une information inédite. Dès lors, les investissements rendus
nécessaires pour la mise en place de tels sites, leur entretien, leur
publicité, prennent une importance considérable. La seule partie
informationnelle d’un portail tel que Terranet par exemple représente, en
salaires pour les journalistes et en abonnements aux agences, un budget de plusieurs
centaines de milliers de dollars par an. Même s’il existe quelques rentrées
publicitaires, il est évident qu’elles sont, et qu’elles resteront encore
longtemps, infiniment inférieures aux investissements consentis.
Il faut donc que le marché soit prometteur pour que
ces sociétés soient prêtes à risquer de pareils capitaux, et même que d’autres
partenaires s’efforcent de les rejoindre ! En effet, les fournisseurs de
services se voient disputer âprement le créneau des portails par d’autres acteurs
dont certains réussissent par la qualité de leur offre, de leurs services ou de
leur promotion, à leur disputer une part notable du trafic libanais sur
Internet. À côté du site Naharnet déjà évoqué, et de Yalla!, on trouve des
concurrents sérieux tels que Libanis [14]. Constitué en réseau de sites
spécialisés sur le Liban, soutenu par une compagnie anglaise, Libanis affirme
résolument sa volonté d’être le premier portail d’entrée pour ce pays, ce que
lui reconnaissent d’ailleurs certaines statistiques 55. Sur un
marché qui reste en gestation, il existe encore des possibilités pour quelques
francs-tireurs qui peuvent espérer, par leur savoir-faire, retenir une partie
des flux sur la toile. En général, ces sites proposent certaines informations
mais se spécialisent davantage dans l’archivage des adresses et la constitution
de répertoires, un moyen efficace pour s’assurer une clientèle fidèle de
visiteurs. Tel est le cas de LebHost [11], créé par Edmond Ibrahimian, un
expert du monde informatique, reconnu internationalement. Le site propose un
moteur de recherche sur le Liban, assez clairement destiné à la clientèle de la
diaspora et qui attire quotidiennement plusieurs milliers de visiteurs 56.
Toutefois, on peut imaginer que, tôt ou tard, pareilles initiatives sont
destinées à être reprises par les grands opérateurs de l’information,
spécialisés ou non sur Internet. Entre-temps, les propriétaires de certaines de
ces « jeunes pousses » réaliseront peut-être une plus-value
appréciable…
Yves Gonzalez-Quijano, Yves.Gonzalez@univ-lyon2.fr
Gremmo, Maison de l’Orient méditerranéen,
7 rue Raulin,
F-69007, Lyon, France
1 - Les chiffres
entre crochets renvoient à la liste des sites présentés à la suite de ce texte.
2 - Parmi d’autres
exemples de mises en sommeil étonnantes, compte tenu des investissements
consentis, celle du quotidien Nida
al-Watan [60] qui n’est pas allé au-delà de quelques numéros sur le Net, en
dépit d’un site techniquement développé (utilisation de full-text par exemple, maquette propre à la publication en ligne,
etc.).
3
- Parmi bien d’autres exemples, on peut citer ceux de deux revues économiques, Al-Iktisad wal-aamal [29] et Le Commerce du Levant [146].
4 - C’est le cas
notamment de L’Orient-Le Jour. À
l’automne 2000, on note, dans l’ensemble de ce secteur, un regain d’activité,
peu après les élections législatives libanaises. Il est difficile de savoir
s’il s’agit d’une coïncidence, même si l’information sur Internet, comme le
reste des médias, a profité de cette période électorale (création de sites
politiques, commandes à certaines sociétés telle Cyberia, etc.).
5 - Parmi d’autres
exemples, les radios illustrent bien cette stratégie. Les progrès techniques,
avec l’utilisation de programmes de type Real
Audio Player, ont ainsi poussé nombre de stations à renover totalement leur
site pour exploiter cette possibilité de diffusion qui leur procure des publics
et des recettes publicitaires par le biais de bandeaux ou de produits
interactifs spécifiques au réseau (concours, dédicaces en ligne, etc.). Avec
l’amélioration des transmissions et des techniques de compression, la prochaine
étape concerne nécessairement les télévisions, réduites, pour l’instant, à
diffuser leurs programmes selon des modalités encore peu satisfaisantes.
6 - Voir la presse de
l’époque, notamment L’Orient-Le Jour,
23 avril 1998. Pour les enjeux actuels, voir T. Schellen, « E-conference calls on Arab Nations
to obey WTO Rules », The Daily Star,
3 février 2001.
7 - Ditnet, 13 avril 1999. Pour le
détail de la loi, cf. R. Tabbarah, Information
and Communication Technology…, Information and Communication in Lebanon 2000,
Beyrouth, Middle East Research and Studies, 2000, p. 10.
8
- Z. Ghusn, « Qânûn
himâyat al-malakiyya al-fikriyya mujaddadan » [La loi sur la propriété
industrielle, une fois de plus], Al-Safir,
9 mai 2000.
9 - « Internet
Copyright “A Key Challenge for Mideast Region” says Wap Leader », Middle East News Online, 16 octobre
2000 (consultable sur <www.middleastwire.com>). Il n’est pas sans intérêt
de noter la différence de traitement entre deux secteurs tels que les IT et
l’industrie du livre où l’absence d’enjeux économiques importants, dans ce
dernier cas, entrave depuis toujours l’application de la législation sur le
copyright.
10 - Cf. à ce sujet la série d’entretiens
réalisés en 1999 par la journaliste libanaise Rola Beydoun, dans le supplément
Internet du Nahar, auprès de
personnalités politiques libanaises, de cheikh Fadlallah à Michel Murr, en
passant par Walid Joumblat.
11 - Cf. notamment G. C. Gambill, « Trial of Mugraby, Batal may
presage Renewed Assault on Public Liberties », Middle East Intelligence Bulletin, vol. 2, n° 9,
5 octobre 2000 (disponible en ligne sur
<www.meib.org/articles/0010_13.htm>. Voir également le rapport établi par
l’organisation Reporters sans frontières, « Internet et ses ennemis »
(<www.rsf.fr/internet/ennemis.html>).
12 - En
janvier 2001, la presse libanaise s’est fait l’écho de telles rumeurs,
immédiatement démenties par les autorités ministérielles libanaises. Voir
notamment L’Orient-Le Jour,
25 janvier 2001.
13 - Les deux
prévenus, au terme d’une instruction parallèle pour la distribution de tracts
portant atteinte à la réputation de la brigade des mœurs, ont été condamnés
chacun à trois mois d’emprisonnement commués en des amendes d’un montant de
300 000 livres libanaises (environ 1 400 FRF).
M. Mugraby reste sur le coup d’une inculpation pour avoir publiquement mis
en cause la probité de la justice libanaise… Cf. « Human Rights Activist and Information Technology
Expert tried and convincted by Beirut Military Court on Charges Related to the
Freedom of the Internet », disponible à la rubrique
« Documents » du site Campaign for Good Governance in Lebanon
(<www.cggl.org>).
14 - Cf. supra, M. Taha, « Étude générale de l’Internet au
Liban ».
15 - Sur le journal Al-Hayat, cf. A. Moussalem, La
Presse libanaise expression du Liban politique et confessionnel et forum des
pays arabes, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence,
1975 ; R. Naba, Guerre des ondes, guerre des religions. La
bataille hertzienne dans le ciel méditerranéen, L’Harmatan, 1998 ; E. Ghareeb, « New Media and
the Information Revolution in the Arab World: an Assesment », The Middle East Journal, n° 54,
vol. 3, été 2000, p. 413.
16 - Cf. <www.alwatanalarabi.com/a_hist.html>.
Son directeur, Walid Abu Dhahar, l’ancien rédacteur en chef d’Al-Muharrir, y explique les
circonstances de son exil forcé en 1976, et sa décision d’y créer la première
« publication arabe en Europe », fort d’une certitude, celle de la
présence à Paris d’un aéroport, ce qui signifiait que « la revue était
capable d’arriver hebdomadairement dans n’importe quelle capitale arabe ».
Un calcul, oublie de mentionner ce pionnier de « la presse arabe
émigrée », que la réalité d’Internet a rendu désormais totalement caduc.
17 - Les citations
entre guillemets sont traduites du texte anglais présentant la station, sur le
site <www.metv.org/AboutMETV.htm>.
18 - Cf. les informations publiées sur le
site : <www.asbarez.com> et <www.beiruttimes.com>.
19 - De telles
dénominations, qui correspondent à des sites largement ou exclusivement en
arabe, témoignent naturellement aussi du désir d’arabiser symboliquement
l’outil Internet.
20 - L’internaute
peut choisir de marquer la page ainsi ouverte, au moyen d’un signet électronique,
ce qui a pour effet de gommer plus encore l’origine exogène du site qui ne
s’ouvrira plus, sauf demande explicite de l’utilisateur, que sur la page
« locale ». D’autres techniques sont également possibles, telles que
la personnalisation de certaines rubriques (informations météorologiques par
exemple).
21 - Pour les
statistiques de fréquentation des principaux sites arabes (portails,
répertoires, sites d’information, etc.), voir la rubrique Webindex du site ITP
<www.itp.net/webindex>.
22 - Une tendance que
l’on retrouve partout dans le monde sur ce type de site. Cf. les dossiers publiés à ce sujet
dans Le Monde interactif,
20 septembre 2000 et Libération
multimédia, 26 janvier 2001.
23 - De par son
statut, le secteur des nouvelles technologies est naturellement le premier
servi et nombre d’informations utilisées dans ce travail sont tirées à cette
source, comme en témoignent nos références.
24 - Voir par exemple
les sites Beirut Bytes pour les caricatures [2], Annashra [71], The New Lebanon
[102], Eye on People [111] ou encore Beirut News [144] dans le domaine de
l’actualité, et même un improbable magazine de science-fiction, Starmanzine [128], qui n’aura connu
qu’un numéro !
25 - Respectivement
294 000 et 200 000 visiteurs durant le mois de
décembre 2000, ce qui les place aux troisième et cinquième rangs des
portails régionaux dans le palmarès établi par Arabian Business.com,
« Naharnet » figurant en neuvième place des 10 meilleurs sites, par
pages imprimées (1 200 000 durant le même mois). (Données ITP :
<www.itp.net/webindex/dec2000.htm>.)
26 - Voir références
[8], [17], [74], [86], [89], [92], [114]. La présence d’une double adresse
semble dénoter l’attente d’une forte fréquentation car elle concerne
principalement des stations de télévision ou encore un portail.
27 - Ce site [122],
particulièrement actif, donne une idée de l’ampleur de la documentation
qu’Internet permet d’offrir : 1 620 pages d’information, 1 149
photos de la ville, plus de cinq heures d’enregistrement radio, sept
présentations de diapositives, près d’une demi-heure de vidéo.
28 - Entretien avec
les responsables du site Internet (juin 2000).
29 - Il est
intéressant à cet égard de remarquer que certains membres de la profession, à
l’image de Talal Salman, au quotidien Al-Safir,
ont parfaitement conscience de ce phénomène qu’ils mentionnent explicitement
comme un des points positifs de l’évolution d’Internet au Liban (entretien
personnel, septembre 2000).
30 - « The
Internet in Lebanon », Convergence,
2.4, décembre 1996.
31 - On peut s’en rendre
compte à la lecture de certains répertoires, tel celui du moteur de recherche
(et portail) LebHost [11], un des plus complets dans ce domaine. Il contient en
effet nombre d’adresses qui sont devenues hors service.
32 - I. Khayyat, « Al-hayât
taftahu min jadîd milaff al-fadâ’iyyât » [Al-Hayat rouvre le dossier des
satellitaires], Al-Hayat,
22 janvier 2001.
33 - Le Journal de Montréal et Le Journal du Québec, en
septembre 2000. Voir le dossier « Le modèle gratuit est-il dans
l’impasse ? », réalisé par Le
Monde interactif, 20 septembre 2000.
34 - Al-Nahar est ainsi devenu gratuit en
1998, alors qu’il ne restait plus guère que le Wall Street Journal à proposer ce type d’accès payant. À cette
date, le quotidien libanais détenait en portefeuille environ 1 500 abonnés
réglant un abonnement de 15 à 125 dollars, en fonction de leur demande
pour des rubriques disponibles 48 heures, choisies à la carte (entretien
avec Naji Tuéni, sept. 2000).
35 - Cf. <www.mafhoum.com> (données ITP :
<www.itp.net/webindex/dec2000.htm>).
36 - Cf. la présentation du projet et de
son fondateur sur le site <www.elaph.com>.
37 - Sites mis à
jour : Cyberia, Lebanon Index, Lebhost, Libanis.com, Terranet, Upgo,
Yalla!, et Al-Anwar, Al-Kifah al-‘arabi, Al-Liwaa, Al-Mustaqbal, Al-Nahar, L’Orient-Le Jour, The Daily
Times.
38
- Même si la société avait bénéficié, selon les rumeurs, d’une commande
spéciale de la tendance politique qui devait emporter les élections !
39 - À condition
qu’il soit actif, et qu’il ne soit pas le fac-similé électronique de la version
imprimée. Pour les médias audio-visuels, nous n’avons retenu que les
informations, écrites ou non, distribuées, spécifiquement via le site (c’est-à-dire, indépendamment de la programmation
normale de la station ou de la chaîne). Nous avons intégré à la catégorie
« nouveaux acteurs » ce que nous avons appelé précédemment les
« producteurs d’information occasionnels », à savoir les organismes
divers, passant, grâce à Internet, au statut de producteurs d’information.
40 - D’autant plus
que les rares sites créés en français par de nouveaux acteurs l’ont été, dans
bien des cas, par le canal d’un financement français. On remarque également que
les sites dans cette langue relèvent, en majorité, d’acteurs déjà présents dans
le monde de l’information (presse périodique notamment). Par ailleurs, parmi
les portails ouverts par les fournisseurs de services (ISP), deux seulement
offrent le français (à côté de l’anglais) : Terranet et Sodetel.
41 - La plus récente
(mai 2001) fait apparaître que 54 % de la population libanaise
comprise entre 20 et 29 ans est désormais anglophone (28,9 % du total de
la population pour les hommes, 25,7 % pour les femmes), notamment en
raison de la pratique d’Internet. Cf. V.
Haddad, « Al-Intarnit tad‘amu ‘al-injlîziyya’ wa tuhaddidu âkhar ma‘âqil
‘al-firansiyya fî lubnân » [Internet soutient l’anglais et menace les
derniers bastions du français au Liban], Asharq
al-awsat, 8 mai 2001.
42 - La proportion
des internautes anglophones dans le monde est passée au début de l’année 2001
en dessous de la barre des 50 %, mais ce sont près des deux tiers des
sites qui continuent à utiliser l’anglais. Cf. Le Monde multimédia, 20 février 2001.
43 - « Ajeeb
your translating tool on for the net », IT news, décembre 2000, p. 4.
44 - Cf. « Al-i‘lâm wal-ittisâl fî
mujtama‘inâ » [Media & Communication in Our Society], Bâhithât, vol. VI, 1999.
45 - Les aspects
esthétiques des sites mériteraient largement une étude à eux seuls mais nous
nous contenterons de souligner ici que « l’authenticité » affichée et
réclamée relève largement d’une conception imaginaire de l’héritage. Cf. les réflexions de J.-F. Bayart dans L’identité, Fayard, 1996.
46 - La plupart des
informations ont été recueillies lors d’entretiens.
47 - Al-Anwar, Al-Kifah al-‘arabi, Al-Liwaa,
Al-Mustaqbal, Al-Nahar, Al-Safir, Lissan
al-hal, Daily Star, L’Orient-Le Jour. En plus de cette liste, on peut
ajouter deux quotidiens, Al-Bayraq
[34] et Al-Insha [122].
48 - Par comparaison
avec les quotidiens, le lectorat local est peut-être à peine plus présent. Par
ailleurs, les fréquentations sont parfois si faibles que le site
« mort » d’une revue bien diffusée obtient les mêmes résultats que
des sites vivants mais mal répertoriés, tel que celui de l’hebdomadaire local Al-Kalima [70].
49 - L’argument vaut,
naturellement, plus encore pour les grands quotidiens présents sur le réseau, à
propos desquels nos interlocuteurs nous ont dit, sans plus de précisions,
qu’ils bénéficiaient « d’arrangements intéressants » avec tel ou tel
ISP.
50 - Indice supplémentaire
de ce que nous évoquions précédemment à propos de l’indéniable flou qu’entraîne
l’introduction d’Internet entre les différentes catégories de médias, on peut
trouver, sur les sites de quotidiens, des émissions sonores et bientôt
visuelles (le Nahar, qui a déjà sa
version sonorisée, possède des projets en ce sens ; le Safir a passé un accord avec la BBC).
Par ailleurs, un site municipal, Tripoly-City propose une « radio »
et une « télévision », à savoir des enregistrements sonores et
visuels propres au site, à côté d’extraits, très partiels, de la presse locale…
51 - Lancée le
25 janvier 2001, Zen-TV est une joint-venture
partagée à égalité entre la chaîne libanaise Future TV et Dubaï Internet City.
Destinée au public des 16-35 ans (en 2004, la moitié des quelque
300 millions d’arabes auront moins de vingt ans), Zen-TV – zen signifie « bien, bon » en
arabe parlé – souhaite briser certains tabous sexuels et politiques.
Les prévisions tablent sur un début d’amortissement après quatre années
d’exercice et 20 millions de dollars d’investissement. Cf. D. Dukcevich, Forbes.com, 26 janvier 2001.
52 - Al-Safir, 6 juin 2000.
53 - Soit peut-être 5
à 6 fois plus de lecteurs (entretien personnel avec Joseph Wardé et L’Orient-Le Jour, 23 janvier 1997).
54 - Voir le site
[97]. Sur ce modèle, on pense naturellement, en France, au quotidien Le Monde dont les archives, passé un
certain délai, deviennent payantes, à l’image de la politique adoptée par de
nombreuses publications nord-américianes.
55 - Cf. les statistiques diffusées au
début de l’année 2001 sur le site Arabvertising.com.
56 - Cf. [14] et The Daily Star, 27 mai 1998.