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![]() INFORMATION "Ha'Aretz" Tel-Aviv Erreurs patentes ou soupçons
infondés ? La couverture du conflit israélo-palestinien par les
journalistes français est contesté par des juifs israéliens et français.
Cette susceptibilité s’inscrit dans le cadre de relations
passionnées. L’incident le plus récent et le plus mémorable a eu lieu dans les
colonnes de l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur, qui, le 8 novembre, a
publié une enquête [sur les “crimes d’honneur” en Jordanie] dans laquelle
des soldats israéliens étaient accusés de violer des Palestiniennes,
sachant qu’elles risquaient d’être tuées par leurs proches pour les avoir
déshonorés. Au terme d’une tempête médiatique, cet hebdomadaire respecté
s’est excusé d’avoir publié de fausses accusations [en les expliquant par
“un défaut de guillemets et la suppression de deux phrases dans la
transcription de l’article”]. Pour
certains juifs et Israéliens, cette affaire n’est que la dernière dans une
longue liste qui, selon eux, témoigne de l’attitude subjective, voire
contraire à la déontologie, des médias français envers Israël. Ainsi,
lorsque deux civils israéliens ont été assassinés à Tulkarem, l’AFP a
parlé de deux soldats israéliens en mission abattus par des “membres de la
résistance”. Après s’être plainte, l’ambassade d’Israël à Paris a été
informée par l’AFP que la dépêche avait été transmise par un journaliste
palestinien indépendant et que l’agence n’avait pas eu le temps de
vérifier les faits. “Les autres agences de presse ont pris la peine de
vérifier l’information en temps réel et de publier une dépêche fiable”,
note un diplomate israélien. L’AFP
donne le ton de la plupart des médias français, en les alimentant en
continu. “L’ennui, c’est que l’AFP est un organe gouvernemental [d’après
son statut, l’AFP est un “organisme autonome”] et qu’elle colle
complètement à la ligne du ministère des Affaires étrangères, se plaint le
diplomate. C’est également la plus grande agence de presse au monde à
travailler aussi en langue arabe. Elle envoie évidemment des
correspondants en Israël, mais, vu la situation, ils ne se rendent pas
dans les Territoires et ont alors recours à des correspondants
palestiniens indépendants. Le reporter palestinien de Naplouse envoie des
dépêches qui, par nature, ne peuvent être neutres, alors que son homologue
français en poste à Tel-Aviv ou à Jérusalem envoie, lui, des informations
neutres et équilibrées. Il n’y a pas d’intention délibérée de la part de
l’AFP, mais sa méthode crée un déséquilibre.” L’exemple le plus frappant a été fourni par la visite à Gaza du
ministre des Affaires étrangères belge, Louis Michel, début 2001. La
plupart des médias ont rapporté que Michel avait déclaré que les camps de
réfugiés lui rappelaient les camps de concentration nazis. Devant le tollé
qui s’ensuivit, le ministre belge émit un démenti virulent. La dépêche en
cause était de l’AFP. Son correspondant local avait entendu une cassette
et avait cru que c’était Louis Michel qui avait fait cette violente
déclaration. “Le directeur de l’information de l’AFP a envoyé une lettre
d’excuses au ministre, mais aucun des clients de l’agence n’en a entendu
parler”, rappelle le diplomate israélien. La
focalisation israélienne sur la France est cependant exagérée et parfois
trompeuse. Pour le diplomate israélien chargé de suivre ce dossier de
près, la question se pose en ces termes : “Les médias français sont-ils
contestables d’un point de vue israélien ? Oui. Sont-ils les plus
contestables d’Europe ? Non, loin s’en faut. Les médias espagnols sont
incommensurablement pires, suivis en cela par les médias portugais. Les
Belges ont dérapé en 2001, les Danois sont tout aussi violents et les
Irlandais sont épouvantables...” L’amour-haine, un sentiment né à l’époque de De
gaulle Certaines des critiques émises envers les médias français portent
sur la distinction parfois ténue entre faits et opinions. Les médias
français sont moins informatifs que les anglo-saxons. Beaucoup de
journalistes se considèrent comme des militants des droits de l’homme et
comme des gardiens de l’héritage d’une France perçue comme la “patrie des
droits de l’homme”. Pour eux, il est de leur devoir de défendre “les
opprimés”. De même, l’attitude de la France est marquée par le traumatisme
de la guerre d’Algérie et un certain sentiment de culpabilité. Il en va
ainsi de l’emploi de termes comme “colonies” pour désigner les
implantations juives dans les Territoires ou de “colons” pour parler de
leurs résidents juifs. Les
griefs de nos interlocuteurs israéliens et juifs à Paris portent surtout
sur les méthodes des correspondants français en poste en Israël. Beaucoup
évoquent la manière dont la chaîne officielle [ou perçue comme telle]
France 2 a couvert la mort du jeune Palestinien Mohammed el-Doura. “Le
commentaire donnait l’impression que les soldats israéliens avaient visé
le garçon dans l’intention de le tuer et c’est ce qui a provoqué un
tollé”, estime le diplomate israélien. Le
correspondant de France 2 en Israël, Charles Enderlin, est le plus célèbre
et le plus ancien correspondant français en Israël. Enderlin est un
Israélien de Jérusalem. Contrairement à la plupart des correspondants
étrangers, il parle un hébreu parfait et est totalement intégré dans la
société israélienne. Il accomplit même ses périodes annuelles de
réserviste dans l’armée israélienne. Habitué aux critiques, il rejette
catégoriquement les accusations de “malveillance”. “C’est une accusation
sans fondement. Quand un événement survient du côté palestinien, nous nous
rendons sur place et nous rapportons la réaction israélienne. Lorsqu’il y
a des attentats en Israël, nous les couvrons intégralement et en
profondeur. Je n’ai jamais reçu de plaintes officielles israéliennes quant
à un reportage biaisé ou manifestement falsifié. Mais, depuis que nous
avons diffusé l’histoire du garçon à Gaza, peu importe mes reportages
(interview de Nétanyahou, micro-trottoir ou documentaire scientifique). Il
suffit que, dans un reportage, un Palestinien se plaigne de l’occupation
pour que je sois attaqué.” Interrogé sur la raison du sentiment israélien selon lequel la
France et ses médias seraient hostiles à Israël, Enderlin répond : “C’est
la faute à de Gaulle et à l’embargo [sur les armes, décidé par la France
après la guerre des Six-Jours de 1967]. Les relations entre les deux Etats
sont mêlées d’amour et de haine. Depuis 1981, les relations économiques
franco-israéliennes n’ont jamais été aussi florissantes. Un Israélien peut
se rendre en France sans visa, tandis qu’un Palestinien ou un
ressortissant arabe doit patienter. Si l’attitude particulière de la
France envers les Israéliens rend ces derniers amers, cela tient de la
psychanalyse de groupe.” Le
diplomate israélien reconnaît que “les Israéliens ont une dent contre la
France. Ils n’ont probablement pas oublié la volte-face du général de
Gaulle en 1967. Les secousses de ce big bang dans les relations
franco-israéliennes pèsent encore sur l’image de la France. Et il suffit
que la visite de Chirac en 1996 provoque un incident [entre la délégation
française et la sécurité israélienne dans la Vieille Ville de Jérusalem]
pour que les Israéliens se voient confirmés dans leur conviction que la
France leur est hostile.” Enderlin
et ses confrères français affirment que la critique n’influence en rien
leur travail. “Tout doit être vérifié. J’ai un jour reçu un appel
téléphonique outré du ‘terrible’ reportage que j’avais réalisé sur le
Hezbollah. Or je n’ai jamais mis les pieds au Liban. A tous ceux qui se
plaignent de notre travail je demande des preuves et des faits. Quiconque
me prouve que je me suis trompé aura droit à mes frais à un repas à La
Coupole.” Nitzan Horowitz | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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