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LE MONDE | 14.10.02 | 12h57
MIS A JOUR LE 14.10.02 | 13h00
Le "non" des Eglises à la guerre en Irak

Avant et pendant la guerre du Golfe, les Eglises avaient déjà exprimé leur répugnance pour ce conflit armé, en multipliant les déclarations, les veillées de prière, les jours de jeûne, les messages à George Bush père et à Saddam Hussein. Du premier jour de l'invasion irakienne du Koweït, en août 1990, jusqu'aux attaques de missiles sur Bagdad, en janvier 1991, le pape s'était prononcé à une cinquantaine de reprises contre l'usage de la force militaire.
   
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A la surprise des dirigeants américains et européens, il s'était désolidarisé de la coalition occidentale contre Bagdad.

Les Eglises protestantes des Etats-Unis avaient fait pression sur leur administration pour qu'elle use de tous les moyens disponibles – sanctions économiques, pressions diplomatiques – afin de faire céder l'Irak et d'éviter le recours aux armes.

Onze ans après, presque toutes les Eglises des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, d'Europe et du Proche-Orient, toutes confessions confondues, font à nouveau bloc contre la politique de Washington. Elles multiplient les avertissements quant aux conséquences matérielles et humaines, par avance jugées catastrophiques, d'une intervention militaire en Irak. Si elles n'ont jamais eu le moindre élan de sympathie pour le régime de Saddam Hussein (à l'exception de minorités chrétiennes contrôlées et manipulées au Proche-Orient), elles ont lutté avec constance contre l'embargo qui isole et martyrise des populations civiles.

Aujourd'hui, elles estiment que les critères de la "guerre juste" ne sont pas réunis, que le concept de guerre préventive développé par George W. Bush est un coup porté au droit international et que les pertes qui suivraient une intervention américaine préluderaient à une déflagration, aux conséquences imprévisibles, entre le monde occidental, à large majorité chrétienne, et toute l'aire arabo-musulmane.

Depuis le XIIIe siècle, notamment depuis Thomas d'Aquin, qui l'a formalisé, le concept de "guerre juste" est défendu par toute la tradition chrétienne. Le recours aux armes n'est légitime que s'il est une réponse à une agression, un moyen de rétablir un ordre international violé, et s'il y a "proportionnalité" entre les forces engagées, les dommages prévisibles et les injustices à réparer. La guerre en Afghanistan, suivant les attentats du 11 septembre sur le sol américain, avait soulevé des oppositions, mais, pour le Vatican comme pour la grande majorité des Eglises protestantes, anglicane et orthodoxes à travers le monde, elle répondait largement aux critères de la "guerre juste".

L'actuelle menace de guerre en Irak n'obéit pas du tout aux mêmes critères. La guerre contre l'"axe du mal" est loin d'avoir convaincu des Eglises qui fondent la sécurité internationale d'abord sur le respect des procédures, de la justice économique, des droits des populations, de la dignité humaine. Le Conseil national des Eglises aux Etats-Unis – qui réunit une cinquantaine de dénominations, méthodiste, presbytérienne, luthérienne, baptiste, etc. – a écrit à plusieurs reprises à M. Bush pour dire que "l'usage préventif et unilatéral de la force militaire n'a aucune légitimité morale". Et qu'une intervention militaire en Irak, même sous le couvert de l'ONU, offrirait au monde "un modèle d'agression susceptible d'encourager d'autres nations à attaquer des voisins qui les menacent".

UN ANTÉCÉDENT PÉRILLEUX

Le Conseil œcuménique des Eglises (Genève), la Communion anglicane (Londres), le Vatican déclinent les mêmes arguments. Pasquale Borgomeo, l'une des voix les plus autorisées dans l'entourage du pape, a déclaré le 1er octobre que "la doctrine de l'attaque préventive" est "non seulement une blessure portée au droit international, un coup donné à la crédibilité des Etats-Unis, mais aussi, si elle est mise en application, un antécédent périlleux pour de futurs imitateurs". Autrement dit, renchérissent les dirigeants religieux américains, des relations pacifiques entre les peuples ne peuvent se construire que par des prises de décision "multilatérales", jamais par "les actions unilatérales d'une seule nation".

Si les Eglises campent sur cette position, c'est aussi parce que, un an après le 11 septembre, la crainte d'un affrontement planétaire entre l'Occident et les pays d'islam ne leur est jamais apparue aussi manifeste. Une intervention en Irak provoquerait, selon elles, la "déstabilisation" de toute une région soumise depuis longtemps aux pires convulsions. Il s'ensuivrait, vient de déclarer le Conseil national des Eglises américaines, une aggravation du sentiment antiaméricain et antioccidental dans tout le Proche-Orient et le golfe Arabo-Persique.

Le désarroi des minorités chrétiennes dans les pays d'islam n'a jamais été aussi grand, au Pakistan, où des ONG d'obédience chrétienne sont prises pour cibles par des groupes terroristes, aussi bien que dans les territoires occupés de Palestine. Le cycle des attentats suicides et des représailles n'a fait qu'aggraver la montée des fondamentalismes et des fanatismes religieux dans toute la région. Dans les minorités chrétiennes les plus exposées comme dans les Eglises occidentales, monte la conviction que la guerre n'est pas la réponse la mieux adaptée au terrorisme.

Il ne s'agit pas de transformer les Eglises en une "agence d'éthique internationale qui délivrerait des brevets à tel ou tel gouvernement", disait pendant la guerre en Afghanistan le cardinal Carlo-Maria Martini, alors archevêque de Milan. La mission de l'Eglise est de se placer sur un plan plus élevé, d'"aller aux sources des misères et des injustices internationales, qui constituent toujours les racines de la violence terroriste".

Henri Tincq

ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 15.10.02

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