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IDÉES Qui a peur des «nouveaux réactionnaires» ?
Les nouveaux mollahs
PAR BRUNO JOSÉ LEBEAU *
[07 décembre 2002]
Depuis le temps qu'on la dénonçait, qu'on invoquait la
nécessité de rompre avec elle, cette pensée unique qui avait ligoté la
liberté d'écrire aux tabous du «politiquement correct», voilà donc qu'elle
commence à s'étioler, se fracturer sous les coups de butoirs d'essayistes
et écrivains qui ont pris le parti de s'en libérer. Évidemment cela n'est
pas simple, et les gardiens du temple, véritables mollahs de la pensée
unique, abrités du monde réel dans les salons parisiens de la rive gauche
bien pensante, se livrent, sachant qu'ils vont disparaître, à une bataille
acharnée pour sauver leur empire en déclin. Au fond tout ressemble dans
cette lutte finale désespérée à ce à quoi ces vieux soixante-huitards
tombés en désuétude tentent de s'accrocher dans les ultimes paradigmes de
leurs idéaux passés.
Pauvre Lindenberg, pauvre gauche caviar obligée de piquer dans tous les
râteliers du journal de vingt heures quelques bribes d'images qui
mettraient un peu de neuf au milieu des vieilles photos jaunies de leur
passé flamboyant mais révolu par l'histoire. «C'était mieux avant»,
doivent-ils penser dans un souffle de lassitude, avec ce petit air
convenu que peuvent s'autoriser à prendre ces anciens «combattants» du
néant, qui n'ont à leur actif que quelques pavés lancés quartier
Saint-Michel, mais qui ont réussi à faire de leur agitation de
petits-bourgeois une mythologie aussi éphémère qu'insipide, ce qui est
sans doute leur seule réussite.
Bref, ces pauvres beaux esprits un peu vains qui ont brassé beaucoup
d'air en nous faisant croire qu'ils pensaient pour le peuple pendant
trente ans – une génération ! – n'en sont plus aujourd'hui qu'à dénoncer
chez ceux qui leur succèdent, qui les supplantent, les remplacent par une
pensée plus brillante, plus éclairée et simplement de cette époque qui
n'est plus la leur, ce qu'ils considèrent être une forme d'esprit
réactionnaire qui les choque par la brutalité de son émergence soudaine
dans le paysage intellectuel français. C'est à une véritable révolution à
laquelle, en fait, l'on assiste. Un renversement de pouvoirs qui balayent
le vieux règne empoussiéré et embourgeoisé des «bobos» de la rive gauche.
Comme tous les empires en déclin, ceux-ci se contractent autour de la
radicalisation de ceux qui en deviennent les gardiens de leurs temples
assiégés. Et voilà nos mollahs qui lancent leur djihad contre ceux qu'ils
qualifient de «nouveaux réactionnaires», et dont Lindenberg se
voudrait probablement l'ayatollah en publiant sa fatwa qui se voudrait un
rappel à l'ordre, leur ordre, celui du nouvel obscurantisme qu'ils
incarnent.
Férus de symboles à deux balles, nos mollahs prisonniers de leur quête
d'un passé idéalisé, nostalgiques du temps où ils officiaient sous les
lambris et les dorures du pouvoir de leurs anciens amis socialistes,
s'imaginent retrouver le peuple en s'acoquinant avec les «grandes gueules»
du gauchisme revanchard, de Mamère à Besancenot, en passant par Bové. Et
voilà Arafat promu au rang d'icône «révolutionnaire» au même titre
qu'Ernesto Che Guevara, omettant que ce dernier n'eut jamais le sang d'un
seul enfant sur les mains. Et voilà Saddam plébiscité comme ultime
résistant à l'empire américain dont il n'a jamais été d'aussi bon ton d'en
évoquer la phobie, comme si l'Amérique était la cause de tous les maux, de
tous les malheurs du monde et avait enfanté les monstres qui frappent à
nos portes, dont l'islamisme n'est que la vitrine, omettant que l'Europe
est largement aussi responsable de l'ordre du monde qui génère pauvreté,
misère et désespérance à travers la planète (l'Afrique doit bien plus sa
situation dramatique à l'Europe qu'à l'Amérique qui n'y a été que
faiblement partie prenante).
Ne parlons même pas de la situation du Proche-Orient, sur laquelle
l'Europe oublie bien facilement que c'est d'abord et avant tout son vieux
fond antisémite exponentiellement «déchaîné» par le nazisme qui a conduit
à la restitution de leur terre aux juifs dans de telles conditions que la
guerre avec le monde arabe était inévitable. Nos mollahs n'en finissent
plus de dénoncer, d'invectiver, de coller de vaines et désuètes étiquettes
contre tous ceux qui montrent chaque jour un peu plus l'état de
délabrement de leur idéologie snobino-gauchiste ravagée par la chute du
communisme et l'échec de la social-démocratie, faute d'avoir voulu se
concilier au réel.
La réalité, leur réalité justement, c'est leur échec. Échec pour ne pas
avoir su entendre le peuple caricaturé par Canal+, télévision «bobo» par
excellence, en «Deschiens» fachos et ringards. Échec pour ne plus savoir
comprendre le monde qui leur a échappé un soir de décembre à Berlin en
1989. Échec dû à leur cécité face à la montée de ce nouveau fascisme
qu'est l'islam, qui menace tant la paix dans le monde que nos valeurs
républicaines dans ce pays qui est le nôtre, telle la laïcité et l'égalité
citoyenne ou encore les droits de la femme, taillés en pièce par le
prosélytisme religieux des intégristes musulmans (affaires des tchadors,
droit à la différence qui conduit irrémédiablement au communautarisme,
droits des jeunes femmes bafoués dans les banlieues par la misogynie et
l'obédience religieuse interdisant les cours de gym, par exemple, aux
jeunes filles). Un échec d'autant plus gravissime qu'il a ouvert la porte
aux communautarismes, et à son feedback du 21 avril, en laissant le
«peuple» s'enfoncer dans l'insécurité au nom d'une culture de l'excuse mal
placée et différentialiste, inversement discriminative en stigmatisant
comme du «racisme» le désarroi des Français subissant les violences
ordinaires de la délinquance et la criminalité. Un échec jusque dans leurs
dernières tentatives idéologiques, telle que la mise en place des 35
heures qui n'a profité qu'aux cadres et aux salariés des grandes
entreprises les plus stabilisés, en laissant pour compte les petits
salariés, ouvriers et employés, qui n'en ont subi que plus de flexibilité,
d'annualisation et de gel des salaires... Ces mollahs aujourd'hui
voudraient voir en nous des réactionnaires, pour dénoncer les 35 heures,
qui ne sont un progrès social que dans leurs petits esprits fermés aux
réalités du peuple. Il en est de même sur l'insécurité, sur l'islamisme
rampant dans nos écoles et dans le monde, du terrorisme palestinien, et
j'en passe.
Au fond tout cela n'a que peu d'importance, ces esprits moribonds n'en
sont plus réduits qu'à l'invective, aux procès d'intention et aux fatwas
dénonciatrices, avouant du même coup leur perte d'influence face à notre
émergence qui bouleverse la donne du paysage politique français. Oui, au
fond, ils ne font qu'avouer leur impuissance face aux changements du
monde, auxquels, faute de savoir s'adapter, ils succomberont. Qu'ils nous
considèrent comme d'affreux «sionistes d'extrême droite» pour
défendre la légitimité d'Israël en première ligne de front de la lutte
contre le terrorisme et l'islamisme, relève surtout d'un manque
d'arguments pour justifier d'engagements idéologiques dont ils ne peuvent
plus se dédire, s'obstinant à défendre l'indéfendable. Car, et dans leur
manifeste paru cette semaine dans un grand hebdomadaire, Finkielkraut,
Taguieff et les autres le disent mieux que moi, «si nous sommes ainsi
«rappelés à l'ordre», c'est parce que nous lie un autre complot,
insupportable aux idéologues : contrairement à eux, nous voulons discuter
à partir de la réalité. Et discuter de la réalité».
Et la réalité est que nous sommes, nous, du côté du monde libre, de la
liberté, et l'avons toujours été ; hier contre leur communisme, comme
aujourd'hui contre leur complaisance à l'égard de l'islamisme, et que nous
ne signerons nous, ni appel de Stockholm ni accords de Munich. Et de là,
peu nous chaut les «rappels à l'ordre» de Lindenberg, et les «mises en
garde», tout cela n'est que résiduel d'un passé qui ne veut pas mourir...
* Créateur et webmaster du site : www. revue-politique.com.
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