 utomaten Bar, 2 
                  février à Berlin. Personne pour vous servir, mais des rangées 
                  de distributeurs automatiques d'alcool fonctionnant 
                  exclusivement avec des deutsche marks. Difficile d'imaginer 
                  meilleur cadre que ce paradis des vieilles machines pour une 
                  soirée Micromusic. Aux commandes de leur synthé Casio guitare, 
                  Gameboy, Commodore 64 et autre matériel obsolète, Beleidigte 
                  Leberwurst («saucisse de foie offensée») et Egotronic 
                  chauffent l'ambiance  intello et branchée  avec 
                  leurs bizarreries électroniques, entre musique rétro de jeux 
                  vidéo et sonorités synthétiques punk-pop loufoques.
utomaten Bar, 2 
                  février à Berlin. Personne pour vous servir, mais des rangées 
                  de distributeurs automatiques d'alcool fonctionnant 
                  exclusivement avec des deutsche marks. Difficile d'imaginer 
                  meilleur cadre que ce paradis des vieilles machines pour une 
                  soirée Micromusic. Aux commandes de leur synthé Casio guitare, 
                  Gameboy, Commodore 64 et autre matériel obsolète, Beleidigte 
                  Leberwurst («saucisse de foie offensée») et Egotronic 
                  chauffent l'ambiance  intello et branchée  avec 
                  leurs bizarreries électroniques, entre musique rétro de jeux 
                  vidéo et sonorités synthétiques punk-pop loufoques.
                  Potentiel sonore. «Low-tech music for high-tech 
                  people», c'est le slogan explicite qui rallie, depuis 
                  1998, la communauté Micromusic. «Par low-tech, on entend 
                  une réduction dans le processus de création, une 
                  autolimitation tant dans le matériel que dans les logiciels 
                  utilisés», explique l'un de ses fondateurs, Carl, ancien 
                  guitariste heavy metal. A l'origine, petit site web, 
                  Micromusic compte aujourd'hui plus de 3 000 membres actifs 
                  dans le monde, «enfants des écrans, fanatiques des 
                  joysticks et autres audio-nerds». De plus en plus nombreux 
                  à explorer le potentiel sonore des vieilles consoles de jeu ou 
                  des premiers ordinateurs domestiques (Atari, Amiga, C64) et à 
                  l'incorporer dans des compositions originales. 
                  «L'esthétique jeu vidéo n'a jamais vraiment réussi à percer 
                  dans la musique électronique, déplorent les membres 
                  d'Egotronic. Mais, depuis quelques années, de plus en plus 
                  d'artistes, agacés par la pop musique actuelle ultra datée, 
                  inventent une nouvelle forme de pop exploitant ces sonorités 
                  rafraîchissantes.»
                  A l'heure où le pixel devient un style graphique répandu, 
                  où le «retro-gaming» se développe (Libération du 14 
                  février), le 8-bits s'immisce sur le dancefloor. Le même soir, 
                  le Club Maria am Ufer, temple berlinois de la musique 
                  électronique expérimentale, accueillait les Néerlandais Out of 
                  Data et leur étonnante performance pour quatre Commodore 64, 
                  suivis d'un combo polonais insolite, le Gameboyzz Orchestra 
                  Project. Six jeunes gens de 20 à 28 ans, affalés dans des 
                  fauteuils en plastique gonflable, pianotent avec concentration 
                  sur leur Gameboy dans un live ludique quoiqu'un peu 
                  poussif.
                  «Ce projet est un clin d'oeil ironique à la scène 
                  électronique actuelle, explique le leader Jaroslaw Kudja, 
                  où les musiciens se démènent avec les progrès techniques, 
                  ordinateurs de plus en plus puissants, logiciels de plus en 
                  plus compliqués.» Les Gameboyzz Orchestra décident de 
                  prendre la tangente en épousant la plus populaire des consoles 
                  portables et aussi la plus primitive (1989). «Les limites 
                  techniques permettent une créativité incroyable, estime 
                  Jaroslaw. J'aime ces sons austères, chaleureux et kitch à 
                  la fois qui proviennent des jeux vidéos 8-bits, avec lesquels 
                  j'ai grandi.» Les Gameboyzz Orchestra, tout comme les 
                  musiciens de Micromusic, ne sont pas pour autant des 
                  ultraorthodoxes, ils utilisent aussi les dernières Gameboy 
                  Advance (32-bits) et un PC pour mixer. Leur «orchestre», créé 
                  à l'occasion du Festival de media-art de Wroclaw en 2001, 
                  tient au départ plus de la blague que du concept. Mais la 
                  réaction du public dépasse leurs espoirs, les propositions de 
                  concerts affluent : les plus importants festivals d'arts 
                  électroniques les invitent comme le très sérieux Ars 
                  Electronica à Linz, la Transmediale à Berlin ou encore Exit à 
                  Créteil.
                  «Beaux bourdons». D'autres groupes dans la mouvance 
                  electronica déglinguée, comme les Scratch Pet Land, recourent 
                  à cet instrument pas cher, facile à transporter et 
                  musicalement intéressant : «On utilise Nanoloop (un 
                  logiciel qui permet de transformer la gameboy en 
                  séquenceur-synthétiseur de poche, ndlr) pour les variations 
                  d'harmonique qui sont très belles, on utilise aussi le 
                  programme de musique caché dans la Gameboy Camera qui fait de 
                  beaux bourdons.»
                  La console Nintendo est aussi l'instrument fétiche des 
                  Teamtendo, auteurs de lives explosifs où ils déboulent 
                  sur scène déguisés en marmotte et couguar. Difficile d'opposer 
                  à ces furieux du 8-bits les capacités réduites de 
                  l'instrument. «Les Ramones possédaient peu de sons, 
                  pourtant, ils construisaient des perles pop éternelles. Alors 
                  oui, le son est rugueux, mais (...) il est simple de se 
                  laisser emporter par ces sonorités rêches et très énergiques. 
                  Le punk est présent dans les Gameboys. C'est électrique avant 
                  d'être électronique. C'est par passion et par minimalisme sain 
                  que nous utilisons le son 8-bits comme des milliers de nerds 
                  programmeurs.»
                  Pastiches de tubes. Car si la Gameboy tient le 
                  devant de la scène médiatique, ils sont des milliers 
                  d'anonymes à composer dans l'ombre des musiques pour ces 
                  plates-formes poussiéreuses : Amstrad cpc, Atari ST/XL, 
                  Commodore 64, Amiga... Biberonnés au jeu vidéo, bercés par les 
                  «tubes» de Rob Hubbard (sur C64) ou Koji Kondo (sur Nintendo), 
                  deux célèbres compositeurs qui ont révolutionné les musiques 
                  de jeux, ils forment la scène «démo chiptune» (musiques 
                  composées à l'aide d'ordinateurs disposant d'une puce 
                   chip  rudimentaire synthétisant les sons, ndlr), 
                  communauté underground rassemblant des passionnés 
                  d'informatique. «C'est l'unique communauté où les chiptunes 
                  ont continué à être produites, bien avant le revival electro 
                  actuel», explique Brioche, qui mixe régulièrement ses 
                  morceaux avec Trez lors de soirées électroniques. Les 
                  possibilités réduites de ces puces constituent un vrai défi 
                  pour les codeurs. «A l'époque bénie du Commodore 64, il 
                  n'existait pas de logiciel de création musicale. Les puces, 
                  même si elles étaient destinées à produire du son, recevaient 
                  des informations tenant plus des formules de math que de la 
                  partition musicale», explique Trez. Qu'il s'agisse de 
                  créations, composées exclusivement pour tel support, ou de 
                  «covers» où les auteurs s'amusent à pasticher des tubes du top 
                  50 (des Pet Shop Boys aux Spice girls, de Madonna à Prodigy), 
                  ou un titre pompeux de Jean-Michel Jarre avec des sons 
                  chip/cheap, le Web est leur principal canal de diffusion avec 
                  le site chiptune ou encore Radio Nectarine. Certains 
                  compositeurs comme Rez, El Mobo ou Tero jouissent d'une belle 
                  réputation parmi leurs pairs, mais leurs hits retentissent 
                  rarement au-delà de la scène démo. «C'est une certaine 
                  forme d'art naïf, explique Brioche. La majorité de ces 
                  morceaux composés dans les années 80-90 l'ont été sans aucune 
                  prétention sinon de s'amuser et d'impressionner les autres 
                  passionnés. Des mélodies simples, pétillantes, joyeuses qui 
                  s'incrustent rapidement dans le cerveau.» 
                  «Clinquants et positifs». Ce retour des sonorités 8-bits 
                  dans la musique électronique n'est pas seulement une vague 
                  nostalgique due à l'arrivée à maturité de la première 
                  génération de gamers. D'après Rez, créateur du site chiptune , 
                  «il y a beaucoup de très jeunes gens qui font du chiptune 
                  qui n'ont jamais connu la génération des ordinateurs 8 et 16 
                  bits». Pour Alexei Shulgin, pionnier russe du Net-art, 
                  reconverti en rock star atypique avec son cyberpunkband, 
                  «ces musiques de puce simplistes faites pour les consoles 
                  de jeu n'étaient pas prises au sérieux par les "vrais" 
                  musiciens. Il y a quelques années, l'objectif à atteindre 
                  était que le son par ordinateur devienne tellement parfait 
                  qu'on ne puisse plus le distinguer d'un son réel. Mais, 
                  finalement, ce son digital s'est avéré ennuyeux et plat. Au 
                  contraire, les vieux sons de puce (notamment le 8-bits) ont 
                  des qualités très distinctives, ils ne prétendent pas être 
                  réalistes ou sophistiqués, ils sont clinquants et 
                  positifs». Alexei a repêché de l'oubli un ordinateur 
                  obsolète, le 386 DX, à qui il fera chanter ce soir à Exit, les 
                  plus grands tubes planétaires: «Moi j'utilise un vieux 
                  16-bits, un poil plus élaboré que le 8-bits, mais qui reste 
                  très émouvant dans sa folle ambition folle de copier les sons 
                  des vrais instruments.».