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Digitales Tendance/Des musiciens font groover leurs vieilles consoles.
Les puces à l'oreille
Par Marie LECHNER

vendredi 07 mars 2003


 
 
 

«Le son est rugueux, mais il est simple de se laisser emporter par ces sonorités rêches et très énergiques. Le punk est présent dans les Gameboys.» Scratch Pet Land
  Berlin envoyée spéciale

utomaten Bar, 2 février à Berlin. Personne pour vous servir, mais des rangées de distributeurs automatiques d'alcool fonctionnant exclusivement avec des deutsche marks. Difficile d'imaginer meilleur cadre que ce paradis des vieilles machines pour une soirée Micromusic. Aux commandes de leur synthé Casio guitare, Gameboy, Commodore 64 et autre matériel obsolète, Beleidigte Leberwurst («saucisse de foie offensée») et Egotronic chauffent l'ambiance ­ intello et branchée ­ avec leurs bizarreries électroniques, entre musique rétro de jeux vidéo et sonorités synthétiques punk-pop loufoques.

Potentiel sonore. «Low-tech music for high-tech people», c'est le slogan explicite qui rallie, depuis 1998, la communauté Micromusic. «Par low-tech, on entend une réduction dans le processus de création, une autolimitation tant dans le matériel que dans les logiciels utilisés», explique l'un de ses fondateurs, Carl, ancien guitariste heavy metal. A l'origine, petit site web, Micromusic compte aujourd'hui plus de 3 000 membres actifs dans le monde, «enfants des écrans, fanatiques des joysticks et autres audio-nerds». De plus en plus nombreux à explorer le potentiel sonore des vieilles consoles de jeu ou des premiers ordinateurs domestiques (Atari, Amiga, C64) et à l'incorporer dans des compositions originales. «L'esthétique jeu vidéo n'a jamais vraiment réussi à percer dans la musique électronique, déplorent les membres d'Egotronic. Mais, depuis quelques années, de plus en plus d'artistes, agacés par la pop musique actuelle ultra datée, inventent une nouvelle forme de pop exploitant ces sonorités rafraîchissantes.»

A l'heure où le pixel devient un style graphique répandu, où le «retro-gaming» se développe (Libération du 14 février), le 8-bits s'immisce sur le dancefloor. Le même soir, le Club Maria am Ufer, temple berlinois de la musique électronique expérimentale, accueillait les Néerlandais Out of Data et leur étonnante performance pour quatre Commodore 64, suivis d'un combo polonais insolite, le Gameboyzz Orchestra Project. Six jeunes gens de 20 à 28 ans, affalés dans des fauteuils en plastique gonflable, pianotent avec concentration sur leur Gameboy dans un live ludique quoiqu'un peu poussif.

«Ce projet est un clin d'oeil ironique à la scène électronique actuelle, explique le leader Jaroslaw Kudja, où les musiciens se démènent avec les progrès techniques, ordinateurs de plus en plus puissants, logiciels de plus en plus compliqués.» Les Gameboyzz Orchestra décident de prendre la tangente en épousant la plus populaire des consoles portables et aussi la plus primitive (1989). «Les limites techniques permettent une créativité incroyable, estime Jaroslaw. J'aime ces sons austères, chaleureux et kitch à la fois qui proviennent des jeux vidéos 8-bits, avec lesquels j'ai grandi.» Les Gameboyzz Orchestra, tout comme les musiciens de Micromusic, ne sont pas pour autant des ultraorthodoxes, ils utilisent aussi les dernières Gameboy Advance (32-bits) et un PC pour mixer. Leur «orchestre», créé à l'occasion du Festival de media-art de Wroclaw en 2001, tient au départ plus de la blague que du concept. Mais la réaction du public dépasse leurs espoirs, les propositions de concerts affluent : les plus importants festivals d'arts électroniques les invitent comme le très sérieux Ars Electronica à Linz, la Transmediale à Berlin ou encore Exit à Créteil.

«Beaux bourdons». D'autres groupes dans la mouvance electronica déglinguée, comme les Scratch Pet Land, recourent à cet instrument pas cher, facile à transporter et musicalement intéressant : «On utilise Nanoloop (un logiciel qui permet de transformer la gameboy en séquenceur-synthétiseur de poche, ndlr) pour les variations d'harmonique qui sont très belles, on utilise aussi le programme de musique caché dans la Gameboy Camera qui fait de beaux bourdons.»

La console Nintendo est aussi l'instrument fétiche des Teamtendo, auteurs de lives explosifs où ils déboulent sur scène déguisés en marmotte et couguar. Difficile d'opposer à ces furieux du 8-bits les capacités réduites de l'instrument. «Les Ramones possédaient peu de sons, pourtant, ils construisaient des perles pop éternelles. Alors oui, le son est rugueux, mais (...) il est simple de se laisser emporter par ces sonorités rêches et très énergiques. Le punk est présent dans les Gameboys. C'est électrique avant d'être électronique. C'est par passion et par minimalisme sain que nous utilisons le son 8-bits comme des milliers de nerds programmeurs.»

Pastiches de tubes. Car si la Gameboy tient le devant de la scène médiatique, ils sont des milliers d'anonymes à composer dans l'ombre des musiques pour ces plates-formes poussiéreuses : Amstrad cpc, Atari ST/XL, Commodore 64, Amiga... Biberonnés au jeu vidéo, bercés par les «tubes» de Rob Hubbard (sur C64) ou Koji Kondo (sur Nintendo), deux célèbres compositeurs qui ont révolutionné les musiques de jeux, ils forment la scène «démo chiptune» (musiques composées à l'aide d'ordinateurs disposant d'une puce ­ chip ­ rudimentaire synthétisant les sons, ndlr), communauté underground rassemblant des passionnés d'informatique. «C'est l'unique communauté où les chiptunes ont continué à être produites, bien avant le revival electro actuel», explique Brioche, qui mixe régulièrement ses morceaux avec Trez lors de soirées électroniques. Les possibilités réduites de ces puces constituent un vrai défi pour les codeurs. «A l'époque bénie du Commodore 64, il n'existait pas de logiciel de création musicale. Les puces, même si elles étaient destinées à produire du son, recevaient des informations tenant plus des formules de math que de la partition musicale», explique Trez. Qu'il s'agisse de créations, composées exclusivement pour tel support, ou de «covers» où les auteurs s'amusent à pasticher des tubes du top 50 (des Pet Shop Boys aux Spice girls, de Madonna à Prodigy), ou un titre pompeux de Jean-Michel Jarre avec des sons chip/cheap, le Web est leur principal canal de diffusion avec le site chiptune ou encore Radio Nectarine. Certains compositeurs comme Rez, El Mobo ou Tero jouissent d'une belle réputation parmi leurs pairs, mais leurs hits retentissent rarement au-delà de la scène démo. «C'est une certaine forme d'art naïf, explique Brioche. La majorité de ces morceaux composés dans les années 80-90 l'ont été sans aucune prétention sinon de s'amuser et d'impressionner les autres passionnés. Des mélodies simples, pétillantes, joyeuses qui s'incrustent rapidement dans le cerveau.»

«Clinquants et positifs». Ce retour des sonorités 8-bits dans la musique électronique n'est pas seulement une vague nostalgique due à l'arrivée à maturité de la première génération de gamers. D'après Rez, créateur du site chiptune , «il y a beaucoup de très jeunes gens qui font du chiptune qui n'ont jamais connu la génération des ordinateurs 8 et 16 bits». Pour Alexei Shulgin, pionnier russe du Net-art, reconverti en rock star atypique avec son cyberpunkband, «ces musiques de puce simplistes faites pour les consoles de jeu n'étaient pas prises au sérieux par les "vrais" musiciens. Il y a quelques années, l'objectif à atteindre était que le son par ordinateur devienne tellement parfait qu'on ne puisse plus le distinguer d'un son réel. Mais, finalement, ce son digital s'est avéré ennuyeux et plat. Au contraire, les vieux sons de puce (notamment le 8-bits) ont des qualités très distinctives, ils ne prétendent pas être réalistes ou sophistiqués, ils sont clinquants et positifs». Alexei a repêché de l'oubli un ordinateur obsolète, le 386 DX, à qui il fera chanter ce soir à Exit, les plus grands tubes planétaires: «Moi j'utilise un vieux 16-bits, un poil plus élaboré que le 8-bits, mais qui reste très émouvant dans sa folle ambition folle de copier les sons des vrais instruments.».

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