A
l'Hôtel Intercontinental, dans l'attente de la cérémonie
Cynthia Gani
De Patrick Bruel à Avraham Burg,
en passant par Hubert Védrine et Bernard-Henri Lévy, les célébrités
se bousculaient, lundi en milieu de journée, dans le grand hôtel
genevois.
Chronique du premier acte d'une journée
historique, à l'hôtel Intercontinental, où acteurs de l'événement et
invités de toutes natures ont tenu salon en matinée. 11 h 00.
L'attente est à son comble dans le hall prestigieux de
l'Intercontinental. Les envoyés de la presse internationale guettent
l'arrivée des 400 délégués palestiniens et israéliens qui
assisteront quelques heures plus tard à la signature de l'«accord de
Genève». Travaillés par la crainte de perdre une miette du
spectacle, cameramans et photographes pointent leurs objectifs
jusque dans les plus sombres recoins de l'hôtel. La clientèle
ordinaire joue son rôle en vaquant, l'air de rien, à ses petites
affaires. Des représentants palestiniens font les cent pas ou ils
prennent langue avec la presse, prêts à accueillir leurs 200
délégués embarqués à Amman et au Caire. Seul dispositif de sécurité
visible, un fourgon de police et un vigile muni d'une mitraillette.
12 h 15. Les Français venus soutenir l'initiative de paix
ouvrent le spectacle: en tête, le chanteur Patrick Bruel et
l'écrivain Marek Halter. Le philosophe Alain Finkielkraut apparaît
quelques minutes plus tard, bientôt suivi de Bernard-Henri Lévy, qui
a fait le voyage en jet privé. Depuis son arrivée à l'aéroport
quelques instants plus tôt, Patrick Bruel ne cesse de répéter le
même refrain, au mot près. Il en est à sa troisième représentation:
«L'Initiative de Genève est courageuse, et forcément douloureuse par
les concessions bilatérales qu'elle impose. Elle restimule le débat,
elle est porteuse d'espoir.» Son compagnon de voyage est plus à
l'aise. Marek Halter a l'avantage de pouvoir parler de lui-même, et
souligne son propre rôle dans le processus de paix: «A Oslo, j'étais
aux côtés de Yossi Beilin pour persuader Itzhak Rabin, qui était
réticent à la perspective de se rapprocher des Palestiniens. Il
était impensable que je ne sois pas là aujourd'hui...» 12 h 25.
Jack Lang apparaît brusquement. Captant tous les feux, l'ancien
ministre français de l'Education se lance dans une longue
déclaration solennelle: «Depuis deux mois, j'observe les travaux
menés par ces deux groupes avec passion. Ils ont abouti à un accord
précis et concret qui fera date. Nous vivons un événement
annonciateur, qui montre le chemin. Espérons que les responsables
des deux camps en seront éclairés.» Derrière Jack Lang,
Bernard-Henri Lévy échange quelques mots avec Hubert Védrine,
l'ancien ministre français des Affaires étrangères, avant de
répondre à son tour aux questions. La presse ne sait plus où donner
de la tête. Au moindre attroupement, les journalistes accourent en
espérant débusquer une célébrité. «Mais qui est-ce?» interroge un
cameraman affolé qui filme un homme très entouré, au cas où...
12 h 30. Changement de troupe. Une centaine de délégués
israéliens se mêlent petit à petit à la foule, volant la vedette aux
personnalités françaises. Sous le crépitement incessant des flashs,
Avraham Burg, ancien président de la Knesset, se jette théâtralement
dans les bras de Jibril Rajoub, conseiller à la sécurité de Yasser
Arafat. Quelques minutes plus tard, 180 délégués palestiniens
font leur entrée en scène. Au centre de l'attention, Yasser Abed
Rabbo, l'un des principaux architectes de l'«accord de Genève»,
interpelle Hubert Védrine pour le remercier de son soutien: «Il y a
un véritable changement vers l'espoir et le compromis historique.
Nous allons faire de cette chance la dernière chance», lance-t-il
dans un sourire rayonnant. Entretemps, son homologue israélien,
Yossi Beilin, a rejoint sa suite dès son arrivée. Un peu plus tard,
il réapparaît pour rejoindre une salle où se déroule une rencontre
qui lui permet d'expliquer son projet aux derniers indécis. 12 h
40. Loin des projecteurs, l'Israélien Yitzhak Frankenthal et son ami
palestinien Adel Misk restent de marbre. Membres d'une association
de parents ayant perdu des proches à cause du conflit, ils sont
venus soutenir l'initiative à leur manière. «C'est la paix des
pauvres», assène Yitzhak Frankenthal. Il critique l'absence de
soutien gouvernemental des deux camps. Une femme se joint à la
conversation: «Je suis Lady Levy, la mère de Daniel Levy, l'un des
architectes de l'initiative. Je suis tellement fière de mon fils. La
situation est si tendue en Israël!» L'ancien ministre français
Bernard Kouchner déambule dans un secteur du hall nettement plus en
vue. 12 h 45. Entracte. La tension retombe, les invités vont se
restaurer. 14 h 45. Les bus attendent les personnalités pour les
transporter à l'Espace Sécheron où se déroulera la cérémonie
officielle. Pressée, l'ancienne ministre israélienne de l'Education
et de la communication Shulamit Aloni lâche: «Cette initiative
n'aboutira pas en un jour, ni en une semaine, mais elle marque un
début.» | |