Un nombre d’erreurs touchant au
mariage en islam sont à relever dans l’article publié samedi 17 avril 2004
et intitulé: Le mariage de plaisir: s’unir sans engagements en respectant
la charia. C’est dans le souci de se conformer aux exigences de la vérité
que je vous adresse cette réponse. Le mariage temporaire désigné dans
l’article sous l’appellation de « mariage de plaisir » est strictement
prohibé par l’immense majorité des musulmans. La seule doctrine autorisant
cette sorte de mariage est le chiisme duodécimain ou imâmite jaafarite.
Toutes les autres familles qui forment l’islam, y compris les chiites
zaydites, interdisent cette sorte de relation entre homme et femme. Il
n’est donc pas conforme à la vérité de dire que ce genre de mariage est
pratiqué dans certains pays à majorité sunnite sous l’appellation de «
zawaj ourfi ». Or le « zawaj ourfi » ou coutumier est un mariage définitif
et non temporaire conclu entre deux personnes, en présence de deux
témoins. La seule différence entre ce mariage et le mariage officiel est
que le «mariage ourfi» n’est pas enregistré au registre du tribunal du
Qadi. Si les autorités religieuses sont opposées à ce mariage, c’est
parce qu’il ne garantit pas les droits de deux époux en cas de conflit.
Pour légaliser ce mariage, il existe une seule voix de recours possible:
son inscription au tribunal chérié, suite à une demande connue sous le nom
de reconnaissance de mariage «isbat zawaj». En outre, les enfants issus de
ce mariage ne sont reconnus que si les deux époux déposent une demande
auprès d’un juge, appelée reconnaissance de mariage et de filiation
(«isbat zawaj wa nassab»). Une autre raison poussant les autorités à
condamner ce mariage est son caractère discret et caché. Or tout mariage
doit être publié et annoncé. D’où les cérémonies de mariage servant aussi
à diffuser sa publication auprès d’un grand nombre de personnes. L’article
33 du Code de la famille du 25 octobre 1917 (régissant la communauté
sunnite) stipule: «La conclusion du mariage sera précédée d’une
publication.» L’article 37 du même code annonce que «le juge du domicile
de l’un des époux ou son délégué, «maazoun», assite au mariage, rédige et
enregistre l’acte». Le fait d’introduire dans l’acte des phrases
exprimant le caractère temporaire du mariage, ou de prononcer lors de sa
conclusion des expressions fixant un délai ou une durée déterminée,
entraînera l’annulation du mariage. Il en va de même lorsqu’on mentionne
que le mariage prend terme après un nombre d’années dépassant l’espérance
de vie d’une personne, comme à titre d’exemple le fait de fixer la durée
du mariage à plus d’une centaine d’années. L’imam al-Awzaï va plus loin
dans cette hypothèse et considère que le fait même d’avoir une intention
cachée de mettre un terme au mariage aboutit à la nullité de l’acte. Il
n’est pas exact non plus que ce mariage a été interdit par le deuxième
calife, Omar. En fait, il est acquis que c’est le Prophète lui-même qui a
interdit cette sorte de mariage. Dans un «hadith» authentique rapporté par
al-Boukhari, il était dit que «l’imam Ali a dit à Ibn Abbas que le
Prophète Mohamad a défendu le mariage temporaire et la chair des ânes
domestiques à l’époque de Khaybar». Des sources sunnites confirment que
le mariage temporaire était pratiqué chez les Arabes lorsqu’ils quittaient
leurs foyers pour de longues périodes pour le besoin du commerce, ou
pendant leurs expéditions militaires. Le Prophète Mohamad a autorisé ce
mariage au début et pour une courte durée puis il a annoncé son
interdiction définitive dans ces termes: «Dieu l’a rendu illicite et
jusqu’au jour dernier.» Nous relevons une autre confusion dans cet
article au sujet de divorce. Il est erroné de dire que dans l’islam, un
homme qui divorce de sa femme ne peut pas la réépouser sauf si elle se
marie avec un autre homme. C’est comme si l’on disait que tous les
criminels seront condamnés à la peine capitale, ou encore que toutes les
infractions à la code de la route entraînent systématiquement le retrait
du permis de conduire. Or il y a des cas où l’État prescrit le retrait du
permis pour combattre les cas de récidive. Pareillement, l’islam
n’autorise le mari, qui récidive et divorce pour la troisième fois, à
reprendre sa femme que si celle-ci se remarie avec un autre homme et se
divorce de lui, sans que ce divorce soit arrangé. En réglementant le
divorce, qui d’ailleurs est considéré comme la démarche la plus détestable
pour Dieu, l’islam autorise le mari à se remarier avec sa femme après un
premier divorce (on appelle ce divorce «raj’y»). Ce remariage n’a besoin
d’aucune formalité s’il est accompli pendant les trois mois suivant le
divorce. Il suffit d’un geste de tendresse pour que ce remariage se
concrétise. Dépassant ce délai, le mari qui désire se remarier avec sa
femme doit se présenter devant elle et attendre son acceptation. Si la
femme accepte cette demande de remariage, un nouveau contrat est alors
exigé. Cette démarche s’applique aussi au cas où le mari récidive (on
appelle ce divorce «baen»). Un troisième contrat de remariage est alors
conclu entre l’homme et la femme. Si le mari récidive pour la troisième
fois, la législation applique à son encontre une peine très sévère et
lourde de conséquences. La femme pourrait alors se marier avec toute autre
personne, excepté son premier mari. En cas de divorce avec ce deuxième
époux, la femme pourrait, si elle désire, retourner à son premier mari et
l’épouser, mais avec un nouveau contrat de mariage. Revenons à notre
exemple sur le permis de conduire. La France a adopté le permis à points.
À chaque infraction, un nombre déterminé de points est retiré. Il arrive
qu’en cas d’épuisement des points ou en cas d’infraction grave ou
récidive, le permis est suspendu pendant un certain temps (quelquefois
allant jusqu’à trois ans). Le divorce en islam est une sorte de divorce à
3 points. À chaque infraction, on retire un point. Une fois atteint les 3
points, on estime que le mari est incapable de poursuivre une vie
familiale stable. Dès lors, on l’empêche de contracter un quatrième
mariage avec sa femme. Pour lever cet empêchement, il doit passer par un
choc psychologique consistant à voir son ancienne femme se marier avec une
autre personne. Dans l’hypothèse où ce dernier mariage n’a pas réussi et a
été suivi par un divorce, le premier mari pourrait alors contracter un
nouveau remariage.
Mohammed NOKKARI Directeur
général de Dar el-Fatwa Chef du cabinet du mufti de la
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