Arrestations arbitraires, humiliations,
tortures... Le Comité international de la Croix-Rouge détaille les
"graves violations du droit international humanitaire" qu'il a
constatées dans les centres d'internement en Irak.
Nous publions les principaux extraits du document intitulé
"Rapport du comité international de la Croix-Rouge (CICR) sur le
traitement, par les forces de la coalition, des prisonniers de
guerre et des autres personnes protégées par les conventions de
Genève pendant leur arrestation, leur internement et leur
interrogatoire en Irak".
Il s'agit de la synthèse d'une série
de documents de travail qui ont été remis en février aux forces de
la coalition en Irak.
INTRODUCTION
(...) Les informations contenues dans ce rapport sont
fondées sur des allégations recueillies par le CICR lors
d'entretiens particuliers avec des personnes privées de liberté,
lors de visites des lieux d'internement des forces de la coalition
entre mars et novembre 2003. (...) Le rapport est également
fondé sur des déclarations fournies soit par d'autres personnes
également privées de liberté au sein des mêmes centres
d'internement, soit par des membres de leur famille. Durant cette
période, le CICR a mené quelque 29 visites dans 14 centres
d'internement situés au centre et dans le sud du pays. Les
témoignages furent recueillis au camp Cropper (zone centrale de
rétention des services de renseignement militaire, section des
détenus "sensibles") ; dans les prisons d'Al-Salihlyye, Tasferat,
Al-Russafa ; au centre correctionnel d'Abou Ghraib (y compris le
camp Vigilant et la section "renseignement militaire") ; à Umm Qast
et camp Bucca ainsi que dans un certain nombre de lieux
d'internement temporaire, tels que le centre de transfert de Tallil,
les camps Condor et Amarah, et l'hôpital de campagne à Shaibah.
(...)
Dans la plupart des cas, les allégations de mauvais traitements
se rapportaient à des actes perpétrés avant l'envoi des personnes
privées de liberté dans des centres d'internement réguliers, alors
qu'elles étaient encore détenues par les autorités d'arrestation, ou
les services de renseignement civils ou militaires. De manière
générale, lorsque les personnes privées de liberté ont été
transférées vers des centres d'internement réguliers, comme ceux qui
sont sous administration de la police militaire, là où le
comportement des gardiens était sous contrôle étroit, les mauvais
traitements du type de ceux décrits dans ce rapport se sont arrêtés.
Dans ces centres, la violation des dispositions du droit
international humanitaire relatif au traitement des personnes
privées de liberté résultait du niveau généralement très bas des
conditions d'internement (internement à long terme dans des centres
temporaires inappropriés) ou d'un emploi apparemment excessif de la
force pour mater l'agitation ou pour prévenir des tentatives
d'évasion.
1. TRAITEMENT AU MOMENT DE L'ARRESTATION
Les personnes interviewées décrivent un schéma relativement
constant s'agissant des horaires et lieux de la brutalité des
membres des forces de la coalition qui les arrêtaient.
Les arrestations décrites dans ces déclarations semblaient suivre
un schéma. De manière générale, les autorités d'arrestation
pénétraient dans les maisons la nuit, en défonçant les portes,
réveillant les habitants sans ménagement, criant des ordres, forçant
les membres de la famille à se regrouper dans une seule pièce sous
garde militaire pendant que l'on fouillait la maison en cassant
portes, meubles et autres biens. Des suspects furent arrêtés et
embarqués, cagoulés et les mains menottées dans leur dos. Parfois,
tous les hommes présents dans la maison furent arrêtés, y compris
les vieux, les handicapés et les malades. Souvent, ce traitement
incluait des bousculades, insultes, mise en joue avec armes, coups
de poing et de pied ainsi que des coups de crosse. Les personnes
furent souvent emmenées vêtues des vêtements qu'elles portaient au
moment de l'arrestation - y compris pyjamas ou sous-vêtements -
s'étant même vu refuser le droit de rassembler quelques effets
personnels tels que vêtements, produits hygiéniques, médicaments ou
lunettes. Les affaires de ceux qui se sont rendus avec une valise
ont souvent été confisquées. A de nombreuses reprises, les affaires
personnelles ont été saisies sans l'établissement d'un reçu.
Certains officiers du renseignement militaire des forces de la
coalition ont confié au CICR qu'à leur avis entre 70 % et 90 % des
personnes privées de liberté en Irak ont été arrêtées par erreur.
Ils ont également attribué la brutalité de certaines arrestations à
l'absence de contrôle suffisant sur les unités de combat.
(...)
Notification aux familles et informations aux personnes arrêtées.
Dans la quasi-totalité des cas étudiés par le CICR, les autorités
d'arrestation n'ont fourni aucune information sur l'identité, la
localisation de leur base, ou les motifs d'arrestation des personnes
privées de liberté. De même, elles n'ont que rarement informé le
détenu ou sa famille du lieu ou de la période de détention prévus,
ce qui se traduit par la "disparition" de facto du détenu
pendant des semaines, voire des mois, avant que le contact ne soit
rétabli.
Lorsque l'arrestation a eu lieu dans la rue, le long des routes,
ou à des barrages routiers, les familles n'ont été tenues informées
du sort des détenus que lorsqu'elles ont réussi à les trouver
elles-mêmes, ou à recevoir des nouvelles de la part d'autres détenus
ayant été relâchés, de visites de membres de la famille ou d'autres
personnes privées de liberté, ou par des messages de la Croix-
Rouge. En l'absence de système permettant la notification aux
familles du lieu de détention de leurs proches, nombre d'entre elles
ont passé plusieurs mois sans nouvelles, craignant souvent que leurs
proches soient perdus ou morts.
Neuf mois après le début du conflit actuel, aucun système
satisfaisant de notification aux familles des personnes capturées ou
arrêtées n'a été instauré, en dépit de centaines d'arrestations
toutes les semaines, y compris à l'époque actuelle. (...)
2. TRAITEMENT DURANT LES TRANSFERTS ET L'INTERNEMENT
INITIAL
(...) Une allégation faisait état de l'arrestation par les
forces de la coalition de neuf hommes, le 13 septembre 2003, dans un
hôtel de Bassora. Ils ont été obligés de s'agenouiller, le visage et
les mains par terre, en position de prière. Les soldats ont piétiné
la nuque de ceux qui levaient la tête. Ils ont confisqué tout leur
argent sans leur donner un reçu. Les suspects ont été emmenés à
Al-Hakimiya, l'ancien bureau du mukhbarat à Bassora, puis sévèrement
battus par le personnel des forces de la coalition. Un des détenus -
un père de famille âgé de 28 ans - est mort à la suite de ce
traitement. Avant sa mort, ses codétenus l'ont entendu hurler et
demander de l'aide.
Son "acte de décès international" notait comme cause
directe de la mort : "arrêt cardio-vasculaire-asphyxie".
Quant à la cause de l'arrêt, l'acte contenait les termes
"inconnu" et "se référer au médecin légiste", sans
autre mention. Un témoin a déclaré au CICR avoir vu le corps avec le
nez cassé, plusieurs côtes cassées et des lésions faciales
compatibles avec un tabassage. (...)
Lors d'une visite du CICR au camp Bucca, le 22 septembre 2003,
une personne privée de liberté, âgée de 61 ans, s'est plainte
d'avoir été ligotée, cagoulée, et obligée de s'asseoir sur une
surface chaude qu'elle pensait être le moteur d'un véhicule, ce qui
lui a provoqué des brûlures très graves aux fesses. La victime a
perdu conscience. Le CICR a constaté la présence de grandes lésions
couvertes de croûtes qui sont compatibles avec cette allégation.
Le CICR a examiné, en octobre 2003, une autre personne privée de
liberté, au sein de la section pour les détenus sensibles, qui avait
reçu un traitement semblable. Elle a été cagoulée, les mains
menottées dans le dos, et obligée de se coucher le visage à terre
pendant son transfert, sur une surface chaude. Il en est résulté de
graves brûlures de la peau qui ont nécessité trois mois
d'hospitalisation. Au moment de l'entretien, il venait juste de
sortir de l'hôpital. Il avait subi plusieurs greffes cutanées,
l'amputation d'un doigt de la main droite et la perte permanente de
l'usage de son dernier doigt gauche du fait de la rétractation de la
peau brûlée. Cette personne a également souffert de brûlures
étendues sur l'abdomen, les jambes, la paume de sa main droite et la
plante de son pied gauche. Le CICR a recommandé aux forces de la
coalition que ce cas fasse l'objet d'une enquête afin de déterminer
la cause et les circonstances des blessures ainsi que l'autorité
responsable des mauvais traitements. Au moment de rendre ce rapport,
les résultats de l'enquête n'étaient pas encore
disponibles.(...)
Certains officiers du renseignement militaire des forces de la
coalition ont informé le CICR que le mauvais traitement généralisé
des personnes privées de liberté, lors de leur arrestation,
internement initial et "interrogatoire tactique" résultait du
manque de policiers militaires sur le terrain pour superviser et
contrôler le comportement et l'action des unités de combat, ainsi
que du manque d'expérience des officiers de renseignement chargés
des "interrogatoires tactiques". (...)
3. TRAITEMENT DURANT LES INTERROGATOIRES
Les arrestations étaient habituellement suivies d'une rétention
temporaire au niveau du bataillon ou dans des centres de premier
interrogatoire dirigés par les renseignements militaires, mais
accessibles à d'autres personnels de renseignement (notamment
s'agissant des détenus sensibles). Les mauvais traitements du fait
des forces de la coalition pendant les interrogatoires n'étaient pas
systématiques, sauf s'agissant de personnes arrêtées en relation
avec des infractions présumées à la sécurité, ou considérées comme
ayant un intérêt en matière de renseignement. Dans ces deux cas, les
personnes privées de liberté sous le contrôle des renseignements
militaires furent l'objet d'une série de mauvais traitements, depuis
des insultes et des humiliations jusqu'à des contraintes physiques
et psychologiques qui, dans certains cas, équivalaient à des actes
de torture destinés à forcer les détenus à coopérer avec les
interrogateurs. Dans certains cas, comme à la section "renseignement
militaire" d'Abou Ghraib, les techniques de contrainte physiques et
psychologiques semblaient faire partie des procédures
opérationnelles standards du personnel des renseignements militaires
afin d'obtenir des aveux et d'extraire des informations. Certains
officiers de renseignement militaire ont confirmé au CICR que
faisait partie du processus de renseignement militaire le fait
d'obliger une personne privée de liberté à rester totalement nue
dans une cellule complètement vide et sombre pendant des périodes
prolongées, et d'utiliser des traitements inhumains et dégradants
contre ces personnes, y compris la contrainte physique et
psychologique, afin de s'assurer de leur coopération.
Techniques de mauvais traitements
Les techniques de mauvais traitements pendant l'interrogatoire
qui ont fait l'objet des allégations les plus répandues comprenaient
:
- l'utilisation de cagoules pour empêcher les gens de voir afin
de les désorienter, ainsi que de les empêcher de respirer librement.
Un, voire deux sacs furent utilisés, parfois assorti d'un bandeau
élastique sur les yeux, qui pouvait être glissé vers le bas pour
empêcher davantage la respiration. Les cagoules ont parfois été
utilisées lorsque les détenus furent battus, augmentant ainsi leur
niveau d'anxiété. L'utilisation des cagoules permet également aux
interrogateurs de rester dans l'anonymat afin d'assurer leur
impunité. La cagoule pouvait être imposée pendant quelques heures,
allant parfois jusqu'à deux, voire quatre jours. Elle n'était
enlevée que pour boire, manger, aller aux toilettes ;
- l'utilisation de menottes flexibles qui pouvaient parfois être
si fortement serrées ou posées si longtemps qu'elles provoquaient
des lésions cutanées ainsi que des séquelles à long terme pour les
mains (des nerfs endommagés) ;
- le fait d'être battu avec des objets contondants (y compris des
pistolets et des fusils), des gifles, coups de poing, de genoux ou
de pied sur diverses parties du corps (jambes, côtes, bas du dos,
aine) ;
- le fait de maintenir le visage à terre avec des bottes ;
- les menaces (de mauvais traitements, de représailles contre des
membres de la famille, d'exécution imminente ou de transfert à
Guantanamo) ;
- le fait d'être gardé en cellule disciplinaire (vide et sombre
contenant des toilettes) complètement nu ;
- le fait de combiner la cellule disciplinaire et les menaces
(d'internement à perpétuité, d'arrêter d'autres membres de la
famille, de transférer la personne à Guantanamo), le manque de
sommeil, d'eau et de nourriture, l'accès limité aux douches (deux
fois par semaine), le refus d'accès à l'air libre et l'interdiction
de contacts avec d'autres personnes privées de liberté ;
- le fait d'être obligé de marcher nu en dehors des cellules et
en présence d'autres personnes privées de liberté, de gardiens,
parfois cagoulé ou avec des sous-vêtements de femme sur la tête
;
- actes d'humiliation comme le fait d'être obligé de rester
debout, nu, contre le mur de la cellule, pendant de longues
périodes, les bras levés ou avec des sous-vêtements de femme sur la
tête - tout en étant la risée des gardiens, y compris des femmes
soldats, voire photographié dans cette position ;
- le fait d'être régulièrement attaché aux barreaux de la porte
de la cellule, dans des positions humiliantes (nu ou en
sous-vêtements) ou inconfortables, sur une période de plusieurs
jours, pendant plusieurs heures d'affilée, causant ainsi des
douleurs physiques ;
- l'exposition, tout en demeurant cagoulé, à de la musique ou des
sons très bruyants, au soleil pendant plusieurs heures, même au plus
chaud de la journée, pouvant atteindre 50 degrés ou plus ;
- être obligé de rester dans des postures stressantes pendant de
longues périodes, accroupi ou debout avec les bras levés.
Ces techniques de contrainte physique et psychologique ont été
utilisées par les renseignements militaires de façon systématique,
afin d'obtenir des aveux et d'extraire des informations ou d'autres
formes de coopération de personnes qui ont été arrêtées en relation
avec des soupçons d'infractions à la sécurité ou qui furent
désignées "détenus sensibles".
La section "renseignement militaire" du centre correctionnel
d'Abou Ghraib
A la mi-octobre 2003, le CICR a rendu visite à des personnes
privées de liberté qui étaient soumises à des interrogatoires de la
part d'officiers de renseignement militaire dans l'unité 1A, la
"section d'isolement" du centre correctionnel d'Abou Ghraib. La
plupart avaient été arrêtées en octobre. Pendant la visite, les
délégués du CICR ont été les témoins directs de toute une gamme de
techniques utilisées pour assurer la coopération entre les personnes
privées de liberté et les interrogateurs. En particulier de la
pratique consistant à garder les personnes privées de liberté
complètement nues dans des cellules vides et dans le noir total,
apparemment pendant plusieurs jours. Lorsque ces délégués ont vu de
tels cas, le CICR a suspendu ses visites tout en demandant des
explications aux autorités. L'officier de renseignement militaire
responsable des interrogatoires a expliqué que ces procédés
faisaient "partie du processus". Ce processus semble
s'inscrire dans une politique d'incitation et de punition par
laquelle les personnes privées de liberté ont reçu des vêtements, de
la literie, des produits hygiéniques, même des lits, etc. en échange
de leur "coopération". Le CICR a également rendu visite à d'autres
personnes privées de liberté, maintenues dans l'obscurité totale ou
dans des cellules sombres, auxquelles ont avait donné l'autorisation
de se rhabiller. Plusieurs ont reçu des sous-vêtements de femme à
porter en dessous de leur tenue de prisonnier (des slips pour homme
n'ont pas été distribués), ce qui les a humiliés.
Le CICR a étudié d'autres formes de mauvais traitements, souvent
combinées avec celles décrites ci-dessus, y compris des menaces,
insultes et violences verbales, ainsi que la privation du sommeil en
émettant de la musique très fort ou en gardant la lumière à tout
moment dans des cellules sans fenêtres, ainsi que des lésions et
blessures aux poignets causées par des menottes flexibles très
serrées. Les punitions passaient par l'obligation de se promener
dans les couloirs menotté et nu, ou avec des sous-vêtements de femme
sur la tête, ainsi que le fait d'être menotté, habillé ou nu, aux
barreaux du lit ou à la porte de la cellule. Certaines personnes
privées de liberté avaient des marques physiques ou des symptômes
psychologiques qui correspondaient à leurs témoignages. Le délégué
médical du CICR a examiné des personnes privées de liberté
présentant des signes de troubles de la concentration, des problèmes
de mémoire, des difficultés à s'exprimer à oralement, un discours
incohérent, des réactions d'anxiété, un comportement anormal ou des
tendances suicidaires. Ces symptômes semblaient avoir été provoqués
par les techniques et la durée des interrogatoires. Ainsi, une
personne tenue en isolement qui avait pu être examinée par le CICR,
ne répondait pas aux stimuli oraux ou douloureux. Son rythme
cardiaque était à 120 battements par minute et sa respiration à 18.
Il a été diagnostiqué comme souffrant d'un désordre mental
(...) probablement le résultat des mauvais traitements qu'il
avait subi lors de son interrogatoire.
Selon les allégations recueillies par le CICR, les autorités
détentrices ont également continué, pendant les interrogatoires, à
refuser d'informer les personnes privées de liberté de la raison de
leur arrestation. Elles ont souvent été interrogées sans savoir de
quoi elles étaient accusées. Elles n'avaient pas le droit de poser
des questions ni de rechercher une clarification concernant les
raisons de leur arrestation. Leur traitement avait tendance à varier
en fonction du degré de coopération avec leurs interrogateurs :
celles qui coopéraient ont reçu un traitement préférentiel, comme le
droit d'avoir des contacts avec d'autres détenus, de téléphoner à
leur famille, de s'habiller, de recevoir de la literie, de la
nourriture, de l'eau ou des cigarettes, de prendre des douches ou
d'être mis dans une cellule.(...)
4. TRAITEMENT DANS LES CENTRES D'INTERNEMENT RÉGULIERS
Conditions générales de traitement
Le CICR considère que le traitement des personnes privées de
liberté au sein des centres d'internement réguliers a été correct,
malgré quelques exceptions individuelles résultant des personnalités
ou d'une perte de contrôle occasionnelle par les gardiens. Des
comportements abusifs de la part de gardiens, lorsqu'ils furent
rapportés aux officiers, ont généralement été l'objet de sanctions
disciplinaires rapides.
Le CICR a souvent noté un grave manque de communication entre le
personnel de détention et les personnes privées de liberté, en
premier lieu du fait du problème de langue, avec pour résultat une
incompréhension fréquente. Cela a été aggravé par une attitude
méprisante largement répandue parmi les gardiens. En réaction, les
personnes privées de liberté, qui se sont plaintes de ce traitement
d'infériorité, ont adopté la même attitude de mépris.
(...)
5. SAISIE ET CONFISCATION DES AFFAIRES PERSONNELLES
Le CICR a recueilli de nombreuses allégations de saisie et de
confiscation de la propriété privée (argent, voitures et autres
biens) par les forces de la coalition lors des arrestations. Des
quittances énumérant la propriété en question n'ont été fournies à
la personne ou sa famille que dans un petit nombre de cas. Cela a
été perçu par les personnes privées de liberté comme un cas avéré de
vol ou de pillage. (...)
CONCLUSION
Ce rapport du CICR établit de graves violations du droit
international humanitaire relatif aux conditions de traitement des
personnes privées de liberté par les forces de la coalition en Irak.
En particulier, il établit que des personnes privées de liberté
risquent d'être soumises à un processus de contrainte physique et
psychologique, parfois relevant de la torture, aux premiers stades
du processus d'internement.
Une fois le processus d'interrogatoire terminé, les conditions de
traitement s'améliorent en général, à l'exception de la section des
détenus sensibles de l'aéroport international de Bagdad, où des
personnes privées de liberté ont été tenues en isolement complet
pendant près de 23 heures par jour, dans de petites cellules sans
lumière naturelle, un régime d'internement qui n'est pas conforme
aux dispositions des IIIe et IVe conventions
de Genève.
Pendant leur internement, les personnes privées de liberté
risquent également d'être victimes d'une utilisation
disproportionnée et excessive de la force de la part des autorités
détentrices lorsqu'elles tentent de rétablir l'ordre ou en vue de
prévenir des tentatives d'évasion.
Traduit de l'anglais par David Boyle et
Isabelle Fichet
Le CICR
Le CICR (Comité international de la Croix-Rouge) a pour mission
de veiller au sort des victimes des conflits et de leur porter
secours. En vertu des Conventions de Genève de 1949 régissant le
droit de la guerre, le CICR est la seule organisation autorisée à
rendre visite aux prisonniers afin de garantir que les Etats
respectent leurs obligations. Il n'y parvient qu'au prix d'un strict
principe de neutralité et de confidentialité.