rapport que Monsieur Jean-Christophe RUFFIN au présenté au
ministre de l’intérieur.
Nous avons voulu ni approuver sans réserve, ni
désapprouver globalement un texte dense, Il convenait de l’étudier avec
rigueur et objectivité, dégageant ses éléments positifs mais sans taire
les désaccords.
L’antisémitisme et le
racisme traités spécifiquement :
Le rapport
procède à une analyse spécifique de l’antisémitisme et du racisme en deux
chapitres distincts. La lecture du document révèle le caractère assez
réducteur de cette classification en raison des nombreuses plages communes
à ces deux expressions racistes.
Le texte justifie ce traitement
différencié de l’antisémitisme et du racisme en raison de l’histoire et de
la mémoire :
« L’irréductible particularité de
l’Holocauste exige de faire une place à part à l’antisémitisme dans le
combat contre ces atteintes à la démocratie.
Le besoin d’un travail
spécifique s’impose effectivement dans les domaines de l’information et de
l’éducation où la prise en compte des mémoires requiert des pédagogies
spécifiques.
Néanmoins la séparation du racisme en deux chapitres
distincts intitulés « lutte contre le racisme » et « lutte
contre l’antisémitisme », clairement distincts et de pagination
équivalente demeure trop schématique alors que le texte procède d’une
analyse beaucoup plus nuancée et universaliste que les titres assez
sommaires ne l’indiquent.
Une volonté d’agir
structurellement au-delà de l’émotion légitime.
Le
rapport entend sanctionner les actes racistes mais place cette action dans
le cadre plus général de la lutte contre les idéologies et réseaux
structurés. Cette volonté d’agir sur les structures plutôt que de
privilégier la focalisation sur les actes individuels est positive, le
MRAP procède du même souci d’efficacité pour isoler les principaux
vecteurs de la haine raciste.
A l’heure où le front national qui réuni
17 % des suffrages aux élections soutient, sans état d’âme les
déclarations négationnistes de Bruno Gollnisch, cette volonté d’aller
au-delà de l’émotionnel et d’agir en profondeur mérite d’être
souligné.
« Nous seront donc amenés à
insister, au delà du caractère particulier des actes commis, sur l’étude
des phénomènes de fond, sur la montée de forces organisées qui constituent
des nouvelles menaces contre la démocratie »
Une
introduction hâtive concernant les discriminations
« Les actes racistes et antisémites ne
peuvent ni ne doivent être dilués dans la problématique plus générale et
sociale de la non discrimination et de l’intégration. Quels que soient les
liens qu’entretiennent les deux domaines, celui des agressions est
spécifique et s’il devait être rapproché de quelque chose, ce serait
plutôt du terrorisme, dont il partage le même mépris de la vie
humaine »
On peut toutefois regretter
que ce début du rapport isole les discriminations comme un racisme à part
qui ne procèderait pas du même mépris de la vie humaine que les autres
formes de racisme.
La suite du rapport dans le chapitre relatif au
racisme réintroduit néanmoins le rôle déterminant des discriminations dans
l’expression du racisme.
Un refus
d’entrée dans une boîte de nuit ou un refus d’embauche en fonction de la
couleur de la peau procèdent d’un même déni de la vie humaine qu’une
agression physique. Les victimes ressentent, la même révolte et les
conséquences psychologiques dans les deux cas sont ressenties
douloureusement.
La lutte contre l’antisémitisme
Des outils d’évaluation :
Dans le sous-chapitre « mesurer la gravité de la situation
« le rapport mentionne fort justement l’aggravation brutale des faits
antisémites et la peur légitime qu’ils entraînent auprès des populations
juives (p 9).
Il insiste donc sur le nécessaire renforcement des outils
statistiques et de diagnostic pour mieux orienter l’action politique.
Ce sous-chapitre, intégré au chapitre antisémitisme aurait pu
cependant être commun aux deux chapitres du document car tous les racismes
requièrent les mêmes outils d’observation et d’évaluation rigoureux. Il
s’avère d’ailleurs que le chapitre relatif au racisme reprend les mêmes
propositions concernant les instruments d’observation.
On peut être toutefois étonné de la proposition
d’exclure du champ d’investigation les chiffres provenant de la justice au
profit des seuls chiffres émanant du ministère de l’intérieur et de
l’éducation nationale. La justice ayant une approche spécifique en
fonction des lois en vigueur, ses données devraient constituer des sources
d’information complémentaires à celle des autres ministères.
Renforcer la prise en compte des
plaintes
Toutefois la volonté affirmée de transparence et de rigueur
dans la collecte des données menées est positive (il est recommandé pour
tous les actes racistes et antisémites, une nécessité de ne plus traiter
les affaires sous la forme de main courante mais de les transformer
systématiquement en plainte).
Il est rappelé, qu’en dernier ressort,
l’analyse des faits doit être du ressort de la CNCDH, c’est là un aspect
positif. .
Mieux appréhender la réalité des
actes
Le rapport préconise une présentation nouvelle des statistiques
reposant sur des critères objectifs : observation des taux
d’élucidation, analyse des facteurs de gravité, comparaison
internationale. Le rapport mentionne ainsi qu’une augmentation des tags
n’est pas de même gravité qu’une augmentation des passages à l’acte. Ce
souci de précision devrait donc permettre de mieux cerner la réalité des
actes qui pour l’heure ne sont pas toujours clairement évalués.
Antisémitisme : Le texte remet
fondamentalement en cause des lieux communs stigmatisant les populations
arabo-musulmanes comme principale source d’antisémitisme.
L’une des parties essentielles du rapport, réside dans
une analyse précise et rigoureuse de l’antisémitisme d’aujourd’hui.
Le
texte conteste de fait une affirmation trop répandue selon laquelle
l’antisémitisme serait marqué aujourd’hui : par une baisse de
l’antisémitisme d’extrême droite et une montée d’un « nouvel »
antisémitisme qui serait essentiellement le fait des jeunes issus de
l’immigration.
Il distingue plusieurs formes d’antisémitisme :
Les auteurs de violences manifestent « un
antisémitisme de pulsion ».
D’après le rapport, les auteurs de
violences ne peuvent être catalogués ni à l’extrême-droite, ni parmi les
délinquants des quartiers en difficulté. Le rapport rappelle que parmi les
jeunes interpellés pour actes antisémites seule une minorité est d’origine
maghrébine beaucoup sont originaires de pays sans rapport avec la question
israélo-palestinienne ou sont simplement des français dits « de
souche ».
Quant à ceux qui peuvent être rattachés à l’extrême
droite, peu sont structurés, il s’agit de jeunes en déshérence adoptant
une « attitude provocatrice » et les « attributs folkloriques » du « suprématisme blanc ».
« Au fond,
dans les trois catégories statistiques d’acteurs de violence antisémite
(ceux issus de l’immigration, ceux catalogués à l’extrême droite et les
non spécifiques) le trait commun semble plutôt être à rechercher du côté
du déracinement, de la perte de repère, de l’échec social et de la
confusion identitaire ».
Il convient d’approuver cette analyse
qui rappelle le rôle déterminant de la déstructuration sociale, de la
perte de repère, de l’échec social et de la confusion identitaire dans les
manifestations violentes d’antisémitisme. Le rapport analyse la
« culture de la pauvreté » comme un élément déterminant de la
violence. C’est dans ce contexte que certains individus en dérive se
reconnaissent alors dans les discours extrémistes qui leur fournissent un
« héritage culturel de
substitution ».
L’Islamisme radical est alors mis sur le même
plan que les idéologies nazies en tant que cadre favorisant les pulsions
violentes et parmi elles les pulsions antisémites.
C’est là une analyse
qui contredit fondamentalement les théories selon lesquelles
l’antisémitisme est culturellement maghrébin ou musulman. Au contraire la
haine antisémite est replacée dans un contexte culturel d’exclusion et
d’extrême pauvreté, ce qui n’excuse pas les actes mais fourni une grille
de lecture autrement plus pertinente que la grille ethnique fournie par
tous ceux qui s’installent dans une théorie du choc des civilisations
entre le monde judéo-chrétien et le monde musulman.
Le « nouvel » antisémitisme apparaît
donc plus hétérogène que ne le supposent ceux qui en font une spécificité
maghrébine et une conséquence naturelle des événements du Moyen Orient. Il
faut prendre garde à ne pas enfermer ces jeunes dans un déterminisme
identitaire qui les entraînerait nécessairement et pour certains presque
légitimement à haïr les juifs et à s’attaquer à eux. Une immense majorité
de Maghrébins est engagée dans des parcours d’intégration et fort éloignée
de la violence antisémite. Inversement des jeunes d’autres origines
(Africains, Antillais voire Français métropolitains de souche) peuvent, au
terme d’un bricolage identitaire propre à la culture de la pauvreté,
s’identifier à la lutte palestinienne, voire se convertir à l’Islam et
prendre part à des agressions antisémites.
Le rapport précise que le transfert du conflit
israélo-palestinien en terme d’antisémitisme relève avant tout d’un
contexte culturel reposant sur des fondements, socio-économiques et un
« bricolage identitaire » induit par la « culture de la
pauvreté ».
Le rapport conclu que l’importante population qui se
tient sur les marges dangereuses de la précarité sociale et culturelle
peut être soumise à des postures violentes, c’est dans ce cadre que se
greffe l’antisémitisme.
C’est une analyse que le MRAP développe
inlassablement depuis l’apparition de théories ethnicisant
« l’antisémitisme nouveau ».
Bon nombre d’intellectuels, à la
lecture, de ce rapport devront revoir leur décryptage
« ethnique » de l’antisémitisme.
Les conclusions sont alors à la hauteur de
l’analyse :
Des actions à plusieurs niveaux sont proposées
auxquelles on ne peut que souscrire car elles s’inscrivent hors du champ
ethnique ou communautaire.
relancer les
processus d’intégration et d’égalité des chances : l’auteur
rappelle le caractère fondamental de la lutte contre les discriminations
comme facteur de paix sociale et d’une régression de l’antisémitisme, nous
sommes alors très loin de la vision sans perspective d’un traitement
exclusivement répressif de l’antisémitisme de pulsion.
« Rien ne
pourra être obtenu, en matière de lutte contre l’antisémitisme sans
s’attaquer à la question de la marginalisation sociale des populations
qui, victimes d’une discrimination, peuvent à leur tour céder au racisme,
sous la forme notamment de violences antisémites. Ainsi des Juifs qui
exercent une profession libérale dans des quartiers difficiles peuvent-ils
être victimes d’une double agressivité à la fois sociale et raciale. Le
Haut Conseil à l’intégration ainsi que la future Haute Autorité de lutte
contre les discriminations sont les pivots de cette action en faveur de
l’intégration et de l’égalité des chances.
Le rapport qui prévoie donc
la nécessaire sanction des actes antisémites comme des actes violents en
général, interpelle néanmoins toute la société sur ses propres
responsabilités en matière d’intégration sociale et culturelle ;
cette prise en compte de l’intégration sociale est une condition
indispensable pour faire régresser structurellement le racisme.
réprimer le passage à l’acte de façon adaptée et
accroître la surveillance :
- amélioration de la réponse
policière
levée des blocages de procédure
sortir les dispositions concernant le racisme et
l’antisémitisme de la loi de 1881 sur la protection de la presse. Dans de
nombreuses affaires le MRAP a pu constater combien la loi de 1881
permettait à des racistes d’échapper à la sanction alors que l’acte
raciste n’avait rien à voir avec la liberté de la presse.
On peut
regretter que ces dernières propositions soient traitées par chapitres
cloisonnés (antisémitisme/racisme), alors qu’elles relèvent du tronc
commun à tous les racismes.
3) lutter contre la banalisation de
l’antisémitisme en milieu scolaire,
Le rapport insiste sur le fait
qu’il se faut pas banaliser l’antisémitisme en milieu scolaire (ce qui
doit d’ailleurs valoir pour tous les racismes !..).
Il convient
d’adhèrer à la nécessaire dimension pédagogique qui doit intégrer un
travail spécifique sur la mémoire de la shoah. (Ce qui doit aussi valoir
pour toutes les autres mémoires, même si le génocide doit être traité de
façon plus particulière).
Le MRAP n’est cependant pas favorable à la
proposition de judiciarisation accrue de la lutte contre l’antisémitisme
en milieu scolaire.
Malgré les précautions employées « Judiciarisation ne veut pas nécessairement dire
poursuite ni même condamnation ». Le mrap craint que
l’introduction systématique de la justice et de la police dans l’enceinte
scolaire ne joue un rôle négatif. Le MRAP préfère que dans l’immense
majorité des cas il ne soit fait essentiellement appel qu’ à l’éducation
et aux processus de régulation pédagogique, même si les faits extrêmes
peuvent néanmoins justifier l’intervention de l’autorité judiciaire.
4)
éduquer aux valeurs démocratiques et républicaines, c’est là une condition
indispensable pour limiter les replis communautaires.
5) minimiser les
bénéfices secondaires du passage à l’acte ; le rapport tire là les
leçons d’échecs patents de la lutte contre l’antisémitisme lorsque l’écho
médiatique dépasse largement la gravité des actes, voire donne écho à des
faits qui ne sont pas de nature raciste ou antisémite.
Les manipulateurs
d’opinion
L’extrême droite : Le rapport analyse
ensuite les manipulateurs d’opinion, il rappelle à cet effet que si
l’implication de l’extrême droite dans les actes antisémites est en
baisse, il convient cependant de ne pas être trop optimiste,
l’extrême-droite française n’a pas muté fondamentalement vers des
comportements démocratiques, pour mémoire :
« Les sondages prouvent que c’est dans la frange de
l’opinion qui se sent en accord avec l’extrême droite que l’on rencontre
l’attitude la plus méfiante voire hostile à l’égard des Juifs. »
Là encore le rapport rappelle un élément central : c’est
dans cette frange de l’opinion et non ailleurs que les antisémites se
situent le plus. C’est un démenti cinglant à ceux qui dans leurs écrits
théorisent sur la fin de l’antisémitisme d’extrême droite au profit de
l’antisémitisme des arabos-musulmans.
Le rapport s’inquiète aussi que sur fond de crise
de l’extrême-droite celle-ci ne cède à nouveau à l’extrémisme le plus
ultra. Ce rapport ayant été finalisé avant les dernières déclarations de
Bruno Gollnisch, les signaux d’alarme concernant l’antisémitisme de
l’extrême droite de relief
L’extrême droite
reste donc, dans toutes ses mouvances, un pôle organisateur potentiel de
la violence antisémite et raciste.
Il ne faut en aucun cas relâcher la
pression de surveillance sur les franges extrémistes de ces milieux. Tout
arbitrage qui conduirait à nous dégarnir sur ce front pour mieux
concentrer nos efforts sur « le nouvel antisémitisme » risque
d’avoir à échéance de graves conséquences.
La encore le rapport prend le
contre-pied de ces théoriciens qui opposent un antisémitisme traditionnel
dit « de papa » en désuétude à un antisémitisme de type ethnique
et essentiellement arabo-musulman.
Les groupes terroristes :
Ce passage assez peu convaincant par son imprécision et
son manque de référence traite du rôle que peuvent jouer les intégristes
dans la radicalisation de jeunes issus de l’immigration qui seraient
placés devant un dilemme réducteur :
C’est ce que
Gilles Kepel appelle la bataille d’Europe : Soit les jeunes issus de
l’immigration font le choix des valeurs républicaines et
« participent pleinement à la vie citoyenne, à travers les
instruments éducatifs et culturels, qui favorisent l’ascension sociale et
accompagnent l’émergence de nouvelles élites », soit ils rejoignent
divers mouvements radicaux qui prêchent la guerre contre l’Occident et le
rejet de ses valeurs. »
C’est là une analyse sommaire qui
s’appuie sur des cas très marginaux et dérives extrêmes qu’aucune étude
sérieuse n’a pu quantifier, (le rapport mentionne lui-même que ces cas
sont marginaux). Les passages à l’acte terroriste demeurent très
rares.
Le MRAP ne nie pas ces risques mais les jeunes issus de
l’immigration ne sont pas les seuls exposés au risque d’intégrisme
terroriste.
Le rapport pose aussi le problème des contenus
satellitaires (tout comme les contenus d’Internet par ailleurs) qui font
fi des frontières et des législations nationales. Tout comme dans le cas
d’Internet, la société doit étudier les modalités d’une réelle régulation.
Les facilitateurs : l’antisémitisme par
procuration
Ce sous-chapitre soulève le problème réel des antisémites
dissimulés, qui par jeux de mots, pseudo-humour, schématisation voire
instrumentalisation de la cause palestinienne véhiculent un antisémitisme
larvé qui sert de caution aux actes des plus violents.
On s’interrogera néanmoins sur un
passage : « L’activisme procédurier à l’égard de tel
journaliste, écrivain ou penseur, surtout lorsqu’il est le fait de
juristes appartenant eux-mêmes à la communauté juive, risque de parer cet
antisémitisme par procuration des couleurs flatteuses de la
victimisation. »
Il convient de mentionner que l’activisme
procédurier a, dans un passé récent, beaucoup plus menacé d’honorables
personnalités et journalistes que des antisémites par procuration. Cet
activisme procédurier à notamment consisté à remettre des prix Goebbels
pour crime de non-inféodation à la politique du gouvernement de monsieur
Sharon, (ainsi Charles Enderlin, Daniel Mermet l’AFP et tant d’autres),
sans oublier le procès récent intenté à Edgar Morin. Le rapport aurait du
être plus précis dans la mise en évidence de ces outrances émanant de
secteurs communautaires radicaux instrumentalisant l’antisémitisme de
façon abusive, source d’effets boomerang dévastateurs qui décrédibilisent
la nécessaire lutte contre l’antisémitisme.
Ce sous-chapitre apparaît donc tout à fait
contestable. Alors que cet excellent document prenait une hauteur de vue,
analysait les faits et les actes avec finesse, Ce chapitre
« antisémitisme » se termine par des amalgames et des
simplifications déjà entendus dans des querelles essentiellement
politiques dès lors que l’on évoque la question israélo-palestinienne. Ce
sous-chapitre se situe en deçà, car emprunt de thèmes polémiques, de la
tonalité générale du texte.
Malgré le rappel de principe au droit à la
critique de la politique israélienne, et l’évocation d’un antisionisme
radical de nature antisémite incontestable, un amalgame et entretenu , et
l’on ne sait plus si le texte traite des vrais antisémites ou de ceux qui
contestent la politique israélienne.
Etait-il utile de présenter la
Confédération paysanne comme un ferment d’antisémitisme, était-il opportun
de désigner les « verts », les altermondialistes, les
anti-racistes (non désignés !...) , comme agents d’un antisionisme
justifiant directement ou indirectement les attentats palestiniens contre
des civils
De fait, ce sous-chapitre traite non plus tellement de
l’antisémitisme, mais d’un autre regard politique qu’il conviendrait de
porter sur la politique israélienne. C’est non seulement le regard des
altermondialites, verts, confédération paysanne et autres (en un mot l’axe
que d’aucun ont dénoncé comme rouge-vert-brun), qui est en cause, mais le
regard de la politique extérieure de la France sur ce conflit
dramatique.
On s’éloigne ainsi de l’objet d’une étude fort bien menée
concernant le racisme et l’antisémitisme.
Une proposition
inacceptable : la pénalisation de facto de toute critique contre
l’Etat d’Israël
Venons-en maintenant à une proposition concrète qui
très curieusement a été principalement la seule reprise par beaucoup de
médias, preuve que la richesse du contenu se trouve éludé au profit d’une
dimension plus polémique. Ce n’est sans doute pas ce que cherchait
l’auteur d’un rapport qui ne saurait se réduire à cette dimension plus
polémique.
Le rapport propose : « C’est
pourquoi nous invitons à réfléchir sur l’opportunité et l’applicabilité
d’un texte de loi qui complèterait les dispositions de la loi du 1 juillet
1972 et celles de la loi du 13 juillet 1990 (dite loi Gayssot). Ce texte
permettrait de punir ceux qui porteraient sans fondement à l’encontre de
groupes, d’institutions ou d’Etats des accusations de racisme et
utiliseraient à leur propos des comparaisons injustifiées avec l’apartheid
ou le nazisme. »
Pour le Mrap, l’assimilation
entre l’état d’Israël et l’Allemagne nazi est un crime contre la mémoire.
L’état d’Israël pratique une politique colonisatrice inacceptable
largement condamnée internationalement mais en aucun cas cette politique
ne peut-être assimilée à l’élimination méthodique de millions juifs et de
Tziganes. Déjà à Durban le secrétaire général du MRAP, Mouloud Aounit
déclarait refuser ce genre d’amalgame dans une interview accordé à
« Icare »
« Mouloud Aounit
(MRAP*) : en désaccord avec la résolution finale du Forum des ONG.
"Nous appelons le Forum des ONG à se distancier fermement vis-à-vis des
procédures d’adoption de la déclaration et du programme d’action finaux
ainsi qu’à l’égard de certaines de ces déclarations". C’est la position de
Monsieur Mouloud Aounit, secrétaire général du MRAP au nom de son
organisation. Le MRAP est en "désaccord avec la résolution" du Forum des
ONG. L’association est opposée à une déclaration qui demande qu’Israël
soit déclaré "un Etat raciste, fasciste où règne l’apartheid". Mouloud
Aounit rejette deux équations : d’une part celle "qui assimile le
sionisme à une forme de racisme" et d’autre part celle "qui veut que toute
critique à l’égard de la politique et des pratiques du gouvernement
israélien actuel soit une forme d’antisémitisme".
http://www.icare.to/wcar-fr/tuesday04.html
Cette proposition de pénaliser les propos
diffamatoires relatifs à l’état d’Israël soulève la grave question d’un
texte de loi circonstancié, non universel, portant sur la seule protection
d’un état déterminé (cette proposition est, de plus,
formulée dans le chapitre sur l’antisémitisme !... ).
Une
telle mesure de circonstance (on ne battit pas le droit sur les
circonstances !) risque d’engendrer une incompréhension du
public.
Comment en effet faire interdire une comparaison injustifiée,
Israël=état nazi, et tolérer la même instrumentalisation de la shoah quand
certaines personnalités, et non des moindres, Israéliennes ou françaises,
qualifient la France de pays antisémite ou théorisent sur la nuit de
cristal en France, (voir la réponse en terme universel de Simone Veil
auprès de l’OSCE à Berlin qui développait sur l’injure faîte à la France
au sujet de « la nuit de cristal »).
« Ne faisons pas aux
victimes des persécutions passées l’outrage de comparer, même
indirectement, même par allusion, ce qu’elles ont vécu avec ce qui arrive
aujourd’hui aux juifs de France. Quand, Présidente de la Fondation pour la
mémoire de la Shoah, j’entends parler, à propos de la France des années
2000, de « Nuit de cristal », ce n’est pas seulement l’honneur
de mon pays que je suis obligée de défendre, c’est le respect de la
mémoire des victimes. Et c’est aussi la vérité.
La vérité, dont il faut être conscient, c’est
que la France traverse une vague d’antisémitisme. La vérité, c’est aussi
que cette vague n’est à aucun degré, à aucun titre, comparable avec la
déferlante de haine, qui, il y a soixante ans, envoya à la mort soixante
seize mille juifs de France. » Conférence de Berlin de l’OSCE avril
2004 ;
Non !... le droit ne saurait
ainsi être assujetti aux circonstances, rigoureux quand Israël est en
cause et tolérant quand la France ou d’autres pays subissent les même
insultes et la même banalisation de la shoah. Pour sûr !... un texte
de loi circonstancié au profit du seul état d’Israël aurait, là encore, un
effet contre-productif dans la lutte contre l’antisémitisme et le racisme.
Cette volonté de placer l’Etat d’Israël en
dehors de toute critique, si elle peut satisfaire certains secteurs
communautaires qui exercent un chantage permanent à l’antisémitisme dès
lors qu’est dénoncée une politique colonisatrice injustifiable, n’avait
pas à figurer dans ce document qui traite du racisme en
France.
Personne ne sera dupe, ce ne sont pas les assimilations
scandaleuses et condamnables entre Israël et le nazisme qui sont visées
par les pressions permanentes sur des journalistes, des partis, des
syndicats, des associations, ou encore sur la politique extérieure
française, mais bien le droit à la critique de la politique de l’état
israélien.
La lutte contre le racisme
Le rapport précise que pour rendre compte du
racisme en France, il convient de lier les deux phénomènes suivants :
actes violents et discriminations (discriminations que le rapport qualifie
à juste titre de « racisme de fond) ».
De
fait le sous-chapitre évoque en des termes identiques à ceux du chapitre
sur l’antisémitisme, la nécessite de mesurer plus précisément le phénomène
raciste et de bien distinguer les degrés de gravité.
Or en matière de
racisme, il est important de discerner d’une part le « bruit de
fond » constitué par les frottements sociaux (la rixe entre voisins)
où s’expriment de façon critique les préjugés raciaux latents et, de
l’autre, la criminalité constituée, systématique, dans laquelle le racisme
répond à une stratégie. Ceci est difficile voire impossible pour
l’instant.
Une proposition concrète permettant de mieux
enregistrer les plaintes :
Le rapport mentionne la confiance
altérée envers la police émanant de certaines populations lorsqu’il s’agit
de déposer plainte.
Les violences policières marginales certes, mais
aussi les contrôles sélectionnés au faciès, beaucoup plus nombreux, pèsent
lourdement sur le comportement des victimes ce qui conduit à un frein dans
les dépôts de plainte.
Tout en mentionnant que les autorités policières
récusent pour l’essentiel ces actes, le rapport juge utile la création de
guichets spécifiques qui viendraient en complément des guichets de police
afin de répondre aux méfiances ressenties.
Aménager des
guichets de signalement simples et sûrs. ..
Peut-on pour autant
considérer que ces mesures sont suffisantes et que la police doit rester
la « porte d’entrée » obligée pour quiconque vient se déclarer
victime de racisme ? Ou bien faut-il aller plus loin et créer un
autre guichet, indépendant de la police, qui permette un recours à ceux
qui, pour des raisons diverses craignent le contact avec des forces de
l’ordre ?
Ces guichets pouvant soit être soit des
correspondants locaux de la haute autorité de lutte contre les
discriminations, soit des cellules départementales de lutte contre le
racisme et l’antisémitisme.
Ce sont là des propositions concrètes qui
traduisent une réelle volonté d’action et de lutte contre les
discriminations,leMRAPapprouvedonc le principe de mesures visant à
renforcer l’action contre les discriminations.
« La création
dans les postes d’un référent anti-discrimination, demandée conjointement
par nous et par le chantier « égalité des chances » devrait
encore améliorer la prise en charge des victimes du racisme
Police : C’est là un élément
important du rapport qui mérite le soutien du MRAP car la sous formation
des policiers a souvent entraîné des tensions réelles. Un personnel dédié
aux discriminations ne peut aussi que mieux sensibiliser la police à la
Lutte contre le racisme.
Le rapport mentionne la nécessite d’élargir
les bases de recrutement de la police, notamment en l’ouvrant plus à des
secteurs de la population touchées par le racisme.
Le rapport mentionne
aussi, (ce dont nos associations antiracistes devraient plus se
préoccuper !), des discriminations que subissent parfois contrôleurs
de train, policiers, auxiliaires de circulation du fait de leur origine.
Ce rappel que la discrimination vécue peut engendrer une discrimination
reproduite mérite d’être soulignée.
Une réelle volonté d’équilibre dans la
lutte contre le racisme afin de ne laisser nulle victime aux portes de la
solidarité nationale.
Le rapport mentionne un élément important en
terme de réponse politique : » la nécessité de promouvoir un
traitement équilibré de la lutte contre le racisme, ce qui n’a pas
toujours été le cas ces derniers temps. Cette différentiation dans les
traitements peut alors engendrer des phénomènes de frustrations parmi les
victimes qui ne sont pas assez entendues.
Nous prendrons pour simple
exemple, la solidarité républicaine qui s’est fort justement exprimé par
les visites de ministres à des victimes juives de l’antisémitisme et
l’absence de mobilisation dans le drame corse, alors que des maghrébins
ont vu leurs commerces ou appartements incendiés.
Le rapport rappelle, à juste titre, la
nécessité d’un traitement équilibré de la lutte contre le
racisme :
Il faut à tout prix équilibrer soigneusement les réactions politiques lorsqu’un acte grave est porté à la connaissance des autorités.
La réactivité aux actions antisémites a été forte, trop forte sans doute
si l’on observe les affaires survenues pendant l’été. Au contraire,
l’impression chez beaucoup de membres de communautés qui subissent elles
aussi des agressions est que l’attention qui leur est portée n’est pas
suffisante.
Le politique ne doit pas se mobiliser seulement en
fonction de la gravité des actes commis ; il doit surtout rassurer
ceux qui, dans l’épreuve, mesurent la fragilité de leur intégration
citoyenne.
Il ne faut à aucun prix leur donner le
sentiment qu’une préférence est donnée à certains et que d’autres, non
contents d’avoir été frappés, voient la nation utiliser cette circonstance
pour les ignorer.
Analyse du racisme :
le racisme d’extrême-droite,
celui des idéologiques
et du pôle légaliste qui stigmatise les étrangers et
celui des
activistes, éléments isolés ou groupusculaires qui passent aux actes. Le
rapport insiste sur l ‘absence de coordination réelle des réseaux
activistes au niveau national et leur caractère souvent local. Ce qui
implique d’avoir des approches en fonction des histoires locales.
La dérive raciste
en corse : le rapport analyse assez précisément les dérives
du nationalisme qui, de fait, tente de conquérir une légitimité en
fustigeant les populations étrangères notamment maghrébines. Le rapport
mentionne par quelles manipulations ces courants nationalistes extrêmes
utilisent des faits de délinquance réelle pour souder la population Corse
sur le thème « nous vous protégeons ».
Le rapport insiste sur
la nécessité d’aider les associations antiracistes à s’implanter en
Corse.
Il insiste aussi sur le devoir de solidarité avec la communauté
maghrébine de l’Ile lorsqu’elle est frappée, c’est là un élément important
sachant que ces victimes ne bénéficient pas toujours des gestes de soutien
que la république devrait leur apporter.
Les réseaux virtuels : le rapport mentionne le
rôle important d’Internet comme élément d’articulation et de regroupement.
Il insiste sur la nécessité de bien définir le rôle de l’état et de
l’initiative privée.
Le rapport insiste notamment sur le rôle
indispensable des associations dans la veille informatique des contenus
illicites
Il reprend la proposition du MRAP de créer un observatoire du
racisme et de l’antisémitisme sur Internet assuré par une seule
organisation soit un collectif d’organisation.
Cette veille aurait pour
but de procéder aux signalements, à charge pour les services d’état de se
doter des instruments d’investigation appropriés.
Décriminaliser l’immigration :
Un tel rapport ne reprend pas le thème de la
libre circulation des individus auquel le MRAP est attaché.
Néanmoins
ce texte formule des propositions audacieuses constatant que l’arrêt
officiel de l’immigration se traduit par une immigration clandestine ou la
tentative d’utiliser le droit d’asile.
Sans tomber dans un perspective
de quotas que le MRAP ne saurait accepter, le rapport propose donc de
définir les conditions d’une immigration économique permettant de sortir
quantités d’étrangers de la marginalité et la clandestinité source de
stéréotypes stigmatisants.
Le rapport insiste aussi sur le fait que
cette proposition favoriserait le phénomène d’aller-retour impossible dans
des situations de clandestinité.
L’image de l’étranger sortirait alors
renforcée de cette politique d’immigration moins malthusiene.
Le MRAP
soutient donc toute proposition visant à sortir les étrangers de la
marginalité sachant que la seule voie possible demeure toutefois la libre
circulation des individus.
Sortir le racisme de la loi sur la
presse
Les injures et diffamations racistes
rentrent dans le cadre de la loi sur la presse. De 1881, Le rapport
mentionne que celle-ci n’est plus du tout adaptée à la lutte contre
racisme.
On retiendra :
Qu’elle est d’une
grande lourdeur pour des cas bénins.
Que l’on se prive des procédures à
délais courts
Que l’on perd toute progressivité de la peine
Le MRAP soutient cette proposition
Les réseaux virtuels
Ce
rapport mentionne la proposition du MRAP de créer un observatoire des
contenus racistes, négationnismes, antisémites sur Internet et de disposer
des outils de veille. Dans ce cadre-là les associations seraient les mieux
placées pour effectuer cette veille. De tels outils favoriseraient la
connaissance de la réalité de l’intranet raciste.
Bien évidemment le
MRAP est favorable à la mise en œuvre de tels outils sachant qu’Internet
est aujourd’hui l’un des principaux vecteurs de la haine raciste.
En conclusion le MRAP tient à souligner tous
les aspects positifs d’un texte qui prend toute la hauteur requise
concernant la montée du racisme et de l’antisémitisme. Ce rapport est une
remise en cause de l’affirmation selon laquelle l’antisémitisme serait
maintenant d’ordre essentiellement ethnique, il replace la lutte contre le
racisme et l’antisémitisme dans le cadre des valeurs universelles.
Il
n’est pas acceptable cependant qu’il ait repris les propositions très
partisanes de ceux qui entendent faire taire la critique à l’égard de la
politique israélienne. Les racistes, les antisémites n ‘ont pas besoin de
cette critique pour taguer des cimetières agresser des juifs ou encore
vouloir introduire des ferments de purification ethnique en Corse.
Le MRAP demande toutefois qu’un tel rapport
soit suivi d’effet :
que des moyens nouveaux soient donnés pour
une application plus efficace des lois en vigueur.
que les associations
des droits de l’homme soient mieux aidées pour accomplir leur travail dans
le cadre d’un antiracisme de proximité.
Que toutes les mesures de
sanction et de prévention du racisme soient prises dans le seul cadre des
valeurs universelles.
Que l’année qui s’ouvre soit celle de la grande
cause nationale contre tous les racismes et que de véritables campagnes
d’action soient engagées en ce sens tout particulièrement en direction de
la jeunesse.