Société de consommation et
famille idéale
L’enfant dans les images
publicitaires
Une nouvelle mentalité s’est installée depuis
belle lurette ; elle consiste à susciter la surconsommation au sein d’une
population juvénile, majoritaire dans la société. Connaissant bien les caprices
des enfants, on développe tout un arsenal publicitaire pour concurrencer les
autres producteurs.
Les publicitaires, formés à l’école du langage de la photo polychrome et du
texte esthétique ainsi qu’à celle de la psychologie moderne, arrivent à séduire
la population juvénile et adulte en l’incitant à acheter les produits proposés.
L’enfant, choyé et symbole de la pureté, est présenté entouré des siens ou
seul, selon les besoins de la publicité, est devenu le stéréotype d’une
certaine conception du mode de vie. Et cette conception qui se fait rassurante
et optimiste présente en réalité un danger considérable : elle pousse à la
consommation sauvage, suscite des envies, ruine les parents, change à la longue
les mentalités en sollicitant sans cesse.
Le mythe de l’enfant, celui de l’innocence et de la pureté
Les publicitaires, formés dans leur domaine, usent efficacement de tous les
subterfuges pour lancer de nouvelles modes, donner l’envie de changer de look.
Quelquefois, en s’intéressant aux enfants, on arrive à toucher le plus grand
nombre d’adultes.
Le rapport enfant-produit relève du mythe qu’il
convient d’analyser en termes de vision du monde, de stéréotypes culturels,
d’inconscient collectif, d’idéologie.
On n’a qu’à se référer aux panneaux des places publiques ou aux images
véhiculées par voie de revues, quotidiens, radio, télévision, dépliants,
objets, affiches ; ceci surtout dans les sociétés de consommation, comme les
sociétés occidentales où la santé commerciale dépend en grande partie du
pouvoir de la publicité.
Dans ces sociétés modernes, on a même assisté à la naissance de chaînes de
télévision ou de magazines dont la survie dépend de l’efficacité de leur
réclame.
Les études faites montrent plusieurs catégories d’images s’intéressant
significativement aux nourrissons, beaucoup plus aux filles qu’aux garçons, ou
inversement, aux enfants seuls en excellente santé, à un enfant avec un ou ses
deux parents, sinon avec d’autres adultes choisis pour un intérêt précis, aux
enfants accompagnés d’animaux.
Parfois, un objet suffit pour évoquer l’enfant, comme les jouets, un vêtement,
une tenue de loisirs ou autres.
Il existe aussi une diversité de produits comestibles ou d’utilité domestique
comme les machines, le travail, le monde des affaires. Cette forme de publicité
s’exerce insidieusement en s’intéressant exclusivement aux enfants, du moins en
apparence car elle arrive à pénétrer dans le monde des adultes. Selon les
résultats escomptés, on présente l’image en couleurs, en noir et blanc, avec ou
sans texte, en grandes dimensions ou en modèle réduit.
Images adaptées à l’univers familial
Comme dans la peinture qui donne à l’artiste toute latitude pour exercer ses
talents et son esprit de créativité, le publiciste est quelqu’un qui part d’une
réalité qu’il connaît à la perfection pour inventer des images de familles
idéales, valorisant l’enfant qui polarise tous les regards.
L’enfant devient ainsi un individu original, un membre qui fait exister une
famille et lui donne son sens ; il est le symbole de l’union des parents
présentés chacun à une extrémité avec des sourires significatifs et un
accoutrement approprié. L’enfant cimente la famille et le couple. S’il est
présenté avec un parent, c’est généralement la mère qui symbolise l’intimité du
foyer, la fécondité, la maternité ; c’est la femme au foyer.
La femme et l’enfant représentent la famille dans ce qu’elle a d’uni, de
stable, d’univers fermé. Si l’homme est absent, cela peut signifier la
tradition selon laquelle il est au travail et qu’il n’existe que pour affronter
les difficultés du monde. Ce genre d’images est représentatif du partage
conjugal traditionnel des tâches.
Si la femme est prépondérante en apparaissant plus souvent que l’homme, c’est
parce qu’elle a la tâche délicate de nourrir l’enfant depuis sa naissance, de
le soigner et de le couver tant qu’il est nourrisson. L’image du nourrisson
dans les bras de sa mère et non du père représente le stéréotype familial dans
toute sa pureté.
La femme entretient d’autres types de rapports avec les enfants que le mari, et
là-dessus les choix publicitaires ne sont pas le fruit du hasard. Ce que la
publicité considère comme famille idéale, c’est la famille heureuse et comblée.
Elle est représentative du giron familial et de l’enfant totalement dépendant.
Le nourrisson ou le petit enfant est le représentant métonymique de la famille
au sens traditionnel impliquant intimité, confiance, bonheur, amour et
sécurité. Ceci jusqu’à l’âge de la scolarisation entraînant une fracture familiale
; l’enfant échappe alors à l’emprise de la mère et perd sa qualité de symbole
familial. C’est pourquoi l’inconscient collectif sur lequel est fondée la
publicité ne s’y trouve plus. On assiste à un autre type de publicité, celle
qui présente l’enfant hors du cadre familial, pour être placé près de ses
camarades de classe et son maître d’école.
L’enfant,
source de bonheur
La publicité fait la différence entre l’enfant avec ses pairs et celui qui a
une fonction symbolique au sein de la famille. Il est représenté en tant
qu’enfant évoquant les aspirations personnalisées, l’idée de vitalité, le
dynamisme, les jeux excluant toute image d’intimité familiale.
L’image publicitaire a aussi tendance à vouloir s’appuyer sur des valeurs
euphorisantes en insistant sur les idées de confort, sécurité, bonheur
apportées par la joie des enfants venant apporter le mythe de la famille
idéale.
En réalité, ce n’est pas l’enfant mis continuellement en valeur qui intéresse
la publicité, mais la famille porteuse de valeur de stabilité. Même seul,
l’enfant est choisi pour permettre la symbolisation familiale. Et là-dessus la
proportion des enfants de moins de six ans est nettement évidente. Présentés
seuls le plus souvent ou accompagnés, ils évoquent la famille organique et biologique
comme unité psychologique. Pour mobiliser les vœux du lecteur ou du décrypteur
d’images, certains publicistes optent pour le petit enfant au sein d’une
famille modèle, stéréotypée, menant une existence idéale. Et cette image est
montrée dans toute son ampleur.
Une publicité à l’image
du quotidien
Le travail de recherche avec comme seul objectif d’attirer l’attention des
consommateurs et de les inciter à acheter ne peut pas faire abstraction de la
vie quotidienne des enfants et de leurs parents. Bien au contraire, le
producteur d’objets de consommation courante cherche par tous les moyens à
adapter son industrie et son activité de vente aux besoins de tous.
S’il s’agit de vêtements, on doit diversifier, produire pour la ville et la
campagne, répondre à tous les goûts.
Reste à déterminer la présence d’un parent comme accompagnateur privilégié, la
mère par exemple, pour des habits conformes à une première entrée à
l’école. Que de millions d’enfants peut-on habiller de neuf pour cet
événement marquant. L’école apparaissant comme l’occasion d’une autonomie de
l’enfant et le symbole d’une libération, les vêtements sont là pour marquer
cette mutation déterminante.
Et la publicité fait l’effort de manifester cette vérité d’ordre psychologique
concernant l’enfant représentant d’une structure familiale stéréotypée que l’on
valorise fortement.
L’image publicitaire qui s’adapte au temps peut être aussi orientée vers le
faste d’une cérémonie avec des connotations bien précises : de bonheur,
d’intimité, de tranquillité, d’aisance.
Cependant, beaucoup d’enfants ne s’identifient pas au personnage de l’image
lorsque celui-ci porte des vêtements d’apparat qui ne correspondant pas aux
vraies valeurs de la famille, lieu intime et structure fermée sur elle-même.
C’est pourquoi, pour des raisons commerciales, on s’intéresse beaucoup plus au
côté utilitaire de la chose : vêtements de la vie courante, produits
comestibles.
26-11-2004
Boumediene A.
La Nouvelle République