Taxe sur le profit immobilier : Il vaut mieux tricher?

L'Economiste
· Des redressements fiscaux «quasi systématiques»
· Les personnes physiques n’osent plus vendre ou acheter
Notaires et vendeurs/acheteurs de biens immobiliers s’insurgent. Les redressements fiscaux concernant les personnes physiques sont quasi systématiques.
Chaque année, l’administration fiscale mène des opérations de ce genre, mais cette fois-ci, ça semble prendre des proportions de campagne, si l’on en croit des professionnels de l’immobilier. Et «ce sont les particuliers qui en souffrent le plus puisque les sociétés de promotion immobilière présentent un seul bilan annuellement et savent bien se défendre contre les redressements», indique un notaire à Casablanca. Signalons que le vendeur d’un bien immeuble doit payer un impôt sur le profit immobilier réalisé lors de la vente. D’où le nom Taxe sur le profit immobilier (TPI).
Dans la loi de Finances 2006, cette taxe a été intégrée dans la rubrique: impôt sur le revenu immobilier. Elle correspond à 20% de la plus value réalisée lors de la vente d’un bien immeuble. Lorsque l’administration fiscale juge la valeur déclarée du bien cédé inférieure à sa valeur vénale, elle peut procéder à un redressement. Et s’il s’estime lésé, le contribuable a le droit, dans le délai d’un mois à partir de la notification du redressement, de soumettre le litige à une commission locale de l’administration fiscale. S’il n’est toujours pas satisfait, le dossier est traité par une commission nationale.
Le vendeur peut, en dernier lieu, porter l’affaire devant le tribunal administratif. «Ce qui n’arrive que rarement puisque le règlement du litige peut durer des années», soutient le même notaire. Un de ses confrères de Rabat explique que la réalisation d’une vente de bien immeuble pour le compte d’un client demande moins de temps et d’effort que la démarche auprès du fisc pour l’obtention du quitus.
«En dehors de tout litige, la procédure pour l’obtention du quitus fiscal dure entre 45 jours et 3 mois. Et pendant toute cette période, le vendeur ne touche pas son argent». Rien ne filtre du côté de la Direction générale des impôts.
En dépit de nombreuses tentatives, le directeur Noureddine Bensouda, en déplacement à l’étranger, est resté injoignable.
Mais un petit tour à la direction régionale des impôts (personnes physiques) d’Anfa à Casablanca donne une idée sur la situation des contribuables face à l’administration fiscale.
«Perversion fiscale»
Mouna, mère de deux enfants, a hérité d’un terrain nu qu’elle a vendu pour acheter un grand appartement au centre-ville.
«Tout s’est bien passé lors de la vente. Le notaire et la banque ont bien mené l’opération. Mais les problèmes ont commencé avec le fisc», raconte-t-elle. Mouna a subi un redressement qu’«elle juge arbitraire». «Les contrôleurs fiscaux ne connaissent rien à l’immobilier à Casablanca. Ils redressent systématiquement et les prix qu’ils donnent sont loin de correspondre à la réalité», souligne-t-elle.
Pour illustrer ses propos, elle explique que «le mètre carré ne coûte pas le même prix selon si l’immeuble est situé au numéro 3 ou 300 d’un grand boulevard à Casablanca».
Ahmed, la quarantaine, s’estime aussi victime d’un redressement fiscal «abusif». «Avez-vous déjà vu une maison tellement délabrée, que même les rats refusent d’y vivre, coûter plus de 600.000 DH?», ironise-t-il. «Ce sont surtout les honnêtes vendeurs qui subissent des redressements. Si cela continue, plus personne ne vendra», dit-il.
Un avis partagé par bon nombre de professionnels. «Les redressements fiscaux systématiques touchent davantage les honnêtes gens. Les fraudeurs, eux, sont plus vigilants. Ils sous-déclarent le prix de vente pour anticiper le redressement», souligne le notaire de Casablanca. Perversion du système? Rien n’est moins sûr, puisque bon nombre de professionnels de l’immobilier affirment «revoir légèrement à la baisse» les prix des ventes dans les déclarations au fisc. «De toutes les manières, l’administration redressera. Il vaut mieux être prévoyant!». Il vaut mieux tricher! C’est ce que semble insinuer certains contribuables, sans le dire expressément.
La solidarité du notaire
LE bien immeuble ayant constitué, pendant 8 ans au moins, le lieu d’habitation du vendeur, est totalement exonéré de la TPI. Pour le prouver, le vendeur doit s’adresser au moquadem de sa circonscription, qui lui délivre un certificat de résidence.
Outre ce certificat, le vendeur peut aussi fournir une facture du gestionnaire délégué d’eau et d’électricité (Lydec pour les habitants de Casablanca).
Lorsque la TPI est due, son règlement conditionne l’obtention du quitus fiscal. C’est ce quitus qui permet au vendeur d’encaisser le montant de la transaction, déposé chez le notaire.
A signaler que ce dernier engage sa responsabilité en cas de fraude ou de libération totale du prix de vente avant que le vendeur n’obtienne le quitus fiscal.
Naoufal BELGHAZI