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La censure au
nom de l’Islam Depuis l’interdiction, en 1925,
du livre ‘‘Islam et principes de gouvernement’’ du cheikh d’Al-Azhar
Ali Abd ar-Raziq, où ce dernier proposait la séparation entre la
religion et l’Etat, un principe de bonne gouvernance adopté par
l’humanité un siècle plus tôt, on ne compte plus, dans le Monde
musulman, les cas de censure religieuse, qui va de l’interdiction de
diffusion au bannissement, à l’emprisonnement voire à l’exécution
pure et simple.
C’est pour protester contre cette forme de
censure, souvent exercée aux prétextes d’atteinte à l’Islam,
d’“humiliation” du Prophète ou de Dieu ou d’infraction à la charia,
que nous avons jugé utile d’inventorier, ici, tous les cas
d’atteinte à la liberté de pensée qui, de 1925 à nos jours, ont été
enregistrés dans le Monde musulman ou ont été attribués à des
Musulmans aux quatre coins du monde.
La liste, établie selon
un ordre chronologique, est aussi longue que les victimes de
l’intolérance religieuse en pays d’Islam sont nombreuses. Elle peut
paraître exhaustive, elle n’est certainement pas complète. Aussi
invitons-nous nos lecteurs à la compléter, si nécessaire. Nous
espérons cependant qu’elle finira par s’arrêter. Inchallah !
Il faudra pour cela que nos sociétés respectent davantage la
liberté de pensée et promulguent des lois qui la protègent contre
les “imams sporadiques, ou un illettré coranique fatwatant”, selon
l’expression du psychanalyste tunisien Fethi Benslama.
1925 :
- Le cheikh d’Al-Azhar Ali Abd
ar-Raziq est radié de l’Université et interdit de publication par
ses pairs pour avoir proposé une séparation entre la religion et
l’État. Son livre incriminé, ‘‘Islam et principes de gouvernement’’
est interdit pour hérésie.
1926 :
- Interdiction du
livre de Taha Hussein ‘‘La poésie pré-islamique’’. L’écrivain est
expulsé en 1931 de l’Université par le ministre de l’Education pour
son interprétation trop rationaliste de la littérature pré-islamique
et du texte coranique.
1946 :
En Iran, l’historien,
juriste et linguiste Ahmad Kusravi est accusé d’incroyance par le
groupe terroriste Fida’iyyani Islam. Il est assassiné, en mars, au
prétexte d’une fatwa pour hérésie.
1973 :
En
Algérie, le poète Jean Sénac est assassiné par des
islamo-nationalistes.
1975 :
Au Maroc, le 18
décembre, Omar Benjelloun, leader de l’Union socialiste des forces
populaires (USFP) et directeur du journal ‘‘Al-Mouharrir’’, est
poignardé à mort par un groupe faisant partie de ‘‘La Jeunesse
islamique’’.
1977 :
En février, le président de
l’Université de Damas, en Syrie, est assassiné sur le campus par des
islamistes.
1981 :
- En Egypte, le livre de Fikri Al
Aqad ‘‘Histoire de la langue arabe’’ est interdit. L’auteur écrivait
que certains mots du Coran étaient d’origine égyptienne.
1982 :
- Ata Nourian, homme de lettres et membre de
l’Union des écrivains iraniens, est exécuté en raison de ses
convictions politiques anti-islamistes.
1984 :
- En
Iran, Ali Dashti, auteur d’un livre très critique envers l’Islam,
meurt en prison de mauvais traitements à 83 ans.
1985 :
- En Janvier 1985, au Soudan, l’écrivain Mahmoud Mohammed
Taha est condamné à mort et pendu à Khartoum,. a plus de 80 ans. Il
avait écrit un livre sur l’histoire de l’Islam où il défendait
l’idée de séparation du politique et du religieux (traduit en
français sous le titre ‘‘Un Islam à vocation libératrice’’, éd.
L’Harmattan, Paris, 2002). L’auteur défendait aussi l’idée que le
message spirituel du Prophète, tel qu’il fut révélé à La Mecque, est
universel, mais que toute la construction juridique élaborée à côté,
dans un contexte historique précis, n’était plus en phase avec la
vie des Musulmans aujourd’hui.
- La même année, le tribunal
des mœurs du Caire condamne à la prison l’éditeur et l’imprimeur des
‘‘Mille et Une Nuits’’ pour atteinte à la pudeur et pour corruption
des mœurs des jeunes. Le tribunal ordonne la destruction de 3.000
exemplaires saisis de ce monument de la littérature populaire, ainsi
que l’emprisonnement de l’éditeur et de l’imprimeur.
1987 :
- Autodafé à l’Université d’Ispahan, en Iran : 80.000 livres
jugés attentatoires à l’Islam sont brûlés.
1988 :
-
Un livre est publié en Arabie Saoudite qui jette l’anathème sur plus
d’une centaine d’écrivains arabes, morts ou vivants, accusés de
scientisme, d’apostasie sinon de haine de l’Islam: Salama Moussa,
Shibli Shmmayyil, Naguib Mahfouz, Lofti as-Sayyid, Muhammad
al-Jabiri, Shakir Shakir, Saïd Aql, Adonis etc. Ces auteurs sont
toujours interdits dans le royaume wahhabite.
1989 :
- Le 14 février, le roman de Salman Rushdie, ‘‘Les Versets
sataniques’’, est déclaré blasphématoire par l’ayatollah Rouhallah
Khomeyni, guide de la République Islamique d’Iran, qui appelle au
meurtre de l’auteur ainsi que tous les éditeurs du roman. Trois
millions de dollars sont offerts en récompense à celui qui donnera
la mort à Rushdie (un million seulement si c’est un non-Iranien).
La vie de l’écrivain indien sera, pendant des années, celle
d’une bête traquée. Il a cependant la chance de bénéficier de la
protection de la police de la Grande-Bretagne, son pays d’adoption.
Ses traducteurs italien et japonais, moins chanceux, seront tués,
respectivement, à Milan et à Tokyo, en 1991. Le recteur de la
Mosquée de Bruxelles et son adjoint sont tués, à leur tour, sur les
ordres des services de renseignement iraniens, le 29 mars 1989. Leur
crime : ils voulaient trouver une issue théologique à la fatwa, en
déclarant simplement que Rushdie devait être jugé et se repentir
comme l’exige la juridiction islamique concernant la loi sur le
blasphème et l’apostasie.
Le livre a fait l’objet
d’autodafés au cœur même de l’Europe. Des émeutes à Bombay, en Inde,
contre le livre, font douze morts en février 1989. En 1993, des
intellectuels et des poètes alévis et kurdes sont brûlés vifs dans
l’incendie d’un hôtel à Sivas, en Turquie, où une réunion se tenait
avec le traducteur des ‘‘Versets sataniques’’. Le dessinateur
satiriste Asaf Koçak, militant des Droits de l’Homme et adversaire
des islamistes, y trouve la mort.
La fatwa contre Rushdie
est toujours en cours parce que déclarée irrévocable, le seul
pouvant l’abroger, Khomeyni, étant mort.
“L’appel au meurtre
contre Rushdie a ouvert une jurisprudence par laquelle il est devenu
loisible à n’importe quel imam spontané de prononcer une sentence de
mort à l’encontre de n’importe quel intellectuel supposé musulman
renégat, n’importe où dans le monde ”, fait remarquer, à juste
titre, Fethi Benslama.
- En février de cette même année
1989, les écrivains iraniens Amir Nikaiin, Monouchehr Behzadi,
Djavid Misani et Abutorab Bagherazdeh sont exécutés. La même année,
deux poètes iraniens sont aussi exécutés : Saïd Soltanpour et Rahman
Hatefi. Tous pour leurs idées libérales jugées attentatoires à
l’esprit et à la lettre de l’Ilam.
1990 :
- En
Egypte, Nasr Hamed Abou Zeid, professeur d’Université, qui a
“commencé à penser l’Islam de l’intérieur et à présenter une voie
profondément réformiste” (l’un des ouvrages, ‘‘Critique du discours
religieux’’, a été traduit en français, éd. Actes Sud, Sindbad,
Paris 1999), est menacé de mort par les islamistes pour avoir voulu
historiciser le Coran.
1991 :
- En 1991, au Soudan,
Ajjabna Mohammed est accusé d’apostasie et renvoyé de l’Université.
Rejeté par sa famille, il tente de s’enfuir. En prison, il subit des
tortures pour revenir à l’Islam.
1992 :
- En
janvier, une délégation de savants d’Al-Azhar demande la saisie de
huit publications traitant de l’islam.
- Le 8 juin,
l’écrivain Farag Foda, quarante-sept ans, est criblé de balles, qui
atteignent également son fils Ahmad, quinze ans, et un ami de ce
dernier. Quelques jours auparavant, l’intellectuel laïc avait été
déclaré “apostat” par le cheikh de la mosquée d’Al-Azhar au Caire.
Les universitaires d’Al-Azhar condamnent certes, les conditions du
meurtre de Foda, mais ils estiment aussi qu’il était un apostat, et
qu’il méritait une mort légale. Son assassinat est revendiqué par
Al-Gamaa al-Islamiya (Groupe islamique). En décembre de la même
année, ses œuvres, rééditées en hommage, sont interdites et saisies,
sur ordre d’Al-Azhar et “au nom de l’Islam, religion de l’État”.
- Le 3 septembre 1992, sur la grande place de la ville de
Qatif, en Arabie Saoudite, le poète Sadiq Melallah a été décapité au
sabre par les autorités de ce pays, pour crime de blasphème et
d’abjuration.
- Freydoun Farrokhzad, poète et homme de
spectacle iranien, est assassiné en Allemagne, en raison de ses
activités artistiques considérées comme blasphématoires.
1993 :
- En Algérie, l’année est particulièrement
mortelle pour les écrivains, journalistes, universitaires et
artistes. Parmi les victimes, assassinées pour la plupart par des
activistes islamistes, on citera Tahar Djaout (écrivain et rédacteur
en chef du magasine ‘‘Ruptures’’), Djilali Liabès (sociologue),
Ahmed Asselah (directeur des Beaux-Arts), M’hamed Boukhobza
(sociologue), Salah Djebaïli (recteur de l’université Bab-Ezzouar à
Alger), Youssef Sebti (poète et écrivain), Abdelkader Alloula
(dramaturge et metteur en scène), Mahfoudh Boucebci (psychiâtre),
Salah Chouaki (inspecteur de l’Education nationale), Azzedine
Medjoubi (dramaturge), Dilalli Belkhanchir (pédiatre), Abderahmane
Faredeheb (économiste), Ferhat Cherkit, Youssef Fathallah, Lamine
Lagoui, Ziane Farrah, Abdelhamid Benmenni, Rabah Zenati, Saad
Bakhtaoui, Abderrahmane Chergou, (journalistes)… Et la liste est
malheureusement longue. Merzag Baghtache, journaliste et écrivain, a
plus de chance : il est “seulement” blessé dans un attentat.
- En Iran, un dessinateur satirique, Manouchehr Karimzadeh,
est condamné à dix ans de prison pour avoir dessiné un footballeur
dont le visage ressemblait vaguement à celui de Khomeyni. Le
directeur du journal est fouetté, de même que le dessinateur. Les
peines ont ensuite été réduites.
- En Arabie Saoudite, une
bande dessinée publiée dans ‘‘Arab News’’ provoque l’arrestation de
deux employés indiens. Selon les théologiens, elle remettait en
cause l’existence de Dieu. Les deux hommes sont condamnés à 300 et
500 coups de fouet. Sous la pression internationale, ils sont
pardonnés par le roi.
- Toujours en Arabie saoudite, en mai,
le professeur M. Al Awaji, intellectuel réformateur, est condamné à
quatre ans d’emprisonnement, démis de ses fonctions et son passeport
confisqué.
- Le 24 septembre, un groupe d’islamistes du
Bangladesh prononce une fatwa contre Taslima Nasreen, la condamnant
pour blasphème. Sa tête est mise à prix. Sous la pression des
manifestations islamistes, un mandat d’arrêt est lancé contre elle
en juin 1994. Médecin, écrivain, auteur notamment de ‘‘Rumeurs de
haine’’, ses chroniques dans la presse, ses critiques de la
condition faite aux femmes, de la religion et du pouvoir religieux,
puis son livre ‘‘Lajja’’, paru en 1993, qui relate les exactions
contre la minorité hindoue au Bangladesh au nom d’Allah, provoquent
la haine des fondamentalistes musulmans. Lors du Salon du livre de
Bangladesh, ses livres sont brûlés en public. Un comité “Détruisez
Taslima” est mis en place. Elle n’a plus le droit de se rendre au
Salon du Livre. Les fondamentalistes détruisent les librairies qui
vendent ses livres. Après une campagne de haine sans précédent, le
gouvernement confisque le passeport de l’écrivain et lui ordonne de
cesser d’écrire si elle veut garder son poste de médecin dans un
hôpital public. Elle est alors contrainte de s’exiler. Depuis, elle
continue son combat pour la laïcité et pour la liberté des femmes.
1994 :
- En France, en janvier, les organisations
musulmanes et dans les pays musulmans sont scandalisés par la top
model Claudia Schiffer, qui défile avec une robe sur laquelle sont
écrits des fragments de versets coraniques. La maison de haute
couture Chanel s’excuse, fait brûler les trois robes et exige la
restitution de toutes les images de la robe. Son P-DG déclare “qu’en
aucun cas son respect de la religion musulmane ne l’aurait porté à
commettre un sacrilège ou à offenser la communauté musulmane”.
- En Iran, en mai, l’universitaire et militant des droits de
l’homme E. Sahabi est arrêté pour avoir participé à un colloque en
Allemagne. Il sera jugé et condamné à la prison pour délit de
“manifestation anti-révolutionnaire”.
- En Egypte, le 14
octobre, Naguib Mahfouz, alors âgé de 83 ans, Prix Nobel de
littérature en 1988, est poignardé à la gorge, au Caire, par un
jeune intégriste. Cette tentative d’assassinat a été revendiquée par
Al-Gamaa al-Islamiya. En 1959, puis en 1988, juste après son prix
Nobel, certains romans de l’écrivain égyptien avaient été censurés
par Al-Azhar.
- En Iran, Saiidi Sirjani, écrivain, essayiste
et romancier iranien, est assassiné en prison pour avoir publié à
l’étranger ses ouvrages interdits en Iran.
1995 :
-
En avril, une fatwa d’excommunication est prononcée contre le poète
Mohammed Alvi par le mufti Shabbir Siddiqi d’Ahamdabad, pour une
phrase dans un poème écrit dix-sept ans auparavant : “O Dieu, si tu
es trop occupé pour nous rendre visite, envoie un bon ange pour nous
guider”.
- Déclaré apostat, le 14 juin, par la Haute Cour
égyptienne, qui lui ordonne de se séparer de sa femme – celle-ci
étant musulmane ne pouvait rester mariée à un “apostat” –,
l’écrivain Nasr Hamed Abu Zeid a vu sa condamnation confirmée par la
Cour de cassation du Caire en août 1996. Un mois plus tard, le
tribunal des référés de Guizeh a ordonné un “ sursis à exécution ”,
mais un avocat islamiste a interjeté appel de cette décision, qui a
été confirmée en décembre 1996 par un autre tribunal. L’écrivain et
sa femme, tous deux universitaires, se sont réfugiés depuis aux
Pays-Bas.
- En Iran, Ahmad Miralai, homme de lettres et
traducteur de la littérature étrangère en persan, est assassiné en
raison de ses activités littéraires.
1996 :
- En
Iran, quatre et écrivains et éditeurs sont assassinés en raison de
leurs activités intellectuelles jugées subversives. Il s’agit de
Ghafar Hosseini, Reza Mazlooman, Ebrahim Zalzadeh et Ahmad Tafazoli.
- Au Koweït, l’‘‘Arab Times’’ publie une bande dessinée
américaine sur le Viking Hagar. Ce dernier y est représenté en
prière et une voix sort des nuages pour dire après un long silence :
“Pardon ?”. Une émeute est organisée contre le journal. Ses locaux
sont détruits. Le directeur est poursuivi par la foule. Il essuie
même des coups de feu. De son côté, Ahmed al-Baghdadi, enseignant
d’université accusé de “dévalorisation de la religion”, “d’insulte
ou de dérision envers les préceptes de la religion” et de
“blasphème”, est arrêté et relâché à plusieurs reprises.
1997:
- L’université Al-Azhar dresse une liste de
196 livres devant être interdits pour des raisons morales et
religieuses. Parmi ces ouvrages, ‘‘Dieu du Temps’’ d’Al-Qimany,
coupable de dérision envers la religion puis hérésie de “réécriture
de la tradition musulmane”. Le livre est saisi dans les imprimeries.
1998 :
- Au Pakistan, Ayub Masih est condamné à mort
pour blasphème.
- En Egypte, l’écrivain Ala’a Hamed est
poursuivi pour “injure envers l’Islam” dans l’un de ses romans.
- En Iran, les écrivains, journalistes et universitaires
Pirouz Davani, Hamid Pour, Hajizadeh, Majid Sharif, Darius, Parvaneh
Foruhar, Mohammad Jafar Pouyandeh et Mohammad Mokhtari sont
assassinés par des fondamentalistes religieux à cause de leurs
écrits.
- En Turquie, en décembre le journaliste Nuredin
Sirin est condamné à vingt mois de prison pour avoir écrit : “Nous
devons soutenir les opprimés même s’ils sont athées.”
1999 :
- En Iran, en février, le religieux réformateur Hadi
Khamenei est battu à Qom par des étudiants islamistes. En novembre,
le journaliste Chamsolvaezin est condamné à trois ans de prison pour
propagande anti-islamique. Le même mois, Hassan Eshkevari,
religieux, est accusé d’apostasie, de blasphème et d’hérésie. Il
sera condamné à la prison en août 2000.
2000 :
- Au
Koweït, en janvier, deux femmes écrivains, Leyla Othman et Alia
Shaib, sont condamnées à un mois de prison pour outrage aux mœurs et
à la religion.
- En Jordanie, en février, le poète Mossa
Hawamda est accusé d’apostasie par un tribunal.
- En Egypte,
en avril, l’écrivain Haydar Haydar est déclaré apostat par des
islamistes égyptiens et condamné à mort pour son roman ‘‘Festin pour
les algues marines’’, où l’un des personnages dit : “Les lois des
divinités bédouines, l’enseignement du Coran, c’est de la merde”. Le
livre, édité pour la première fois en 1983 à Chypre, devait alors
être réédité par le ministère égyptien de la Culture. C’est un
journaliste du périodique ‘‘Ach-Chaab’’, organe du parti de l’Action
(d’obédience islamiste), qui a lancé le premier cri de guerre contre
le roman dans un article intitulé : “Qui fait le serment de mourir
avec moi ? Puissent vos mains être coupées ! Il ne reste plus que le
Coran...” Le 17 mai, l’Académie des recherches islamiques, sous
l’autorité d’Al-Azhar, émet une déclaration, diffusée par le bureau
du Grand Imam de l’université, Mohammed Sayyid Tantaoui. Le roman
est considéré comme contrevenant à l’Islam – littéralement, pour
“être sorti de ce qui est connu en matière de religion” (khuruj
‘amma hua maalum min ad-din). L’Académie incrimine le ministère de
la Culture. Des milliers d’étudiants d’Al-Azhar manifestent. Suite à
cette affaire, le ministère de la Culture interrompt l’impression de
trois autres romans condamnés pour atteinte à la pudeur.
Le
recteur d’Al-Azhar appelle à un cérémonial d’autodafé du roman dans
un lieu public. “La liberté d’expression est bienvenue, mais tous
les hommes de lettres doivent comprendre que cette liberté est
restreinte par le respect de Dieu, du Prophète et des valeurs
religieuses”, déclare le recteur de l’université Al-Azhar.
-
En Algérie, en juin, une fatwa de mort est prononcée contre le
cinéaste Mahmoud Zemmouri, réalisateur du film ‘‘100 % Arabica’’
consacré au raï.
- Au Pakistan, en octobre, l’universitaire
Younus Shaik est arrêté et condamné à la prison à vie pour ses
écrits jugés blasphématoires.
2001 :
- En janvier,
Le ‘‘Diwan’’ d’Abou Nuwas est exposé dans la Foire du Livre au
Caire, tout en étant interdit à la vente.
- Agissant comme
une instance suprême de censure publique, l’Académie d’Al-Azhar des
recherches islamiques n’autorise pas la diffusion d’un livre sur
‘‘La femme dans la pensée de Khomeyni’’ et fait appel au “Comité de
la censure sur les œuvres artistiques” pour qu’il saisisse un livre
intitulé ‘‘Appel à la réflexion et à la méditation du Coran et de la
tradition du Prophète’’.
- L’écrivain féministe égyptienne
Nawal Saadaoui fait l’objet d’une plainte formulée par les
islamistes. Une audience est fixée pour le 18 juin 2001. Elle est
reconnue coupable d’atteinte à la religion. Elle est encore menacée
de mort par les intégristes.
- Toujours en Egypte,
l’écrivain Salaheddin Mohsen et la prédicatrice Manal Manea sont
condamnés à trois ans de prison pour athéisme et blasphème contre
l’Islam. Ils avaient pris des libertés avec l’exégèse du texte
coranique.
2003 :
- En Arabie Saoudite, le 27 mai,
le rédacteur en chef d’‘‘Al-Watan’’, Jamal Khashoggi, est limogé,
moins de deux mois après sa nomination, pour avoir autorisé la
publication d’articles critiquant ouvertement l’establishment
religieux, notamment les “moutawa” (police religieuse). Le
gouvernement saoudien a cédé à la pression des religieux
ultraconservateurs qui avaient condamné le journaliste, l’accusant
notamment de “se moquer [...] des gens vertueux” et de “propager le
mal et la corruption”.
- En Arabie Saoudite, fin juillet, le
grand mufti interdit à l’auteur réformiste Abdulaziz al-Qasim
d’exprimer ses vues dans le quotidien ‘‘Al-Madina’’. Cette
interdiction s’inscrit dans une large campagne d’intimidation des
médias saoudiens engagée après l’attentat du 12 mai à Riyad.
- Mohammed al-Harbi, enseignant saoudien, est condamné à 750
coups de fouet, trois ans et quatre mois de prison pour “atteinte à
l’intégrité de l’islam”.
- Mohammed al-Souheimi, enseignant
saoudien, est condamné à 300 coups de fouet, trois ans de prison et
interdiction d’exercer pour apostasie.
- En Iran, la
journaliste irano-canadienne Zahra Kazemi est assassinée pendant sa
détention, en raison de ses activités journalistiques. Elle avait
été durement torturée par les autorités policières iraniennes.
2004 :
- Ahmad Bayat Mokhtari, poète et musicien
iranien, est enlevé et écrasé sous une voiture à Chiraz, en raison
de ses activités artistiques.
- Le 30 octobre, Nabil
el-Fayadh, chercheur et écrivain, auteur de plusieurs ouvrages
interdits en Syrie et dans d’autres pays arabes, est arrêté par les
services de renseignements à Damas. Comme lors des précédentes
interpellations, l’incarcération fait suite aux plaintes déposées
par l’un des savants en religion les plus intégristes, Mohammed Saïd
Ramadan el-Bouti, de l’Université de la Charia de Damas. L’écrivain
a par ailleurs été menacé de mort à plusieurs reprises par le cheikh
wahhabite Khatib Khodra.
- Le 2 novembre, le cinéaste
néerlandais Theo Van Gogh est assassiné, à Amsterdam, par un
islamiste marocain pour avoir réalisé un film, ‘‘Submission’’,
dénonçant la soumission des femmes dans l’Islam. Les derniers
travaux de Van Gogh visaient à dénoncer le manque d’intégration des
musulmans néerlandais dans la société et le danger que constitue
l’Islam radical pour l’Europe moderne et démocrate.
Alors
qu’il était à bicyclette, un fils d’immigrant marocain musulman,
Mohammed Bouyeri , l’a blessé avec une arme à feu, puis l’a
poursuivi de l’autre côté de la rue où il l’a égorgé. Il l’a alors
poignardé en laissant une liste de personnes à qui il destinait le
même sort, notamment la scénariste du film, Ayaan Hirsi Ali, députée
hollandaise, d’origine somalienne, aujourd’hui réfugiée aux
Etats-Unis. Cette lettre se termine par: “Je suis certain, O
Amérique, que tu périras / Je suis certain, O Europe, que tu périras
/ Je suis certain, O Hollande, que tu périras / Je suis certain, O
Hirshi Ali, que tu périras / Je suis certain, O infidèle
fondamentaliste, que tu périras”.
2005 :
- Le 30
septembre 2005, le quotidien conservateur danois ‘‘Jyllands-Posten’’
publie douze caricatures du Prophète Mohammed. S’ensuivent des
demandes d’excuses, des menaces de mort et des manifestations à
Copenhague. Le 20 octobre, plusieurs ambassadeurs de pays musulmans
protestent officiellement auprès du gouvernement danois.
Le
29 décembre, la Ligue Arabe proteste. Le 21 janvier, l’Union
internationale des oulémas au Caire appelle au boycott des produits
danois et norvégiens, car un magazine norvégien vient également,
devant la montée médiatique, de publier en janvier les caricatures.
Le 1er février, ce sera, pour les mêmes raisons, au tour d’autres
journaux européens de les publier. Malgré les “excuses” et “regrets”
exprimés par les journaux incriminés, et les déclarations ambiguës
des gouvernements danois et norvégiens, qui cherchent à ménager la
chèvre et le chou, les pays arabes réclament des sanctions,
rappellent leurs ambassadeurs. Pis : des émeutes éclatent et des
ambassades de pays incriminés sont brûlées au Moyen-Orient, faisant
des morts et des blessés… parmi les émeutiers musulmans. Quant aux
citoyens originaires de pays où ces caricatures ont été publiées,
ils deviennent officiellement une cible potentielle pour les
intégristes.
2006 :
Le 23 janvier, la journaliste
Elham Afrotan, responsable de l’hebdomadaire ‘‘Tamadone Hormozgan’’,
est emprisonnée, avec six autres collaborateurs de son journal.
Induite en erreur par le titre d’un article émanant d’un
site Internet qui prônait la lutte contre le sida, la rédaction du
journal en a fait une reprise dans sa page “santé”. Il s’agissait
d’un article satirique comparant la venue de l’ayatollah Khomeyni
au… sida. Les journalistes ont été appréhendés à Bandar-Abbas, au
sud du pays, après la publication de l’hebdomadaire. Les médias
proches du pouvoir, organisations gouvernementales et écoles
coraniques en ont profité pour organiser des manifestations, qui ont
abouti à la mise à sac et à l’incendie du siège du journal.
- Le 12 février dernier, Ali Afsahi, critique de cinéma et
ancien rédacteur en chef de la revue culturelle et sportive
iranienne ‘‘Cinama-Varzech’’ (suspendue en 2000), a été arrêté sans
motif officiel. Le journaliste avait déjà été arrêté le 30 décembre
2000, et condamné à quatre mois de prison par le Tribunal spécial du
Clergé pour ses écrits subversifs.
Ryadh
Fékih
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